Le temps au sol non rémunéré des agents de bord pourrait être en voie de disparition, car Air Canada semble rejoindre un nombre croissant de compagnies aériennes qui ont accepté d’abandonner cette pratique répandue.
En annonçant une entente de principe avec la compagnie aérienne, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a indiqué avoir «mis fin au travail non payé», après en avoir fait un enjeu central dans sa démarche pour une nouvelle convention collective.
Cet accord intervient plus de deux ans après que le syndicat a lancé une campagne contre cette norme du secteur, selon laquelle les agents de bord ne reçoivent pas leur salaire horaire normal pendant l’embarquement, les contrôles de sécurité avant le vol et autres retards.
La campagne «Le travail non payé, c’est du vol» du SCFP affirme que les quelque 18 500 agents de bord qu’il représente chez Air Canada, WestJet, Air Transat et ailleurs travaillent en moyenne 35 heures par mois gratuitement.
Air Canada a déclaré que le temps passé au sol est couvert par une formule prévue dans la convention collective, et qu’une rémunération supplémentaire est prévue si les agents de bord sont appelés à travailler en dehors d’une plage horaire définie.
La pratique consistant à verser peu ou pas de rémunération pendant le temps passé au sol remonte à une époque où les agents de bord avaient beaucoup moins de pouvoir, selon Steven Tufts, professeur de droit du travail à l’Université York.
«Cela remonte à l’époque où les agents de bord n’avaient aucun pouvoir, avant leur syndicalisation, et où elles n’étaient que de jeunes femmes qui travaillaient dans des conditions assez abusives dans l’industrie.»
Le système a permis aux compagnies aériennes de maîtriser et d’anticiper plus facilement les coûts, car les travailleurs supportaient le poids des retards, a expliqué M. Tufts. En se syndiquant, les agents de bord ont réclamé des salaires plus élevés pour compenser le temps passé, mais n’ont obtenu de gains en perturbant le système que récemment.
Les retards généralisés et le chaos des voyages pendant la pandémie, combinés à une forte inflation, ont perturbé l’équilibre existant, et les syndicats ont commencé à faire pression pour y mettre fin, notamment avec la campagne du SCFP lancée en avril 2023.
Les politiciens ont également soulevé la question, notamment avec une proposition de la députée conservatrice Lianne Rood en juin dernier visant à exiger que les heures travaillées incluent toutes les tâches avant et après le vol et pendant les retards, ainsi qu’avec une proposition plus tard dans l’année de la députée néo-démocrate Bonita Zarrillo exigeant le plein salaire pour toutes les heures travaillées.
Lundi, la ministre de l’Emploi, Patty Hajdu, a annoncé que le gouvernement fédéral lançait une enquête sur les allégations de travail non rémunéré dans le secteur aérien. Elle a déclaré que les allégations du syndicat concernant le système de rémunération étaient profondément troublantes et que, si l’enquête concluait au bien-fondé de ces allégations, elle était prête à présenter un projet de loi visant à combler ces lacunes.
L’industrie elle-même commence déjà à abandonner cette pratique, du moins partiellement.
Delta Air Lines, dont les agents de bord ne sont pas syndiqués, a commencé à rémunérer en 2022 un temps d’embarquement limité à la moitié du taux horaire. L’an dernier, les agents de bord d’American Airlines ont également obtenu une rémunération pour le temps d’embarquement grâce à une convention collective.
Les agents de bord d’Air Transat ont tenté, sans succès, d’obtenir cette rémunération lors des négociations du début de l’année dernière, a rappelé M. Tufts. Cependant, avec le précédent d’Air Canada, il est probable que les agents de bord de WestJet, dont le contrat expire fin 2025, en bénéficieront également.
«Maintenant que le modèle est établi, car ils ont obtenu du temps au sol lors de cette ronde de négociations, cela va se répercuter sur Air Transat, WestJet et toutes les autres petites compagnies aériennes qui ne l’ont pas encore obtenu.»

