Les Québécois sont plus favorables à l'interdiction de la prière publique que partout ailleurs au pays, selon un nouveau sondage publié cette semaine.
Le sondage Léger a interrogé des Canadiens partout au pays après que le gouvernement du Québec a annoncé l'interdiction de la prière dans les lieux publics dans le cadre d'une initiative visant à renforcer la laïcité dans la province. Dans l'ensemble, le sondage a révélé que 26 % des Canadiens étaient favorables à une interdiction, tandis qu'au Québec, 43 % des répondants ont déclaré que les prières organisées dans les lieux publics ne devraient jamais être autorisées.
Le ministre de la Laïcité, Jean-François Roberge, a indiqué en août qu'il déposerait un projet de loi cet automne pour interdire cette pratique.
Sébastien Dallaire, vice-président exécutif de Léger, a expliqué en entrevue que le projet de loi québécois avait suscité un examen de l'opinion publique dans le reste du Canada.
Les données du sondage Léger montrent à quel point les opinions des Québécois contrastent avec celles du reste du Canada.
«C'est une pluralité, voire une majorité dans certaines provinces qui disent que les prières peuvent être autorisées dans l'espace public, mais seulement sous certaines conditions», a expliqué M. Dallaire.
Dans l'ensemble, le sondage révèle que 19 % des Canadiens estiment que la prière publique devrait être autorisée en tout temps, tandis que 45 % estiment qu'elle devrait l'être dans certaines circonstances particulières.
Le Québec affiche le plus faible soutien à l'autorisation permanente des prières publiques au pays, soit 12 %, tandis que 38 % estiment qu'elles devraient être autorisées dans certaines circonstances particulières.
«La plus grande différence — et ce n'est pas surprenant compte tenu des débats politiques — réside dans le fait que les Québécois sont beaucoup plus susceptibles que les autres Canadiens de dire que la prière ne devrait jamais être autorisée, a ajouté M. Dallaire. Cette proportion atteint une vingtaine (de points de pourcentage) dans le reste du Canada, ce qui représente un écart assez important, mais pour les autres, le Québec n'est pas si différent.
«Il y a quand même une certaine hésitation en ce qui concerne la place de la prière dans l'espace public au Canada anglais de la même façon qu'au Québec», ajoute-t-il.
La proposition du gouvernement provincial intervient dans un contexte de tensions latentes au Québec concernant les prières musulmanes organisées dans le cadre de manifestations propalestiniennes, notamment devant la basilique Notre-Dame de Montréal.
«La montée des prières de rue est un enjeu grave et sensible au Québec, a indiqué le ministre Roberge dans une déclaration écrite. En décembre dernier, notre gouvernement a exprimé son malaise face à ce phénomène croissant, particulièrement à Montréal.»
Dans une tribune publiée dans La Presse, Mgr Christian Lépine a déclaré que cette loi violerait les libertés garanties par les Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés.
«Ces textes affirment que la liberté religieuse ne se limite pas aux lieux de culte: elle fait partie intégrante du vivre-ensemble, a écrit Mgr Lépine. Restreindre la prière à la sphère privée reviendrait à réduire l’espace de liberté de toute la société.»
Le chef de l’archidiocèse de Montréal s’est également interrogé sur la distinction entre la prière et la contemplation silencieuse, par exemple. Appliquer cette interdiction serait arbitraire et «alimenterait la méfiance et les préjugés».
«Comment légiférer sur une intention, un murmure, une pensée intérieure? a demandé Mgr Lépine. Et surtout, qui déciderait de ce qui est une prière et de ce qui ne l’est pas?»
Il a souligné que plusieurs traditions catholiques seraient menacées.
Des groupes musulmans et des groupes de défense des libertés civiles ont également dénoncé cette tentative de légiférer. L'Association canadienne des libertés civiles a affirmé que la mesure proposée «viole clairement la liberté de religion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association».
M. Dallaire a souligné que la séparation de l'Église et de l'État est beaucoup plus répandue au Québec depuis les années 1960 et 1970, et pendant des périodes comme la Révolution tranquille.
Des débats houleux ont également eu lieu pendant deux décennies sur des questions comme le projet de loi 21 — la loi sur la laïcité de la province — et, avant cela, la soi-disant Charte des valeurs du Parti québécois.
«Il y a donc un aspect politique à cela qui est différent au Québec par rapport au reste du Canada», a indiqué M. Dallaire.
Le sondage en ligne a été mené auprès de 1592 personnes entre le 5 et le 7 septembre et ne peut se voir attribuer de marge d'erreur.
