Économie

Tarifs douanier et prix de l'essence: quelle est la cause de l'inflation en ce moment?

Voici ce que vous devez savoir sur l'état de l'inflation au Canada.

Publié

(Graham Hughes | La Presse canadienne)

Les députés sont retournés à la Chambre des communes plus tôt ce mois-ci pour s'attaquer à un vieux problème: l'inflation, désormais alimentée par de nouvelles forces.

De nombreux consommateurs sont encore sous le choc des niveaux d'inflation élevés observés pendant la période de reprise postpandémique, qui ont vu les prix des logements, de l'essence et des produits d'épicerie grimper en flèche.

Les facteurs qui influencent l'inflation aujourd'hui sont toutefois différents de ceux qui étaient en jeu à la fin des confinements. Les députés et la Banque du Canada doivent maintenant composer avec l'impact des droits de douane, des taxes et des dépenses publiques sur le coût de la vie.

Voici ce que vous devez savoir sur l'état de l'inflation au Canada.

Où se situe l'inflation aujourd'hui?

Selon Statistique Canada, le taux d'inflation annuel s'est établi à 1,9 % en août, contre 1,7 % en juillet.

La Banque du Canada est responsable du maintien de la stabilité des prix au Canada et fixe une cible d'inflation annuelle de 2 %.

«1,9 %, c'est plutôt bien», a avancé Mostafa Askari, économiste en chef à l'Institut des finances publiques et de la démocratie et à l'Université d'Ottawa.

Selon M. Askari, une brève hausse mensuelle de l'inflation n'est pas inquiétante en soi.

Il a ajouté que les décideurs politiques devraient surveiller les tendances sur six mois ou plus avant de réagir à l'évolution des prix.

Qu'est-ce qui alimente l'inflation?

Randall Bartlett, économiste en chef adjoint chez Desjardins, a expliqué que le principal facteur de ralentissement de l'inflation actuellement est la fin de la tarification sur le carbone pour les consommateurs.

Comme la taxe sur le carbone était en vigueur pour les consommateurs en 2024, la décision des libéraux de mettre fin à cette politique en avril a entraîné une baisse des prix à la pompe ces derniers mois, ce qui a faussé les données dans les comparaisons d'une année à l'autre.

L'inflation des prix du logement diminue également, car le rythme de croissance démographique ralentit, ce qui réduit la concurrence pour les appartements et les loyers dans de nombreuses villes.

Les Canadiens qui cherchent un nouveau prêt hypothécaire constatent aussi des taux plus proches de 4 % sur un prêt fixe de cinq ans. À la même période l'an dernier, ils dépassaient largement 5 %.

Un secteur où les consommateurs ressentent encore les effets négatifs est l'inflation des prix des aliments, que Statistique Canada a estimée à 3,4 % en août. Ce taux est encore bien inférieur aux gains annuels à deux chiffres observés au plus fort de la période inflationniste il y a quelques années.

D'après M. Askari, les consommateurs ressentent l'impact cumulatif d'années d'inflation qui ont fait grimper les prix, notamment à l'épicerie.

Les prix ont tendance à augmenter rapidement à la hausse, mais sont «stables» à la baisse, s'ils diminuent, a-t-il ajouté.

Les contre-tarifs font-ils grimper les prix?

Les droits de douane de rétorsion canadiens imposés aux États-Unis constituent un autre facteur influant sur l'inflation des prix des aliments.

Certains contre-tarifs, payés par les entreprises canadiennes qui importent des produits américains, ont été imposés sur les intrants des produits manufacturés et sont intégrés au coût final d'un bien ou absorbés par les marges d'une entreprise.

Ces coûts se font plus sentir sur les produits périssables achetés en épicerie, comme le jus d'orange de Floride. Mais les prix des aliments frais sont également sensibles aux fluctuations des conditions météorologiques et des conditions de croissance à travers le monde.

M. Askari a mentionné qu'il est donc difficile d'évaluer avec une certitude absolue l'impact des droits de douane sur les hausses de prix.

Le Canada a supprimé la plupart de ses droits de douane de rétorsion sur les États-Unis au début du mois.

Combinée à l'élimination du prix du carbone à la consommation, M. Bartlett prévoit que la fin des droits de douane de rétorsion entraînera une baisse de l'inflation globale d'un point de pourcentage en 2026 par rapport à ce qu'elle aurait été avec ces deux politiques en place.

Il s'attend également à ce que les effets antérieurs des contre-tarifs persistent dans les chiffres de l'inflation de septembre et s'estompent progressivement jusqu'à la fin de l'année.

Qu'en est-il des dépenses publiques?

Le chef conservateur Pierre Poilievre a accusé le gouvernement fédéral d'accumuler des déficits qui alimentent l'inflation.

«Les déficits font grimper l'inflation, les prix de l'alimentation, les coûts du logement et les taux d'intérêt», a-t-il soutenu lors de la période de questions du 17 septembre.

Des experts affirment que l'impact des dépenses fédérales sur l'inflation est moins clair.

M. Askari a expliqué que, lorsque les dépenses publiques permettent aux Canadiens ou aux entreprises de disposer de plus d'argent, elles stimulent la demande de dépenses. Une demande accrue, sans augmentation de l'offre, peut faire grimper l'inflation.

En revanche, lorsque les dépenses publiques visent à accroître l'offre — par exemple en augmentant le parc immobilier — cela peut atténuer la pression inflationniste, a avancé M. Askari.

«En principe, les dépenses déficitaires pourraient exercer une pression sur les prix. Qualifier chaque dépense publique d'inflationniste est inexact», a-t-il ajouté.

L'économie canadienne s'est contractée au deuxième trimestre, et la plupart des économistes prévoient une légère reprise au troisième trimestre.

Selon M. Bartlett, cela reflète une économie qui tourne en deçà de son potentiel — autrement dit, il y a une marge de manœuvre — et une légère relance budgétaire pourrait donc «soutenir» l'économie sans provoquer une forte hausse de l'inflation.

Il y a toutefois des limites. M. Bartlett a avancé que l'ampleur du déficit annoncé par les libéraux fédéraux dans le prochain budget d'automne pourrait, en réalité, être plus élevée que nécessaire, compte tenu de la situation économique.

Les investissements en capital prévus par Ottawa pourraient être inflationnistes à court terme s'ils entraînent une forte demande de main-d'œuvre et de matériaux de construction, a indiqué M. Bartlett.

Mais ces mêmes plans de dépenses pourraient freiner l'inflation à l'avenir s'ils contribuent à stimuler la productivité de l'économie à moyen ou à long terme, a-t-il ajouté.

«L'efficacité de ces investissements en infrastructures se mesurera à l'acte», a-t-il précisé.

Entre-temps, les plans visant à réduire les dépenses de fonctionnement fédérales jusqu'à 15 % sur trois ans seraient désinflationnistes s'ils se concrétisaient, selon lui.

Qu'advient-il des taux d'intérêt?

La Banque du Canada a surveillé attentivement l'inflation cette année, attendant de voir comment le conflit tarifaire américain affectera les prix et l'économie.

Alors que la banque centrale a signalé que l'incertitude persistait sur le front commercial, les responsables de la politique monétaire ont abaissé le taux d'intérêt de référence d'un quart de point, à 2,5 %, la semaine dernière.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a souligné que la balance des risques s'était déplacée vers un affaiblissement de l'économie et non vers une hausse des prix.

«S'ils avaient pensé qu'il y aurait un risque (d'inflation), ils ne l'auraient pas fait», a affirmé M. Askari à propos de la baisse des taux.

La Banque du Canada n'a pas intégré les récentes annonces de dépenses du gouvernement fédéral dans ses prévisions.

M. Macklem a déclaré que la banque centrale agirait ainsi une fois que ces plans de dépenses seront publiés dans le budget fédéral, prévu pour le 4 novembre, soit environ une semaine après la prochaine annonce de la Banque du Canada sur les taux d'intérêt.

Craig Lord

Craig Lord

Journaliste