Chroniques

Remaniement à Québec: incarner le changement

Reconnecter le gouvernement avec l’électorat après sept ans au pouvoir est un défi titanesque pour le premier ministre.

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(Montage Noovo Info et La Presse canadienne)

Enfin, diront plusieurs! Cette semaine, François Legault fera son attendu, et très longuement à l’avance annoncé, remaniement ministériel. Cet exercice, qu’il n’a pas utilisé très souvent depuis 2018, aura plusieurs objectifs pour le premier ministre à un an de la fin de son deuxième mandat.

On voudra changer les visages, changer le ton et mettre à jour l’agenda politique du gouvernement. Le remaniement devra donc servir à illustrer ces changements, tout comme la prorogation du Parlement et le discours inaugural qui suivront à la fin septembre permettront de répéter des messages et de continuer à tenter de relever le grand défi de la CAQ actuellement: incarner le changement même après 7 ans de gouvernement.

Changer les visages

On parle beaucoup de changer les visages depuis que l’on discute de ce mouvement ministériel. Il est vrai que cet exercice permet de placer de nouvelles personnes à parler de sujets qui sont ceux qui intéressent le plus les Québécois. Dans ce cas-ci, le premier ministre va certainement amener de nouveaux visages.

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Je pense par exemple à Samuel Poulin, à Maryline Picard ou à Jean-François Simard qui ont l’expérience et la stature pour porter des dossiers au Conseil des ministres, mais aussi à replacer certains ministres dans certains portefeuilles où l’on veut que le porteur soit mieux organisé. Je pense ici au dossier des Finances, qui est défendu par Eric Girard depuis plusieurs années, mais qui gagnerait certainement à être porté par quelqu’un d’autre, puisque, aux yeux de plusieurs, Eric Girard incarne le déficit actuel et peut donc difficilement incarner le retour à l’équilibre.

Retrouver la crédibilité

Un autre élément qui m’apparaît essentiel, dans ce remaniement, c’est de trouver une façon pour le premier ministre de réincarner la bonne et saine gestion de l’État. Le scandale SAAQclic représente un énorme boulet à traîner pour le gouvernement, mais il n’est pas le seul. En infrastructures, par exemple, on entend parler régulièrement de dépassements de coûts, et les transformations numériques sont difficiles dans tous les ministères.

Il sera donc intéressant pour le premier ministre de placer des gens de confiance, et qui sont reconnus pour leur capacité à livrer des missions difficiles, aux postes les plus névralgiques. Je pense notamment au ministère des Transports, qui nécessitera la nomination d’une personne ayant une crédibilité acquise dans la population pour relever l’important mandat de remettre de l’ordre au niveau de la SAAQ.

Le premier ministre, ayant dit en commission que le ministre des Transports doit être le responsable, ne peut pas se tromper sur la personne qu’il nommera à ce poste. Cette recherche de crédibilité et de rigueur va certainement affecter d’autres ministères, comme celui des Infrastructures par exemple, où les dépassements de coûts sont devenus légion, et où il faudra, selon moi, avoir un visage nouveau pour porter un recentrage de la mission de ce ministère dans la surveillance du respect des budgets en infrastructure. D’autant plus que le gouvernement, dans les prochaines années, aura à planifier, livrer et coordonner de nombreuses mises à niveau des infrastructures publiques aux quatre coins du Québec.

Changer le ton

Changer le ton est probablement la chose la plus difficile à faire lorsqu’on est au pouvoir depuis sept ans. Naturellement, plus on acquiert de l’expérience au gouvernement, plus on prend confiance sur sa compréhension des enjeux et des publics ce qui fait que l’on est peut-être moins à l’écoute des opposants et des suggestions externes.

Ainsi, on peut avoir tendance à donner une perception d’arrogance ou de suffisance à la population. Cela s’observe régulièrement, quel que soit le parti au pouvoir. En 2012, par exemple, Jean Charest avait, en partie, perdu son élection à cause de cette perception d’arrogance face aux étudiants qui faisaient la grève. Bernard Landry, en 2003, avait également souffert de cette perception d’usure lors de l’élection générale.

Ce remaniement pourrait donc permettre au premier ministre de placer des gens reconnus pour leur capacité d’écoute, leur sympathie, leur gentillesse à des postes importants. Cela permettrait de donner un nouveau souffle à la capacité du gouvernement à écouter la population. À ce titre, le désir de changement de ton de Christian Dubé à la Santé n’est pas un hasard. Il représente un exemple de ce que le gouvernement devra faire dans plusieurs autres domaines.

Reconnecter le gouvernement avec l’électorat après sept ans au pouvoir est un défi titanesque pour le premier ministre, et chaque étape devra être réalisée à la perfection. Le remaniement de cette semaine représente la première étape et elle devra incarner le discours de renouveau, d’humilité et de rigueur.

D’ailleurs, en expulsant Pierre Dufour de son caucus après qu’il a menacé de démissionner s’il n’y avait pas un ministre de l’Abitibi (probablement lui-même), le PM a montré toute l’importance qu’il accorde à l’exercice et la loyauté à laquelle il s’attend. C’est lui qui a mené la CAQ au pouvoir et les élus actuels lui doivent beaucoup. Il aura cependant besoin de toute leur solidarité pour relever les défis de la prochaine année. Ce sera passionnant à suivre! Bon remaniement!

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