Les dirigeants de l'industrie automobile canadienne espèrent obtenir des exemptions pour les véhicules conformes à l'accord commercial en vigueur, alors que le Canada et les États-Unis poursuivent leurs discussions en prévision de la prochaine échéance.
Vendredi marque la date limite des négociations commerciales entre le Canada et les États-Unis, le président Donald Trump ayant menacé d'imposer des droits de douane de 35 % sur une grande variété de produits canadiens si les deux pays ne parviennent pas à un accord d'ici là.
«Je pense que tout le monde a constaté que les Américains, malgré le fait qu'ils nous combattent sans raison, ont tendance à privilégier la conformité à l'ACEUM (Accord Canada–États-Unis–Mexique)», a souligné Flavio Volpe, président de l'Association des fabricants de pièces automobiles.
Il a précisé qu'environ 50 % des pièces entrant dans la composition des véhicules fabriqués au Canada proviennent d'usines américaines.
«Je pense qu'il y a un certain espoir de parvenir à un accord qui convienne aux deux parties, mais qui inclut une exemption à l'ACEUM pour les véhicules. Si tel est le cas, ce serait un signe de soulagement, mais ce serait également bénéfique pour les Américains», a-t-il souligné.
L'industrie automobile nord-américaine est profondément intégrée et les véhicules importés aux États-Unis qui respectent l'ACEUM sont toujours frappés de droits de douane de 25 % sur leurs composants non américains.
Compte tenu de l'accord commercial actuel, négocié par la première administration Trump, les dirigeants de l'industrie automobile espèrent des exemptions.
David Adams, président et directeur général de Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada, souhaite idéalement qu'aucun droit de douane ne soit imposé à l'industrie. Il a fait valoir que le Canada avait déjà négocié un accord commercial avec les États-Unis, et que les entreprises avaient depuis réalisé des investissements importants sur la base de cet accord.
Les droits de douane font des ravages
L'entreprise General Motors a annoncé la semaine dernière une baisse de 35 % de son bénéfice au deuxième trimestre, frappée par 1,1 milliard $ US de droits de douane. En mai, GM a revu à la baisse ses prévisions de bénéfices pour l'année, se préparant à un impact tarifaire estimé à 5 milliards $ US en 2025.
Par ailleurs, Stellantis, l'entreprise à l'origine de marques telles que Jeep, Chrysler et Fiat, a indiqué dans son dernier communiqué de résultats que les droits de douane lui avaient coûté 300 millions d'euros au premier semestre.
Dans l'ensemble, M. Volpe a déclaré que les entreprises avaient absorbé l'impact des droits de douane, ce qui s'est traduit par une baisse des volumes de vente et une hausse des coûts.
«On ne peut pas supporter ces pertes indéfiniment. Il va falloir prendre des décisions stratégiques quant aux capacités excédentaires à éliminer aux États-Unis, ou bien il faudra céder ces ventes», a-t-il expliqué.
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David Adams affirme que les entreprises «se débrouillent», mais qu'il existe des inquiétudes à plus long terme.
«Le défi consiste à savoir comment maintenir le secteur manufacturier canadien, alors que, dans les faits, celui-ci s'est orienté vers l'exportation de véhicules hors taxes vers les États-Unis depuis 40 à 50 ans», a-t-il indiqué.
Marc Ercolao, économiste à la TD, a écrit mardi dans une note que les exportations canadiennes d'automobiles étaient tombées à leurs niveaux de fin 2022, après l'entrée en vigueur des droits de douane en avril.
«Les constructeurs automobiles canadiens ont depuis réduit leur production pour faire face à des difficultés commerciales», a-t-il relaté.
Si les deux pays ne parviennent pas à un accord, a dit M. Volpe, le régime tarifaire actuel continuerait de nuire à l'industrie.
«Il s'agit d'une perte progressive du volume de véhicules fabriqués au Canada, car ils sont, pour la plupart, destinés aux États-Unis. Nous serions donc certainement en phase de planification d'urgence pour adapter davantage la production automobile aux consommateurs canadiens», a-t-il ajouté.
Il a toutefois souligné que le Canada n'est pas propriétaire des constructeurs automobiles et que le processus nécessiterait des milliards de dollars en restructuration et serait long.
Espoirs pour un accord
Malgré l'incertitude entourant les négociations, M. Volpe estime qu'il y a une chance qu'un accord commercial soit conclu cette semaine.
«Je sais pertinemment que les bonnes personnes discutent avec une intensité accrue 24 heures sur 24», a-t-il déclaré.
Contrairement aux précédentes discussions commerciales entre le Canada et les États-Unis, M. Volpe a souligné que celles-ci ont été «très discrètes».
Il a ajouté que les gouvernements et les équipes de négociation ont parfois recours à des «fuites stratégiques», lorsque cela est nécessaire. Cependant, ce processus s'est déroulé à huis clos, ce qui, selon M. Volpe, est probablement la meilleure façon de négocier avec Donald Trump en ce moment.
Du côté canadien, M. Adams a déclaré qu'il semble que le premier ministre Mark Carney tente de modérer les attentes quant aux perspectives d'un accord, surtout sans droits de douane.
«C'est peut-être une bonne stratégie, car tout ce qui dépasse ce seuil relativement bas, à mon avis, pourrait être considéré comme un succès», a-t-il avancé.
Les discussions commerciales entre le Canada et les États-Unis ont lieu après que M. Trump eut récemment annoncé plusieurs accords-cadres commerciaux, notamment avec le Japon et l'Union européenne.
Aucun partenaire commercial comparable
Matt Blunt, président de l'American Automotive Policy Council, a affirmé sur les réseaux sociaux la semaine dernière: «Tout accord prévoyant des droits de douane inférieurs pour les importations japonaises pratiquement exemptes de composants américains que ceux imposés aux véhicules nord-américains à forte teneur en composants américains est néfaste pour l'industrie et les travailleurs américains de l'automobile.»
Flavio Volpe dit espérer qu'il existe une compréhension commune du fait qu'il n'existe pas de partenaires commerciaux comparables et que les secteurs canadien et américain sont profondément intégrés.
«Le constructeur automobile américain ne dépend pas des usines européennes, des usines de pièces détachées japonaises, ni de l'approvisionnement en matières premières. Il n'achète ni acier ni aluminium japonais, ni acier ni aluminium européens», a-t-il indiqué.
«Mais tout cela est vrai pour le Canada. Les capacités canadiennes sont un multiplicateur de puissance pour les Américains. De plus, notre marché est le premier marché d'exportation pour les véhicules fabriqués aux États-Unis.»
