Économie

Payer sa conjointe pour faire le ménage? Les maths, l'argent et le travail invisible

Et si les mathématiques pouvaient contribuer à rééquilibrer les relations de couple?

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Un nouvel outil pour des dépenses dans le couple équitable Un nouvel outil pour des dépenses équitables dans le couple. (Noovo Info)

C’est l’idée défendue par Hélène-Sarah Bécotte, professeure de mathématiques et fondatrice de calcule.ca, qui a mis au point un outil permettant de valoriser financièrement le travail invisible accompli au sein du foyer. Son objectif : montrer, à l’aide de scénarios chiffrés, comment les méthodes habituelles de gestion financière, comme que le partage 50/50, la répartition au prorata des revenus ou la mise en commun des ressources, peuvent masquer ou renforcer des inégalités liées au travail domestique et à la charge mentale.

Au cœur de son analyse, il est question de valoriser le travail invisible, qui désigne l’ensemble des tâches domestiques et organisationnelles qui ne sont pas rémunérées et qui, pourtant, assurent le bon fonctionnement du foyer. Cela inclut, entre autres, le ménage, la cuisine, la gestion des finances domestiques, la planification des activités familiales, ainsi que le suivi éducatif et médical des enfants. Ce travail, bien que crucial, est souvent sous-évalué et reste invisible dans les bilans financiers du couple.

Calcul.ca Hélène-Sarah Bécotte, fondatrice de calcul.ca. (Calcul.ca)

De plus, plusieurs études démontrent que ces tâches sont réparties de façon inégale dans la majorité des couples, y compris dans les couples homosexuels.

En tenant compte de ce travail, il devient donc possible de mieux évaluer la contribution de chaque partenaire et d’atteindre une véritable équité financière, selon la professeure.

Un appauvrissement d’un des deux partenaires

Selon Hélène-Sarah Bécotte, «même quand les revenus sont partagés ou quand les dépenses sont réparties au prorata, la personne qui gagne le moins, souvent celle qui assume la majorité du travail invisible, se retrouve économiquement désavantagée».

Le risque d’après la professeure, c’est que l’un des partenaires s’enrichisse au profit de l’autre qui s’appauvrit. S’il y a une rupture dans le couple, la personne qui s’est appauvrie pendant des années n’aurait rien à la sortie de son couple.

La gestion financière qui repose sur le partage égalitaire (50/50) ou la répartition proportionnelle aux revenus accentuent donc les inégalités.

Pour comprendre sa nouvelle méthode de calcul, la professeure prend l’exemple suivant :  si dans un couple, l’un des partenaires gagne 20 000 $ par an, et l’autre 80 000 $. Ensemble, leur revenu annuel s’élève à 100 000 $. Après avoir couvert des dépenses annuelles de 60 000 $, il reste 40 000 $ à épargner. Une répartition égalitaire de cette somme pourrait sembler juste à première vue (20 000 $ chacun). Pourtant, lorsqu’on tient compte du temps investi dans les tâches domestiques, le calcul change radicalement.

Selon les estimations, les femmes avec enfants effectuent entre 30 et 50 heures de travail invisible par semaine. D’ailleurs le travail invisible historiquement attribué aux femmes, et ce que Mme Bécotte appelle le travail intérieur, aurait comme valeur monétaire un taux horaire de 25,63 $, et pour les tâches extérieures 34,50 $ selon Statistique Canada.  

En attribuant une valeur horaire de 25,63 $ aux tâches ménagères de l’intérieur cela représente entre 768 $ et 1 280 $ par semaine de perdu.

En fait ce calcul, propose au partenaire le plus aisé de rembourser celle ou celui qui fait le plus de travail invisible. Ce serait une façon de rééquilibrer le budget du couple en fonction de la contribution.

Iniquité dans le couple

La conséquence économique est tangible : la personne qui accepte un emploi à temps partiel ou des horaires réduits pour s’occuper du foyer perd des revenus immédiats, mais aussi des droits associés (cotisations, droits à la retraite, progression de carrière), creusant une inégalité durable.

En d’autres termes, si l’un des partenaires peut se consacrer pleinement à sa carrière, c’est souvent grâce au temps et à l’énergie investis par l’autre dans la sphère domestique.

«Le calculateur que j’ai fait n’est pas parfait. Il y a beaucoup de variables qui n’ont pas été prises en compte», reconnait-elle.

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La plateforme a cependant une vertu pédagogique : elle oblige à nommer et quantifier, même sommairement, ce qui demeure souvent implicite. En proposant des scénarios comparatifs, Hélène-Sarah Bécotte suscite une prise de conscience et offre un point de départ pour réfléchir ensemble.

C’est dans ce contexte que l’approche proposée par Hélène-Sarah Bécotte prend tout son sens : en chiffrant la valeur du travail invisible, il devient possible de mettre en lumière une contribution réelle, mais non reconnue, et d’ouvrir la voie à des arrangements financiers plus équitables entre partenaires.

Lila Mouch

Lila Mouch

Journaliste