Une fumée noire s'est échappée de la cheminée de la chapelle Sixtine mercredi, indiquant que le conclave n'a pas élu un nouveau pape.
Personne n'ayant obtenu la majorité des deux tiers nécessaire, soit 89 voix, les 133 cardinaux se sont retirés pour la nuit dans les résidences du Vatican où ils sont isolés du reste du monde.
Ils retourneront à la chapelle Sixtine jeudi matin.
Fumée noire ou fumée blanche? Explications
Environ quatre heures plus tôt, les 133 cardinaux étaient entrés solennellement dans la chapelle Sixtine, avaient prêté serment de discrétion et avaient formellement ouvert le rituel séculaire visant à élire un successeur au pape François pour diriger l'Église, qui compte 1,4 milliard de membres.
La frustration et la confusion grandissaient sur la place Saint-Pierre, sans qu'aucun signe de vote n'apparaisse. À plusieurs reprises, la foule a applaudi, comme pour encourager les cardinaux à continuer. Elle est cependant restée sur sa faim.
Les cardinaux n’étaient pas tenus de procéder à un vote mercredi, mais on s'attendait à ce qu'ils le fassent.
Ils peuvent organiser jusqu'à deux scrutins le matin et deux l'après-midi jusqu'à ce qu'un vainqueur soit désigné.
Bien que les cardinaux aient indiqué cette semaine s'attendre à un conclave court, il faudra probablement au moins quelques tours de scrutin.
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Au cours du siècle dernier, il a fallu entre trois et huit scrutins pour désigner un pape. Jean-Paul 1er, pape qui a régné 33 jours en 1978, a été élu au troisième tour. Son successeur, Jean-Paul II, en a eu besoin de huit. François a été élu au cinquième le 5 mai 2013.
Il s'agit du conclave le plus diversifié géographiquement des 2000 ans d'histoire de la foi.
Deux par deux, les cardinaux sont entrés dans la chapelle Sixtine en chantant la «Litanie des saints» sous les yeux des gardes suisses au garde-à-vous. L'hymne, et celui qui suit, implorent les saints et le Saint-Esprit d'aider les cardinaux à trouver un nouveau chef pour l'Église catholique.
Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État de François et lui-même candidat à la succession du pape, a pris la direction des débats en tant que cardinal le plus âgé de moins de 80 ans et habilité à participer au conclave.
S'exprimant en latin, le cardinal Parolin s'est tenu devant le chef-d'œuvre de Michel-Ange «Le Jugement dernier» et a conduit les cardinaux à prêter un long serment. Chacun d'entre eux a ensuite placé sa main sur l'Évangile et promis de garder le plus grand secret.
La majesté des fresques de la chapelle, et de celles de Michel-Ange en particulier, vise à rappeler aux cardinaux la lourde responsabilité qui leur incombe. Dans son règlement pour le conclave, saint Jean-Paul II a écrit que dans la chapelle Sixtine, «tout est propice à la conscience de la présence de Dieu, devant le regard duquel chacun sera un jour jugé».
Originaires de 70 pays, les cardinaux ont été isolés du monde extérieur, leurs téléphones portables rendus et les ondes du Vatican brouillées pour empêcher toute communication jusqu'à ce qu'ils trouvent un nouveau chef pour l'Église.
François a nommé 108 des 133 «princes de l'Église», choisissant de nombreux pasteurs à son image, issus de pays lointains comme la Mongolie, la Suède et les Tonga, qui n'avaient jamais eu de cardinal auparavant.
Sa décision de dépasser la limite habituelle de 120 cardinaux électeurs et d'inclure des cardinaux plus jeunes, originaires du «Sud global» – souvent des pays marginalisés et économiquement moins puissants – a injecté un degré inhabituel d'incertitude dans un processus toujours empreint de mystère et de suspense, avec des signaux de fumée annonçant au monde si un pape a été élu ou non.
Nombre d'entre eux ne s'étaient rencontrés que la semaine dernière et regrettaient d'avoir besoin de plus de temps pour faire connaissance, ce qui soulevait des questions sur le temps qu'il faudrait à un seul homme pour obtenir la majorité des deux tiers, soit 89 voix, nécessaire pour devenir le 267e pape.
De possibles candidats
Certains noms continuent d'apparaître sur les listes de «papabili», c'est-à-dire de cardinaux ayant les qualités requises pour être pape:
- Le cardinal Pietro Parolin, âgé de 70 ans, est un éminent candidat italien, de par sa fonction. Il était secrétaire d'État de François, le numéro deux du Vatican et est connu de tous les cardinaux.
- Le cardinal philippin Luis Tagle, âgé de 67 ans, est un candidat de premier plan qui pourrait devenir le premier pape asiatique de l'histoire. Il a occupé un poste tout aussi prestigieux, à la tête du Dicastère pour l'évangélisation, responsable de l'Église catholique dans une grande partie des pays en développement.
- Le cardinal hongrois Peter Erdo, âgé de 72 ans, archevêque de Budapest, est un candidat de premier plan représentant l'aile la plus conservatrice de l'Église.
Une dernière messe
Les cardinaux ont commencé la journée par une messe célébrée dans la basilique Saint-Pierre, en présence de représentants du Vatican et du public. Le doyen du collège, le cardinal Re, âgé de 91 ans, a prié pour que les cardinaux trouvent la sagesse, les conseils et la compréhension nécessaires pour élire un nouveau pasteur digne de ce nom.
Vêtus de vêtements d'un rouge vif, les cardinaux ont défilé dans l'allée centrale de la basilique, sous les chants du chœur des garçons de la chapelle Sixtine. Ils ont pris place autour du maître-autel, situé au-dessus du lieu de sépulture traditionnel de saint Pierre, considéré comme le premier pape.
Le cardinal Re avait présidé les funérailles de François, prononçant un sermon poignant rappelant le premier pape latino-américain de l'histoire et les douze années de pontificat réformateur qu'il a présidées.
Lobbying avant le conclave
Alors que les cardinaux sont censés résister à toute influence «laïque» dans leur choix, ce lobbying a abondé à Rome dans les jours précédant le conclave, divers groupes rappelant aux cardinaux ce que les catholiques ordinaires attendent d'un dirigeant.
De jeunes catholiques ont rédigé une lettre ouverte rappelant aux cardinaux qu'il n'y a pas d'Église sans les jeunes, les femmes et les laïcs. Les médias catholiques conservateurs ont glissé aux cardinaux des exemplaires d'un livre sur papier glacé contenant leurs évaluations des candidats.
Des survivantes d'agressions sexuelles commises par des membres du clergé ont averti les cardinaux qu'ils seraient tenus responsables s'ils ne parvenaient pas à trouver un dirigeant capable de mettre fin à des décennies d'agressions et de dissimulation.
Les défenseurs de l'ordination des femmes envoyaient des signaux de fumée rose au Vatican pour exiger que les femmes soient autorisées à devenir prêtres, afin qu'elles puissent elles aussi voter lors d'un conclave.
Les défis d'un nouveau pape
De nombreux défis attendent le prochain pape et pèsent sur les cardinaux. Le souverain pontife devra déterminer s'il souhaite poursuivre et consolider l'héritage progressiste de François en matière de promotion des femmes, d'acceptation des personnes LGBTQ+, d'environnement et de migrations, ou le remettre en question pour tenter d'unifier une Église qui s'est polarisée davantage pendant son pontificat.
Le scandale des agressions sexuelles commises par le clergé a pesé sur les discussions précédant le conclave.
Puisque François a choisi 80 % des électeurs, une continuité est probable, mais sa forme est incertaine et l'identification des favoris a été un défi.

