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Plus de 12 000 personnes manifestent contre la loi 2 au Centre Bell

Selon la FMOQ, 12 500 personnes doivent prendre part au rassemblement.

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Des professionnels de la santé participent à une manifestation contre le projet de loi 2 au Centre Bell de Montréal, le dimanche 9 novembre 2025. Des professionnels de la santé participent à une manifestation contre le projet de loi 2 au Centre Bell de Montréal, le dimanche 9 novembre 2025. (Graham Hughes/La Presse canadienne)

«Non à la loi 2»: 12 500 médecins, étudiants en médecine et leurs proches ont scandé ce slogan dimanche au Centre Bell, lors du rassemblement des fédérations médicales qui exigent la suspension de cette loi. 

Une foule enthousiaste a afflué dans l'amphithéâtre, constituée de participants venant de partout dans la province, alors que 17 autobus ont notamment convergé vers le Centre Bell. 

Plusieurs personnes brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire des slogans tels que: «On est la solution, pas le problème» et  «Loi 2: dérive autoritaire». 

Discours, témoignages de médecins et prestations du groupe musical composé de médecins Doc Show se sont succédés sur scène, lors du rassemblement animé par Pierre-Yves Lord. 

«La loi 2 est une infamie et on va le dire haut et fort», a dit d'emblée l'animateur.

Selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), 12 500 personnes prenaient part au rassemblement. 

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«C’est un message uni des quatre fédérations médicales, de tous les experts au Québec, pour dire à François Legault, à Christian Dubé, de mettre sur pause la loi 2», a affirmé le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, peu avant le début du rassemblement. 

«Imposer, comme ils le font actuellement, ça va amener des catastrophes, des dérives, et elles sont déjà commencées ces catastrophes-là: 550 médecins ont déjà annoncé qu’ils quittaient le Québec», a-t-il ajouté, faisant valoir l'importance de trouver des solutions. 

La Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ), la Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ), la FMOQ et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) s'opposent à cette loi adoptée sous bâillon le 25 octobre. 

La loi change le mode de rémunération des médecins, leur impose des cibles de performance et les menace de sanctions. La FMOQ, la FMSQ et la FMEQ ont entrepris de la contester devant les tribunaux.

Sur scène, la Dre Lyne Couture, présidente de l'Association des médecins omnipraticiens de Laurentides–Lanaudière, a souligné que la loi 2 touche particulièrement les femmes, alors que «la médecine de famille aujourd'hui, c'est majoritairement une profession féminine». 

«Quand une profession se féminise, l’histoire nous le montre, elle perd en reconnaissance, en respect et en prestige», a affirmé la Dre Couture. 

La Dre Corinne Leclercq, vice-présidente de la FMSQ, a pour sa part fait valoir que la loi 2 ne réglerait pas les enjeux liés au personnel en région. 

«On a sonné l'alarme, demandé des renforts, supplié pour avoir des ressources, et qu'est-ce qu'on a eu comme réponse? Silence radio. Au lieu de ça, la loi 2 nous donne une espèce de plan de couverture, a-t-elle dit. Ça ne réglera pas les régions. Ça n'amènera pas des médecins à y travailler plus, ça n'amènera pas les médecins à rester en région.»

Le Dr Vincent Oliva, président de la FMSQ, a soutenu que le rassemblement de dimanche «n'est pas une fin, c'est un début». 

«C'est le début d'un mouvement où les médecins vont prendre leur place pour vrai, c'est le début d'un mouvement où l'on va parler haut et fort, et l'on va dire: la loi 2, c'est un torchon!»

Des craintes pour les patients 

Plusieurs médecins et étudiants en médecine ont partagé leurs inquiétudes concernant la loi 2 en marge du rassemblement au Centre Bell. 

«On veut de l’aide, la loi 2 ne nous en donne pas, elle fait juste nous donner des pénalités», a déploré la Dre Marie-Ève Landry, une médecin de famille. 

«J’ai des inquiétudes pour mes patients, parce qu’avec la loi 2, telle qu’elle est écrite présentement, je ne pense pas qu’on va être capable de garder nos cliniques médicales ouvertes, a-t-elle expliqué. On veut travailler en équipe, mais présentement dans ma clinique, il manque une travailleuse sociale et une infirmière clinicienne. Je veux déléguer, mais je n’ai personne à qui déléguer.»

Pour le Dr Antoine Marsan, également médecin de famille, la loi 2 «met plusieurs choses sur la table», qui sont, selon lui, «inacceptables». 

Il a déploré «toute l'atmosphère de délation qu'elle favorise, le fait qu'on doit nommer quelqu'un pour être délateur en chef dans nos cliniques, le fait qu'on met beaucoup d'argent en supervision, en délation, et aucun argent en première ligne». 

«Les médecins doivent se débrouiller pour augmenter l'accès sans aucune ressource ni aucun support supplémentaire. C'est tout simplement une punition et quelque chose qui va briser le système», a-t-il ajouté. 

Araz Kaouyoumdjian, une étudiante qui est en train de terminer sa surspécialisation en chirurgie générale, a aussi dénoncé l'impact de la loi sur les patients. 

«C’est important de venir ici pour montrer à la population et à tout le monde à quel point cette loi va leur faire du mal à eux, et on veut leur montrer qu’on ne veut pas diminuer leurs soins et qu’on a envie que la population continue à avoir accès à la médecine qu’elle mérite», a-t-elle soutenu, accompagnée de collègues étudiants, au rassemblement. 

«Finalement avec ça, ce n’est pas nous qui allons souffrir le plus, mais c’est notre population, et on ne veut vraiment pas ça.»

L'ancien premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, prenait aussi part au rassemblement. 

«Il faut absolument que le gouvernement comprenne que les médecins ne vont pas accepter cette loi, a-t-il déclaré. (Le gouvernement) a pensé qu'il pourrait passer la loi et que les médecins se soumettraient sans dire un mot.»

Des semaines de grogne

Il ne s'agit pas de la première manifestation visant à exprimer l'opposition concernant la loi 2: samedi dernier, au moins un millier de personnes se sont rassemblées devant l’Assemblée nationale à cet effet. 

En point de presse dimanche matin à Montréal, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a déploré que le travail ait été «bâclé» avec la loi adoptée sous bâillon. 

«Il y a des choses à revoir, donc on s’attend à ce que le gouvernement fasse son mea culpa sur la manière de procéder et fasse un certain nombre d’ajustements, de sorte qu’on arrive à un résultat, c’est-à-dire une réforme qui est réussie», a-t-il soutenu. 

«C'est la responsabilité du premier ministre François Legault d'arrêter le chaos en ce moment, d'arrêter cette situation catastrophique dans le système de santé. Qu'il retire sa loi ou qu'il retire le ministre de la Santé», a pour sa part déclaré Ruba Ghazal, co-porte-parole de Québec solidaire, lors du congrès de son parti dimanche. 

«Le message des médecins réunis aujourd’hui est clair: la Loi-2 fera reculer l’accès aux soins et transformera la pratique médicale en médecine fast-food. François Legault et Christian Dubé doivent cesser de nuire. Ils doivent rapidement suspendre leur mauvaise loi. Le temps presse», a affirmé le porte-parole en santé du Parti libéral, Marc Tanguay.

En réponse à la grogne, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a annoncé mardi suspendre deux dispositions de la loi. 

D'abord, le gouvernement maintiendra, jusqu'à nouvel ordre, la prime accordée aux médecins spécialistes pour les premières consultations. Cette prime devait être abolie et l'argent, redistribué.

Il maintient aussi le supplément de 30 % qui était versé aux médecins des groupes de médecine familiale pour éponger certains frais administratifs.

La FMOQ a toutefois réagi à cette annonce en disant qu'elle ne retournera à la table de négociation que si, entre autres, Québec suit la recommandation du Collège des médecins et suspend l'application de la loi 2. 

La fédération exige aussi l'abandon d'indicateurs de performance poussant à faire de la médecine «fast-food», l'abandon de la classification des patients par pastilles de couleurs, ainsi que la garantie des ressources humaines nécessaires pour améliorer l'accès.

- Avec des informations de Caroline Plante pour La Presse canadienne

Coralie Laplante

Coralie Laplante

Journaliste