Les économistes prévoient qu'une hausse des prix à la pompe en septembre fera grimper l'inflation avant la prochaine décision de la Banque du Canada sur les taux d'intérêt prévue fin octobre.
Statistique Canada publiera mardi les chiffres de l'inflation du mois dernier.
Un sondage Reuters réalisé auprès d'économistes avant la publication prévoit une hausse de l'inflation annuelle à 2,2 % en septembre, selon LSEG Data & Analytics. L'inflation annuelle était de 1,9 % en août.
Stephen Brown, économiste en chef adjoint pour l'Amérique du Nord chez Capital Economics, s'attend à une accélération supplémentaire du taux d'inflation annuel, qui atteindrait 2,4 % lors de la prochaine publication.
«Nous prévoyons une forte hausse de l'inflation globale», a-t-il indiqué lors d'une entrevue.
M. Brown a mentionné que les prix de l'essence avaient légèrement augmenté d'un mois à l'autre en septembre, mais avaient fortement chuté à la même période l'an dernier. Cela entraînera une hausse de la comparaison annuelle des prix en raison d'un phénomène que les économistes appellent l'effet de l'année de base.
Benjamin Reitzes, directeur général spécialiste en stratégie – taux canadiens et macroéconomie chez BMO Marchés des capitaux, prévoit également que la pression à la pompe fasse grimper l'inflation, mais il préconise une hausse à 2,2 %.
Les effets de la fin des droits de douane de rétorsion
L'un des facteurs qui pourraient atténuer l'inflation de septembre est la suppression par Ottawa des droits de douane de rétorsion imposés aux États-Unis au début du mois.
M. Reitzes a toutefois averti que l'ampleur de la baisse des prix varierait en fonction de la façon dont les entreprises gèrent l'incertitude commerciale actuelle.
«Tout dépend de la rapidité avec laquelle ces baisses de prix se sont répercutées et de l'ampleur de la répercussion initiale des droits de douane, a-t-il expliqué. Cette dynamique se poursuivra donc probablement sur quelques mois.»
Statistique Canada a indiqué que les droits de douane de rétorsion faisaient grimper les prix des vêtements et des chaussures dans son rapport sur l'inflation de juin.
Certains économistes ont également souligné que l'inflation des aliments ressentait les droits de douane de rétorsion, puisque la hausse des prix est plus susceptible d'être répercutée rapidement sur les denrées périssables, comme les produits d'épicerie.
Selon M. Brown, les pressions sur l'inflation des prix alimentaires, causées par la faiblesse relative du dollar canadien en début d'année, devraient s'atténuer au cours des prochains mois. Le huard s'est raffermi au cours du premier semestre de 2025, contribuant à réduire les pressions inflationnistes sur les importations.
Le rapport sur l'inflation publié mardi sera la dernière publication économique majeure avant la prochaine décision de la Banque du Canada sur les taux d'intérêt prévue le 29 octobre.
La banque centrale a abaissé son taux directeur d'un quart de point, le portant à 2,5 % en septembre, invoquant un déplacement des risques liés à la hausse des prix vers un affaiblissement de l'économie.
Depuis, Statistique Canada a fait état d'une croissance surprenante de 60 000 emplois dans son rapport sur le marché du travail de septembre.
M. Reitzes a indiqué que la banque centrale accordait une grande importance aux quelques mois de faiblesse des chiffres de l'emploi précédant la décision de septembre sur les taux, mais que l'enquête sur la population active était considérée comme assez volatile dans les milieux économiques.
Un mois de gains d'emplois ne change rien au fait que le taux de chômage demeure élevé à 7,1 %, a-t-il ajouté.
La Banque du Canada publiera également lundi ses propres enquêtes trimestrielles auprès des entreprises et des consommateurs, lui permettant ainsi de faire le point sur l'opinion des Canadiens et des employeurs face à l'incertitude commerciale.
M. Reitzes s'attend à un regain de confiance par rapport au deuxième trimestre de l'année, marqué par de fortes perturbations tarifaires.
«L'incertitude persiste. Elle pèsera sur les intentions d'investissement et d'embauche. Mais la situation n'est pas aussi mauvaise qu'au trimestre dernier», a-t-il souligné.
Vers une baisse du taux directeur?
M. Reitzes a précisé que, si les chiffres de l'inflation n'accéléraient pas trop et que l'enquête sur les perspectives des entreprises indiquait que les entreprises maintenaient une approche prudente, une nouvelle baisse d'un quart de point pourrait être envisagée par la Banque du Canada ce mois-ci.
Les marchés financiers estimaient vendredi en fin de matinée à environ 64 % la probabilité d'une baisse des taux d'intérêt le 29 octobre, selon LSEG Data & Analytics.
Bien que Capital Economics envisage toujours une baisse, M. Brown s'est dit quelque peu surpris que les marchés anticipent une nouvelle baisse des taux après la publication d'un rapport sur l'emploi solide.
La Banque du Canada examinera deux facteurs clés au cours de la semaine à venir, selon M. Brown.
Si l'enquête sur les perspectives des entreprises révèle que la faiblesse des intentions d'embauche s'est propagée à des secteurs autres que ceux touchés par les échanges commerciaux, cela suggère qu'il existe une marge de manœuvre supplémentaire pour poursuivre la baisse du taux directeur.
Mais si les mesures privilégiées de l'inflation sous-jacente de la Banque du Canada montrent des signes d'accélération à court terme, cela pourrait dissuader la banque centrale de procéder à un nouvel assouplissement pour le moment.
Le sous-gouverneur de la Banque du Canada, Rhys Mendes, a prononcé un discours plus tôt ce mois-ci dans lequel il a laissé entendre que la banque centrale envisageait de réviser ses indicateurs d'inflation sous-jacente, qui visent à éliminer les éléments volatils de l'indice des prix à la consommation afin de mieux cerner les mécanismes sous-jacents de l'inflation.
La Banque du Canada a laissé planer le doute quant à la pertinence de ses indicateurs, l'IPC-tronq et l'IPC-méd, des chiffres qui situent l'inflation de base autour de 3 %, pour donner une meilleure idée des pressions sous-jacentes sur les prix, que la banque centrale a récemment fixées plus près de 2,5 %.
M. Reitzes estime que le point à retenir du discours de M. Mendes est qu'il ne faut pas se concentrer sur un seul chiffre.
Il a suggéré que l'ampleur de l'inflation — le nombre d'articles dans le panier de biens de consommation qui dépassent la cible de 2 % de la banque centrale par rapport à ceux qui sont en dessous — est un meilleur indicateur pour déterminer si l'inflation est suffisamment maîtrisée pour que la Banque du Canada baisse à nouveau ses taux ce mois-ci.

