Économie

L’économie québécoise a plié sous le poids des menaces de Trump en avril

Le produit intérieur brut (PIB) réel du Québec a reculé de 0,3 % en avril.

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679eb0013534150c02933f0d1683636809d482a2e2a271ae65ec393ce8e1a438.jpg Le produit intérieur brut (PIB) réel du Québec a reculé de 0,3% en avril, selon les données publiées, mardi, par l’Institut de la statistique du Québec. Un homme travaille dans une usine de menuiserie à Saint-Georges, le jeudi 6 février 2025. (Jacques Boissinot / La Presse Canadienne)

L’enthousiasme pour le hockey, qui a donné un coup de pouce aux restaurateurs, n’a pas été suffisant pour compenser la morosité du secteur manufacturier québécois, en avril, frappé par les menaces protectionnistes du président américain Donald Trump.  

Le produit intérieur brut (PIB) réel du Québec a reculé de 0,3 % en avril, selon les données publiées mardi par l’Institut de la statistique du Québec. 

De nombreuses entreprises ont devancé leurs commandes dans les premiers mois de l’année afin d’éviter les droits de douane, a expliqué l’économiste Daren King, de la Banque Nationale, en entrevue. 

«Évidemment, on se retrouve avec un retour du balancier avec le secteur manufacturier qui ralentit», a-t-il ajouté. 

La production de biens a diminué de 1,4 %. Pour sa part, le segment de la fabrication a reculé de 2,7 %, toujours en avril.

L’arrêt planifié de certaines activités de la raffinerie de Suncor dans l’est de Montréal afin d’en faire l’entretien a accentué le choc observé dans les données économiques, mais la baisse généralisée dans la majorité des sous-secteurs démontre que les menaces du président américain ont nui au secteur manufacturier.

M. King a souligné que 14 des 20 sous-secteurs manufacturiers sont en baisse. «C'est assez répandu, je vous dirais.»

La situation s’est probablement améliorée dans les mois suivants, tandis que les biens conformes à l’accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM) sont exemptés de droit de douane pour le moment, a ajouté l’économiste.

«Je m’attends à ce que ce soit un petit peu moins pire, a répondu M. King. On voit que les entreprises se dépêchent à remplir la paperasse pour être conformes à l'entente de libre-échange.»

D’autres industries n’ont toutefois pas cette chance, notamment l’industrie de l’aluminium qui doit composer avec des droits de douane supplémentaires de 50 %. 

La fièvre du hockey

La production de service, pour sa part, a augmenté de 0,1 %, toujours en avril. L’hébergement et la restauration, en hausse de 1,7 %, ainsi que les arts, les spectacles et les loisirs, avec une augmentation de 3,6 %, ont affiché une forte croissance.

Ces hausses coïncident avec la participation du Canadien de Montréal aux séries éliminatoires de la Ligue nationale de hockey (LNH). Le club n’avait pas fait les séries depuis 2021.

«C'est sûr que les hausses qu'on a connues dans ces secteurs-là pendant le mois d’avril sont très fortes par rapport à la moyenne, a analysé M. King. Pour vous donner une petite idée, au mois de mars, le secteur des arts, spectacles, loisirs avait fait 0,9 %. En avril, on a eu 3,6 %.»

Une bonne défense contre la guerre commerciale

La baisse du PIB du Québec est plus prononcée que celle enregistrée dans l’ensemble du pays à 0,1 %. L’économie québécoise est plus vulnérable au protectionnisme américain, tandis que le secteur manufacturier représente 12,3 % de son économie, contre 9,1 % pour le Canada. 

L’économie québécoise a toutefois plusieurs atouts pour affronter les turbulences, a nuancé l’économiste de la Banque Nationale. «Quand on regarde nos exportations versus ailleurs au pays, nos exportations sont quand même plus diversifiées.»

Les ménages québécois sont aussi mieux outillés pour faire face aux vents contraires, selon lui. «Les ménages québécois sont beaucoup moins endettés, un taux d'épargne plus élevé aussi. Donc, on est en meilleure posture pour faire face à un ralentissement. C’est une bonne nouvelle.»

L’issue des négociations entre le Canada et les États-Unis, dont l’échéance est prévue le 1er août, demeure incertaine.  

La Banque Nationale prévoit que les données officielles démontreront que l’économie a décliné au deuxième trimestre (avril à juin) et que la baisse se poursuivra au troisième trimestre (juillet à septembre). 

En théorie, deux trimestres consécutifs de baisse de l’activité économique est considéré comme une récession, mais le mot en «r» ne représente pas nécessairement ce qui se passe sur le terrain, croit M. King. 

«C'est une récession technique, mais on ne l'appelle pas une récession, a-t-il indiqué. Ce qu’on définit comme une récession, c'est vraiment un choc qui est important, persistant et étendu à l'ensemble de l'économie. Ce n'est pas vraiment ce qu'on anticipe.»

Stéphane Rolland

Stéphane Rolland

Journaliste