Retournement de situation à la commission Gallant: les travaux qui visent à faire la lumière sur la gestion de la modernisation des systèmes informatiques de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) sont suspendus au moins jusqu'au 15 septembre.
C'est en raison d'une quantité importante de documents à analyser provenant de la SAAQ que la commission a mis sur pause son enquête.
Cette arrivée massive de paperasse résulte de la levée du privilège du secret professionnel entre les avocats et leur client. «Il devient nécessaire de bien cibler nos prochaines actions. Nous avons donc suspendu les audiences jusqu’au lundi 15 septembre à Québec», a-t-on indiqué dans une communication envoyée à Noovo Info.
«Nous nous retrouvons avec une quantité importante de documents à analyser dont des doublons.»
Le conseil d'administration de la SAAQ a autorisé à la fin août la levée dudit secret professionnel et la divulgation de tout avis, opinion et conseil juridique qui pourraient aider la commission Gallant dans son enquête sur le financement de SAAQclic.
Le procureur en chef de la commission Gallant, Simon Tremblay, a expliqué mardi après-midi que cette décision avait amené «une nouvelle masse d'informations».
Les équipes de la commission ont commencé à recevoir l'intégralité des boîtes de courriels de témoins clés, après que la SAAQ a choisi à la fin août de renoncer à invoquer le secret professionnel de ses avocats en lien avec les enquêtes pour le projet informatique CASA.
Un travail de tri doit être effectué afin d'identifier les nouvelles informations et ce que la commission a déjà en sa possession, a indiqué Me Tremblay.
Me Tremblay a souligné la «bonne collaboration» de la SAAQ pour identifier les éléments nouveaux.
Le commissaire Denis Gallant a donné son accord à la suspension, mais il a dit commencer «à être très inquiet des délais».
La Commission d'enquête sur la modernisation technologique de la SAAQ a déjà obtenu une prolongation du gouvernement Legault. Le commissaire devait au départ remettre son rapport au plus tard le 30 septembre. Cette date a été repoussée au 15 décembre.
Les témoins clés que doit entendre prochainement la commission sont l'ancienne PDG, Nathalie Tremblay, ainsi que l'ex-vice-président aux technologies de la société d'État, Karl Malenfant.
Publié en février dernier, un rapport du Vérificateur général du Québec (VGQ) a fait état de dépassements de coûts pour le déploiement des nouveaux systèmes informatiques de la SAAQ, dont la plateforme transactionnelle SAAQclic.
D'ici 2027, le virage numérique de l'organisation pourrait coûter au minimum 1,1 milliard $, soit une hausse de près de 500 millions $ par rapport au budget initial, selon le VGQ. La transition avait provoqué en 2023 de longues files d'attente devant les succursales.
Cette estimation comprend les phases de développement et d'exploitation des différentes étapes déjà mises en œuvre et celles à venir. Les deux prochaines phases de livraison sont sur la glace actuellement, les échéances étant pour le moment inconnues.
Un «malaise» face à un extra
Plus tôt mardi, une ancienne vice-présidente aux finances de la SAAQ a complété son témoignage. Francine Lépinay a dit avoir eu un «malaise personnel» face au montant d'un extra qui permettait d'éviter de le rendre public.
Alors qu'elle fait face à un manque à gagner de 222 millions $ pour compléter la plateforme SAAQclic, la société d'État décide d'opter en 2022 pour un premier avenant, soit un ajout au contrat avec le consortium formé de LGS et SAP.
La somme de 45,7 millions $ a été décidée entre le PDG de l'époque, Denis Marsolais, M. Malenfant et Mme Lépinay. Le montant équivaut à 9,97 % du contrat initial, soit 0,03 % sous le seuil exigeant une publication dans le système électronique d’appel d’offres du gouvernement (SEAO).
Mme Lépinay a affirmé avoir eu un inconfort au moment des discussions avec ses collègues.
«Le montant qui a été monté à mon niveau pour autorisation était plus élevé que 45 millions $, mais c'était en dessous du 10 %. J'avais un malaise parce que ça prenait quelques décimales après le point pour voir qu'on était en bas de 10 %. Et c'était un malaise personnel que j'avais. Je l'ai mentionné», a-t-elle relaté.
La direction avait choisi cette voie, malgré la recommandation interne de signer un seul extra de 222 millions $ plutôt que de morceler le montant.
Selon une analyse préparée par la gestion contractuelle, les TI et les affaires juridiques de la SAAQ, le fractionnement comportait des inconvénients et des risques financiers et juridiques.
Tandis que l'ajout d'un seul avenant de 222 millions $ au contrat comportait principalement des avantages.
«Je ne pense pas qu'il y a eu de youpi! dans nos discours cette journée-là», s'est souvenu mardi le directeur de la gestion contractuelle de la SAAQ, Marc-André Toupin, quand lui et sa supérieure apprennent que la direction fait fi de la recommandation.
«Ma réaction a été la même que n'importe quel autre dossier. C'est un avenant comme un autre au final», a-t-il ajouté devant la commission.
Il a déjà vu d'autres avenants près du seuil de 10 %. L'important est d'avoir la justification derrière. Sauf que, dans le cas du 45,7 millions $, la documentation n'est jamais venue, malgré ses demandes, a indiqué M. Toupin.
Mme Lépinay ne se souvient pas ce qui justifiait le montant, mais, pour elle, le seuil de 10 % n'était pas un facteur.
Jusqu'à présent, trois avenants ont été conclus dans le cadre du projet informatique CASA/SAAQclic totalisant 153,7 millions $, sans compter les contrats conclus lors d'appels d'offres distincts.
Avec la collaboration de Guillaume Théroux pour Noovo Info


