Après une enquête portant notamment sur la qualité des soins et les services aux usagers, le Protecteur du citoyen soulève d'importantes lacunes à l'Hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal et réclame des actions immédiates pour corriger la situation.
C'est un signalement datant d'octobre 2024 concernant la qualité et la sécurité des soins — qu'on jugeait être compromises dans diverses unités d’hospitalisation de l'Hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal —, qui a mené à l'ouverture d'une enquête de la part du Protecteur du citoyen, enquête dont le rapport d'intervention a été rendu public jeudi.
«Notre enquête a révélé que les mesures de contrôle sont utilisées trop souvent sans justification. Des lacunes dans la continuité des soins aux usagers ont aussi été observées. De plus, certaines pratiques s’apparentent à de la maltraitance envers les personnes âgées», peut-on lire dans le compte rendu du Protecteur du citoyen.
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Plusieurs personnes ont été interrogées pendant l'enquête, dont la commissaire aux plaintes et à la qualité des services, le directeur des soins infirmiers, le directeur adjoint, des conseillères cadres à la Direction des soins infirmiers, des chefs de service et divers intervenants ainsi que plusieurs personnes hospitalisées et membres de leur famille.
Mesures de contrôle
Dans son rapport d'enquête, le Protecteur du citoyen rappelle que la loi au Québec encadre l’utilisation de la force, de l’isolement, de tout moyen mécanique ou de toute substance chimique à titre de mesure de contrôle.
Dans le cas de l'Hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal, l’application et le suivi des mesures de contrôle «ne respectent pas les pratiques attendues», selon le Protecteur du citoyen. «Les mesures ne sont pas utilisées en dernier recours. Au contraire, elles sont promptement appliquées, notamment en prévention d’un comportement à risque ou pour contrer un comportement dérangeant.»
Le Protecteur du citoyen a aussi constaté que l’obtention du consentement de l'usager (ou de la personne qui la représente) n’est pas systématique.
Dans son rapport, le Protecteur du citoyen s'interroge sur le fait que le personnel infirmier ait souvent recours à des mesures de contrôle chimiques lorsqu’une personne présente, entre autres, de l’agitation, des comportements anxieux ou même de l’inconfort, alors que des médecins insistent sur l’importance d’améliorer la non-pharmacologie.
Concernant les mesures de contrôle physiques, le Protecteur du citoyen affirme avoir observé à l'Hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal «l’utilisation régulière d’une ceinture abdominale ou pelvienne, de mitaines de protection, de tablette au fauteuil, de ridelles et, à l’occasion, d’attache-poignets et d’attache-chevilles.
«L’utilisation d’une mesure de contrôle doit être limitée aux situations où la personne représente un danger pour elle-même ou pour autrui, ce qui, dans la plupart des dossiers consultés, n’est pas le cas», précise-t-on à ce sujet.
Sécurité des soins et services
Concernant la sécurité des soins et services, l'ombudsman soulève un cas problématique lié au dispositif d'appel d'un usager.
La personne hospitalisée — maintenue sous contention physique — n'aurait pas eu accès à une cloche d'appel pendant plusieurs jours, malgré une demande répétée de son médecin qui signale le dysfonctionnement de l'appareil.
«Cette situation est préoccupante, d’autant plus que cette personne est maintenue sous contention physique. Comme elle est dépendante du personnel pour répondre à ses besoins, l’accès à la cloche d’appel était primordial», souligne le Protecteur du citoyen.
Le Protecteur du citoyen soulève aussi «de graves lacunes» au niveau de la continuité des soins, de la tenue de dossier et sur l'omission de déclarer des incidents ou des accidents comme «des chutes entraînant une conséquence physique, lors de l’apparition d’une lésion de pression ou lors de la non-disponibilité de certains médicaments».
Pratiques apparentées à de la maltraitance envers la personne âgée
En plus des constats liés à l’application abusive des mesures de contrôle, l’enquête du Protecteur du citoyen met aussi en lumière des pratiques «qui s’apparentent à de la maltraitance envers les personnes âgées».
«Dans 50 % des dossiers analysés, le Protecteur du citoyen constate des situations où des personnes vulnérables, qui souffrent de polypathologies, sont laissées à elles-mêmes, alors qu’elles requièrent de l’aide pour assurer le maintien de leurs acquis et de leur dignité», précise-t-on dans le rapport.
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Comme exemple, il est détaillé l'histoire «d'une personne sous contention» qui «est demeurée au lit avec sa culotte souillée, sans alimentation ni hydratation pendant cinq heures». Le Protecteur du citoyen raconte aussi qu'une infirmière qui prenait en charge une patiente pour son quart de jour a dû nettoyer le visage de celle-ci vu la présence de nourriture collée de la bouche au nez. «Force est de constater que cette personne est demeurée sans soins d’hygiène, possiblement depuis son souper, la veille», explique-t-on.
Plusieurs recommandations
Le Protecteur du citoyen réclame des actions immédiates pour remédier à l'ensemble des lacunes constatées.
Parmi les recommandations faites à l'hôpital et au CIUSSS du Nord-de-l'île-de-Montréal, on retrouve le fait de s'assurer que le personnel soignant de chaque quart de travail applique les pratiques attendues auprès des usagers et usagères sous mesure de contrôle physique ou chimique, même en cas de surcharge de travail.
Le Protecteur du citoyen souhaite également que soient rappelées à l’ensemble du personnel soignant les conditions lui permettant d’utiliser les ridelles de lit, qu'il soit mis en place une mesure qui permettra de s’assurer, au quotidien, du bon fonctionnement des cloches d’appel et qu'il y ait des actions concrètes en vue de l’amélioration de la qualité des soins et des services dispensés dans les unités d’hospitalisation.
Le CIUSSS du Nord-de-l'île-de-Montréal coopérera
En réaction, le CIUSSS du Nord-de-l'île-de-Montréal a affirmé à Noovo Info par courriel qu'il accueillait les recommandations formulées «avec sérieux et humilité».
«Les constats préoccupants qui sont rapportés dans le rapport vont à l’encontre des standards que nous nous engageons à maintenir. Il est de notre devoir d’offrir des soins et services qui sont de qualité, sécuritaires, humains et respectueux. Nous sommes pleinement engagés à travailler en collaboration avec le protecteur du citoyen et nous sommes à mettre en œuvre les recommandations contenues au rapport», précise-t-on.
Le CIUSSS affirme avoir enclenché un plan d'action rigoureux, déployé à l’échelle de toutes ses unités hospitalières.
Voici les principales mesures soulignées par le CIUSSS du Nord-de-l'île-de-Montréal :
- Une présence terrain quotidienne assurée par les conseillères en soins infirmiers et les gestionnaires pour soutenir les équipes;
- La diffusion d’outils cliniques, de rappels ciblés, et l’implantation de formations obligatoires en lien avec les risques cliniques et les mesures de contrôle;
- Le déploiement d’un programme d’audits cliniques trimestriels couvrant 7 thématiques : documentation clinique, déconditionnement, intégrité de la peau, délirium, chutes, suicide, et mesures de contrôle;
- La planification de visites d’appréciation clinique, ainsi que la mise en place d’un comité organisationnel sur la bientraitance;
- La création d'un formulaire de satisfaction de la clientèle pour mieux connaitre l'appréciation de l'expérience vécue.
Le CIUSSS précise que bien que le rapport ne vise que l’Hôpital-du-Sacré-Cœur-de-Montréal, le plan d'action sera déployé dans tous ses établissements, et ce, «dans un souci d’amélioration constante de la qualité des services et des soins.»

