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La Cour suprême des États-Unis se penchera sur les droits de douane lors d'une audience.
Le principal outil du président américain, Donald Trump, pour imposer des droits de douane est soumis à un test juridique crucial devant la Cour suprême – un test qui pourrait bouleverser ses projets de réorganisation du commerce mondial.
Lors de l'audience de mercredi, l'avocat de l'administration Trump a été confronté aux objections des juges de la Cour suprême quant à la possibilité même d'utiliser la loi sur la sécurité nationale, invoquée par le président pour imposer des droits de douane exorbitants à la quasi-totalité des pays, à des fins douanières.
Donald Trump a utilisé la loi de 1977 sur les pouvoirs économiques d'urgence contre les menaces étrangères (IEEPA) pour ses droits de douane dits du «Jour de la Libération» et les taxes liées au fentanyl imposées au Canada, au Mexique et à la Chine.
Mercredi, les juges de la Cour suprême ont interrogé l'avocat de l'administration Trump sur le fait que le texte de l'IEEPA ne mentionne pas les droits de douane et lui ont demandé comment le président pouvait utiliser cette loi pour taxer les citoyens américains.
La Constitution américaine réserve au Congrès le pouvoir de légiférer en matière de fiscalité et de droits de douane.
Jeffrey Schwab, du Liberty Justice Center, qui représente les petites entreprises lors de l'audience, a déclaré que le Congrès n'aurait jamais eu l'intention de conférer au président des pouvoirs douaniers illimités.
«Le président affirme pouvoir imposer des droits de douane à n'importe quel pays, à n'importe quel taux, à n'importe quel moment et pour n'importe quelle raison. Cela revient à dire que l'IEEPA est un chèque en blanc, a argué M. Schwab lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes la semaine dernière. Ce n'est certainement pas le sens de l'IEEPA.»
Dans une publication récente sur les réseaux sociaux, M. Trump a qualifié l'audience de «l'une des plus importantes de l'histoire du pays».
Le président a soutenu que s'il n'était pas autorisé à utiliser l'IEEPA pour les droits de douane, les États-Unis «seraient fortement désavantagés par rapport à tous les autres pays du monde, en particulier les grandes puissances». Dimanche, le locataire de la Maison-Blanche a écrit sur les réseaux sociaux que cela laisserait l'Amérique sans défense et entraînerait «la ruine de notre nation».
«Les seuls à nous combattre sont les pays étrangers qui profitent de nous depuis des années, ceux qui haïssent notre pays, et les démocrates, car nos chiffres sont bons au point d'être insurmontables», a écrit M. Trump.
La porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré mardi que l'administration Trump avait foi dans ses arguments juridiques et était optimiste quant à la décision de la Cour suprême.
Les juges devront analyser en détail le texte de l'IEEPA, notamment la formulation relative au «pouvoir du président de réglementer les importations», a pointé Tim Brightbill, associé du cabinet d'avocats Wiley Rein LLP, spécialisé en commerce international et établi à Washington, et professeur à la faculté de droit de l'université de Georgetown.
L'équipe du président soutient que le pouvoir d'imposer des droits de douane est clairement inclus dans cette expression, tandis que les avocats opposés à ces droits affirment que l'IEEPA n'a jamais été conçue pour des prélèvements généralisés.
Les juges examineront également la doctrine des questions majeures – un principe juridique exigeant une autorisation claire du Congrès sur les questions économiquement ou politiquement importantes – et la doctrine de non-délégation, un principe qui interdit au Congrès de céder son pouvoir législatif à d'autres branches du gouvernement.
Si l'IEEPA autorisait l'imposition de droits de douane, a déclaré Me Brightbill, la Cour examinerait également si le recours à ces droits par Donald Trump répondait réellement aux situations d'urgence qu'il invoque.
Le président américain a imposé des droits de douane dits «réciproques» à la plupart des pays du monde après avoir déclaré l'état d'urgence en raison des déficits commerciaux. Des experts et des économistes ont contesté cette mesure, affirmant que les déficits commerciaux ne constituent pas une situation d'urgence.
En mars, M. Trump a imposé au Canada des droits de douane de 25 % sur l'ensemble de ses produits en déclarant l'état d'urgence à la frontière nord en raison du flux de fentanyl, une drogue mortelle. Ces droits de douane ne s'appliquent pas aux marchandises conformes à l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).
Les données du gouvernement américain montrent qu'une quantité infime de fentanyl est saisie à la frontière nord, comparativement aux volumes saisis à la frontière américano-mexicaine.
Malgré les mesures de sécurité frontalières mises en place par Ottawa pour répondre aux préoccupations du chef de l'État américain concernant le fentanyl, le président a relevé les droits de douane à 35 % en août, alors que les négociations commerciales entre les deux pays se détérioraient.
Le premier ministre canadien, Mark Carney, semblait apaiser les relations bilatérales lors d'une visite à la Maison-Blanche le mois dernier, mais M. Trump a de nouveau suspendu les pourparlers après la diffusion par l'Ontario d'une publicité télévisée citant l'ancien président Ronald Reagan critiquant les droits de douane. L'actuel président a menacé d'imposer un droit de douane supplémentaire de 10 % et a accusé le Canada de tenter d'influencer la Cour suprême avant l'audience de mercredi.
La menace tarifaire, toujours changeante, qui pèse sur le Canada, s'atténuerait si la Cour se prononçait contre l'utilisation par M. Trump de l'IEEPA, mais Karoline Leavitt a prévenu que «la Maison-Blanche se prépare toujours à un plan B».
Donald Trump dispose d'autres outils qu'il pourrait déployer dans sa quête pour réaligner le commerce mondial, mais ils exigeraient davantage de retenue.
La Cour suprême des États-Unis a jusqu'en juin pour rendre sa décision, mais on s'attend à ce qu'elle intervienne bien plus tôt.
La décision n'aura pas d'incidence sur le recours accru de M. Trump aux droits de douane en vertu de l'article 232 de la loi de 1962 sur l'expansion du commerce (Trade Expansion Act) – des droits de douane qui pénalisent déjà fortement les industries canadiennes de l'acier, de l'aluminium, de l'automobile, du bois et du cuivre.
«Il existe manifestement d'autres outils tarifaires à la disposition de Trump, et il me semble évident que les droits de douane constituent un pilier de la politique économique de cette administration, a relevé Me Brightbill. Par conséquent, ils sont très probablement prêts à adopter une ou plusieurs autres stratégies si la Cour se prononce contre ces droits de douane prévus par l'IEEPA.»