Le premier ministre François Legault confirme que le ministre du Travail, Jean Boulet, va déposer bientôt un projet de loi qui va «moderniser le régime syndical au Québec en faveur des travailleurs, des citoyens et du Québec» — ce qui irrite particulièrement les syndicats, qui voient ainsi leurs appréhensions se confirmer.
«Il fait pitié», «c'est pathétique», «il est à court d'idées», «à côté de la track», a commenté la présidente de la FTQ, Magali Picard, en entrevue.
Dans le cadre de son discours d'ouverture de la session parlementaire, prononcé mardi, le premier ministre a dit vouloir améliorer la gouvernance, la démocratie et la transparence des syndicats, dénonçant «un système de pratiques dépassées, qui nuit aux travailleurs, qui nuit aux citoyens et qui nuit au Québec tout entier».
Il a affirmé que les syndicats toucheront cette année 1,5 milliard $ en cotisations de la part de leurs membres. Et comme celles-ci sont déductibles d'impôt, cela coûtera 145 millions $ aux contribuables, a-t-il souligné.
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Il a dénoncé, entre autres, la présente grève des employés d'entretien à la Société de transport de Montréal (STM), syndiqués à la CSN, «qui empêche des milliers de personnes d'aller travailler, de recevoir des soins», et la contestation de la Loi sur la laïcité de l'État par la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), «que ses mêmes travailleurs appuient».
«Il est temps que les syndicats recentrent leur action sur leur mission essentielle», a-t-il lancé.
Pour la présidente de la plus grande centrale syndicale du Québec, le premier ministre est ainsi «complètement déconnecté» et, plutôt que de s'occuper des problèmes de pénurie de logements, du coût de l'épicerie, il «crée des problèmes qui n'existent pas», comme s'attaquer à la Formule Rand — la perception à la source des cotisations syndicales par les employeurs, et ce, que le travailleur veuille ou non être membre du syndicat.
«Quand on n'est plus populaire, on regarde qui, dans la société, est aussi impopulaire que nous. Alors, les syndicalistes, on est à peu près au même niveau que les politiciens, au niveau de la cote de popularité. Donc, il se dit 'les gens n'aiment pas les syndicats, alors on va s'attaquer à eux, comme ça on risque de monter dans les sondages'», croit Mme Picard.
Des syndicats qui avaient dénoncé la prise de position antisyndicale du gouvernement Legault, dimanche dernier, ont tiré de semblables conclusions après l'allocution du premier ministre.
«Lorsqu’on regarde les 'nouvelles priorités' de François Legault, on se demande sur quelle planète il vit. Alors que nos services publics ont plus que jamais besoin d’amour et de ressources, voilà que ses grandes priorités, c’est de donner un 'traitement choc' dans la fonction publique et de soi-disant moderniser le régime syndical pour empêcher nos organisations d’agir sur les enjeux sociaux, un front qui, faut-il le rappeler, bénéficie à l’ensemble de la société», ont-ils fait savoir dans une déclaration commune.
La présidente de la FAE, Mélanie Hubert, dont l'organisation a été montrée du doigt par le premier ministre, à cause de sa contestation de la Loi sur la laïcité de l'État, a réagi: «défendre le droit au travail de ses membres et contester la discrimination à l’embauche et à l’emploi n’est pas un combat idéologique: c’est un combat syndical. Ces démarches, auxquelles nos instances ont participé en plein jour, sont au cœur de nos relations de travail. Si défendre les droits de nos membres est dépassé, je suis profondément inquiète pour notre démocratie».

