Les chefs d'entreprise ont une longue liste de souhaits pour le prochain budget fédéral. Ils espèrent que le gouvernement du premier ministre Mark Carney aborde tous les sujets, de l'environnement d'investissement du pays à l'allègement fiscal et à l'amélioration de l'accès au capital.
Si les industriels canadiens soulignent que le gouvernement devra faire des compromis quant à ses possibilités de financement, certains affirment que le soutien aux entreprises peut contribuer à améliorer la situation financière d'Ottawa en stimulant la croissance.
«Nous souhaitons voir des initiatives qui ramènent le secteur privé dans l'économie et qui y investissent. Nous vivons dans un monde où les capitaux se font de plus en plus rares et où la concurrence pour les capitaux est rude», a déclaré Theo Argitis, vice-président principal des politiques au Conseil canadien des affaires.
Il souhaite des mesures qui réduisent l'incertitude pour les entreprises et rendent le climat d'investissement plus favorable.
Les libéraux fédéraux doivent déposer leur budget le 4 novembre. M. Carney l'a présenté comme un budget axé à la fois sur la réduction des coûts et sur l'investissement, son gouvernement cherchant à équilibrer les restrictions budgétaires avec les mesures de soutien nécessaires à la protection et à la croissance d'une économie touchée par les droits de douane américains.
Le directeur parlementaire du budget a affirmé jeudi qu'il s'attend à ce que le budget comprenne une forte augmentation du déficit annuel d'Ottawa, qui passera de 51,7 milliards $ l'an dernier à 68,5 milliards $ cette année.
Dan Kelly, président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), a indiqué qu'il serait attentif aux mesures d'allègement tarifaire qui seront incluses dans le budget. Le gouvernement a annoncé des mesures ciblées, mais M. Kelly a précisé que les petites entreprises recherchent un soutien généralisé.
«Le Canada dispose d'un million de programmes de subventions aux entreprises, dont la plupart ne sont pas efficaces et mobilisent un personnel considérable. Nous avons toujours pensé qu'un allègement fiscal et réglementaire généralisé aurait un impact économique bien plus important qu'une multitude de programmes gouvernementaux dont personne ne connaît l'existence ou ne demande l'accès, et qui ne font que créer des emplois pour les fonctionnaires, au lieu d'emplois dans le secteur privé», a-t-il déploré.
M. Kelly a ajouté que les récents changements apportés à la politique américaine constituent une raison supplémentaire d'accorder un allègement fiscal aux entreprises canadiennes. Les petites entreprises ont été particulièrement touchées par l'élimination de l'exemption de minimis, qui permettait aux colis d'une valeur de 800 $ ou moins d'être expédiés au sud de la frontière sans droits de douane.
Cependant, M. Kelly a souligné que de hauts fonctionnaires ont rappelé à la FCEI que l'ampleur du déficit limiterait les mesures d'allègement qu'elle pourrait apporter.
Pour le secteur des technologies, Benjamin Bergen, président du Conseil des innovateurs canadiens, a soutenu que l'accès au capital est une priorité et que le gouvernement pourrait y apporter plusieurs réformes.
Plus précisément, il a déclaré que le programme d'encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental du gouvernement fédéral était lourd.
Ce programme vise à encourager la recherche et le développement au Canada en finançant des projets précis qui améliorent la compétitivité des entreprises et en offrant des incitatifs fiscaux pour les activités de recherche et de développement.
«Nous espérons voir des réformes majeures en matière d'accès au capital, et nous souhaitons que le programme soit beaucoup plus simple et plus facile à utiliser, et qu'une plus grande partie de ces fonds soit versée aux entreprises canadiennes ayant leur siège social au pays plutôt qu'aux multinationales étrangères», a déclaré M. Bergen. Il a fait savoir que le Conseil des innovateurs canadiens examinerait également toute mesure liée aux dépenses en matière de défense dans le budget.
L’importance du secteur de la défense
En juin, M. Carney a annoncé que le Canada et ses alliés de l'OTAN avaient convenu, lors de leur sommet annuel, d'augmenter considérablement leur objectif de dépenses de défense pour le porter à 5 % du produit intérieur brut annuel d'ici 2035.
«La véritable question est de savoir comment cet argent sera dépensé. Sera-t-il utilisé pour acheter des avions et des chars d’assaut aux États-Unis ou pour catalyser et créer une industrie nationale des technologies de défense?», se questionne M. Bergen.
En juillet, le Conseil des innovateurs canadiens a déclaré que les augmentations prévues des dépenses de défense offrent une occasion de propulser le secteur technologique national grâce aux achats de matériel de défense. Il a indiqué que le gouvernement fédéral lui avait demandé de fournir une liste d'entreprises canadiennes pouvant contribuer à répondre aux besoins en matière de défense.
Les industries de la défense et des technologies peuvent se croiser dans des domaines tels que la cybersécurité et les systèmes d'intelligence artificielle.
Le gouvernement a nommé la première série de grands projets qu'il souhaite accélérer dans le cadre du processus d'examen, et les minéraux critiques ont été largement identifiés comme une priorité clé.
Dans le contexte de l'attention portée aux minéraux, l'Association minière du Canada a écrit une lettre au ministère des Finances détaillant une série de recommandations pour le budget. Cette liste comprend le renforcement du secteur minier canadien afin de développer les chaînes d'approvisionnement nationales et la fabrication de pointe.
«Le financement des projets miniers devrait être augmenté, rationalisé et rendu plus accessible, en mettant l'accent sur la maximisation de la production minérale», peut-on lire dans la lettre.
D'autres recommandations comprennent des réformes réglementaires visant à améliorer les échéanciers des futures mines et à renforcer la participation des Premières Nations dans l'industrie minière.
Cependant, ce regain d'intérêt pour les projets miniers et autres projets axés sur les ressources a suscité une certaine réaction.
Le 20 septembre, des Canadiens de plusieurs grandes villes ont manifesté contre les plans du gouvernement fédéral, exprimant leurs inquiétudes quant aux effets sur le changement climatique.
Quel que soit le contenu du budget, l'autre sujet sensible demeure la renégociation de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, qui doit être révisé l'année prochaine.
Les exemptions prévues protègent la plupart des produits canadiens des droits de douane américains, bien que les droits sectoriels sur l'acier, l'aluminium, l'automobile et le bois d'œuvre nuisent à ces industries.
Selon M. Argitis, la renégociation de l'accord commercial nord-américain est plus importante que tout élément susceptible d'être inclus dans le budget.

