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SAAQclic: des risques liés aux coûts identifiés dès 2018 par une équipe des finances

C'est ce qui a été révélé lundi devant la commission Gallant.

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9ab78323de014f218563073b45cc613c05ecf496cfd2a3f9546ac2c86c40068b.jpg Des écrans sont visibles dans la salle d'audience de la commission Gallant, qui enquête sur les ratés de la transformation technologique de la Société de l'assurance automobile du Québec, à Montréal, le jeudi 24 avril 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi (LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi)

Une équipe de la direction des finances de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) avait identifié, dès les débuts de l'exécution du contrat pour la transformation numérique, des risques possibles pouvant entraîner des dépassements de coûts. 

C'est ce qui a été révélé lundi devant la commission Gallant. L'enquête publique se penchant sur le fiasco SAAQclic a entendu une ancienne gestionnaire du département des finances de la SAAQ, Francine Lépinay. 

Son équipe avait préparé en 2018 un plan identifiant les risques et des mesures de contrôle en lien avec le contrat pour le projet informatique nommé CASA. 

Ce document avait été présenté au comité de direction de la société d'État et devait servir à éviter des angles morts au cours du projet. 

Le document avait «bien identifié» tous les risques possibles qui se sont finalement concrétisés sur le plan budgétaire, a analysé la procureure de la commission d'enquête, Me Marie-Claude Sarrazin. 

Mais l'équipe du contrôle organisationnel de la SAAQ a-t-elle pu mettre en place les mesures de contrôle prévues au plan?, a demandé Me Sarrazin. 

Mme Lépinay a témoigné notamment que son département était informé des ajustements au contrat seulement après coup. Il y avait une grande autonomie du bureau de projet, a dit celle qui a été directrice générale des finances et ensuite vice-présidente aux finances, avant de prendre sa retraite en octobre 2024.

«Le suivi des coûts était fait au niveau du bureau de projet. Lorsqu’on demandait des informations, on nous les donnait, puis, quand il y avait des redditions de comptes, on avait la documentation. On n'avait pas de la difficulté, mais souvent on les avait un peu tard», a déclaré Mme Lépinay.  

Me Sazarrin lui a fait remarquer que cette situation pouvait empêcher de prendre des actions afin d'«éviter des dépenses, éviter des transferts d'argent qui seraient inadéquats ou des facturations de taux horaire qui ne respectent pas le contrat». 

Mme Lépinay a soutenu que de la «rétroaction» pouvait être faite si des erreurs étaient dénotées après coup. 

Elle a toutefois reconnu que de longs délais avant d'obtenir les informations n'étaient pas monnaie courante. «Mais le projet avançait vite, a-t-elle ajouté. C'est sûr que ce genre d’analyse pouvait ne pas être priorisé par l'équipe projet parce que ça avançait rapidement.»

«Donc, ce n'était pas priorisé. Voire vu comme un irritant?», a demandé la procureure. «Peut-être», a répondu Mme Lépinay. 

«Un empêcheur de tourner en rond?», a ensuite demandé Me Sarrazin. «Peut-être», a de nouveau répondu l'ancienne gestionnaire. 

«Des irrégularités»

Au printemps 2018, Mme Lépinay avait envoyé une note au vice-président aux finances et responsable de l'application des règles contractuelles de la SAAQ. Il est question «d'irrégularités au niveau des contrôles» entourant le temps facturé par les ressources externes. 

Dans cette note exhibée devant la commission, Mme Lépinay évoquait aussi plusieurs autres éléments contribuant «à miner le climat de confiance» entre l'équipe du projet CASA et la deuxième ligne de contrôle, soit notamment la direction du contrôle organisationnel.  

Mme Lépinay indiquait que cette dernière n'avait pas obtenu réponse à des questions et qu'elle n'avait «pas accès aux documents en temps opportun». Le bureau de projet prenait également des décisions financières sans consultation, comme un changement de taux par rapport au contrat. 

Mme Lépinay écrivait de plus que «des impacts financiers du projet CASA sont amenés au comité de direction de la SAAQ pour décision sans validation par la deuxième ligne de contrôle». 

Elle avançait aussi que «les échéanciers semblent plus importants que la qualité».

«On était souvent mis au courant après le fait et on avait de la difficulté à avoir les informations suffisamment d'avance pour pouvoir valider les chiffres. Parfois, peu de temps nous était laissé pour valider les chiffres», a affirmé Mme Lépinay au commissaire Denis Gallant. 

L'un des cas cités également lundi est le changement de taux horaire de ressources externes, qui est passé de 82 $ à 350 $ de l'heure sans une demande d'autorisation au préalable. Mme Lépinay a dit qu'il a fallu «plusieurs mois» avant d'obtenir la documentation justifiant ce changement. 

Ces doléances rejoignent celles évoquées par d'anciens vérificateurs internes de la SAAQ venus témoigner au printemps dernier. L'ancien patron des auditeurs de la société, Daniel Pelletier, avait exposé les difficultés rencontrées dès 2017 par son équipe pour obtenir des informations «au bon moment». 

Mme Lépinay a affirmé que des «ajustements» avaient été apportés pour remédier à la situation, mais qu'«on pouvait faire face encore à ces observations-là» tout au long du projet. 

Rappelons que la modernisation technologique de la SAAQ, qui comprend la plateforme SAAQclic, devrait coûter au moins 1,1 milliard $, selon le Vérificateur général du Québec, soit au moins 500 millions $ de plus que le budget initial.

Frédéric Lacroix-Couture

Frédéric Lacroix-Couture

Journaliste