Économie

Le jus d’orange américain de moins en moins populaire au Canada

Ces exportations ont chuté en juin à leur plus bas niveau depuis plus de 20 ans.

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Un réfrigérateur à jus dans une épicerie. Un réfrigérateur à jus dans une épicerie. (Jonathan MacInnis | CTV)

Les exportations américaines de jus d'orange vers le Canada ont chuté en juin à leur plus bas niveau depuis plus de 20 ans, selon les données récemment publiées par le Bureau du recensement des États-Unis, en raison d'une combinaison de facteurs tels que les difficultés agricoles, l'évolution des habitudes de consommation et les tensions commerciales qui pèsent sur l'offre.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.

«Il ne fait aucun doute que les exportations américaines de jus d'orange vers le Canada ont chuté... et qu'elles ont atteint leur plus bas niveau depuis plusieurs années», a déclaré Michael Graydon, PDG de Food, Health and Consumer Products of Canada, dans une entrevue accordée à CTV News. «Il n'y a pas une seule cause à cela. C'est en quelque sorte une collision entre une offre mondiale restreinte, l'évolution des préférences des consommateurs et, plus récemment, la menace de droits de douane en Amérique du Nord.»

La Floride, traditionnellement un important fournisseur de jus d'orange frais, a vu sa production diminuer considérablement au cours des deux dernières décennies, en raison du verdissement des agrumes, de la rouille et des dégâts causés par des tempêtes répétées, selon M. Graydon.

La production de cette année a diminué de plus d'un tiers par rapport à l'année dernière, a souligné M. Graydon, et rien n'indique une reprise rapide.

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M. Graydon a affirmé que le Canada s'était tourné vers le Brésil comme prochaine source importante, mais que les conditions météorologiques et les maladies avaient également réduit la production dans ce pays, limitant ainsi les possibilités d'exportation.

En raison de l'offre restreinte, les prix ont grimpé, ce qui a des répercussions sur les habitudes d'achat des Canadiens. M. Graydon souligné que la consommation de jus d'orange par habitant en Amérique du Nord a considérablement diminué au cours des 20 dernières années, en raison de l'évolution des habitudes alimentaires au petit-déjeuner et de la prudence accrue des consommateurs soucieux de leur santé en matière de consommation de sucre.

La pression est encore accentuée par le différend commercial qui oppose actuellement le Canada et les États-Unis. Les droits de douane imposés par Ottawa sur certains produits américains, notamment une taxe de 25 % sur le jus d'orange non congelé provenant de Floride, ont fait grimper les prix.

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Bien que l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) exempte de nombreux produits transfrontaliers, certains produits alimentaires de base, dont le jus d'orange, restent soumis à des droits de douane, ce qui augmente les coûts pour les détaillants et les consommateurs.

Les analystes du secteur, comme M. Graydon, préviennent que l'impact de ces droits de douane se fait davantage sentir au Canada qu'aux États-Unis. M. Graydon a déclaré que ces mesures ont eu un impact minime sur l'économie américaine, mais qu'elles contribuent à l'inflation des prix des denrées alimentaires au Canada.

«On ne peut pas prendre une économie qui représente 10 % de l'économie américaine et s'attendre à ce que nos droits de douane de rétorsion aient un impact quelconque.» 
- Michael Graydon, PDG de Food, Health and Consumer Products of Canada

Seuls quelques secteurs, dont celui du bourbon du Kentucky, ont subi des «effets néfastes» aux États-Unis, a expliqué M. Graydon.

Les matériaux d'emballage et les ingrédients importés pour lesquels il n'existe pas d'équivalents fabriqués au Canada sont également touchés par les contre-droits de douane, ce qui augmente les coûts de fabrication, a précisé M. Graydon.

Certains fournisseurs qui avaient initialement absorbé les coûts dans l'espoir d'une résolution rapide répercutent désormais ces coûts sur les consommateurs, a-t-il ajouté. Le dernier rapport financier de Metro fait état d'une augmentation des demandes de hausse des prix liée à l'impact des droits de douane.

Il en résulte une combinaison de prix plus élevés et de promotions moins nombreuses dans les rayons des magasins.

«À court terme, il faut s'attendre à une instabilité continue dans le commerce de détail : moins de promotions, moins de volume et des prix plus élevés», a prévenu M. Graydon.

Il est possible d'importer d'autres pays potentiels, mais le coût du transport rend cette option moins viable, a expliqué M. Graydon, en prenant l'exemple de l'Espagne. Il a ajouté que la Floride et le Brésil donnaient la priorité à leurs clients nationaux plutôt qu'aux exportations, ce qui réduisait encore l'offre pour le Canada.

Les consommateurs réagissent en se tournant vers des alternatives telles que les mélanges de jus de fruits à longue conservation, souvent moins chers que les variétés fraîches réfrigérées, a observé M. Graydon. Il a averti que cette tendance réduit également le choix.

«L'offre n'est pas seulement limitée. Elle est complexe et les prix continuent d'augmenter, à moins que l'environnement commercial ne se stabilise», a-t-il déclaré.

Les consommateurs canadiens «votent avec leur portefeuille»

Eric Wickham, qui a travaillé sur le projet Hoser Grocery Tracker, qui aidait les clients à trouver les produits alimentaires les plus abordables dans la région du Grand Toronto, constate que les comportements d'achat sont en train de changer.

«À moins de mener une enquête dans tout le Canada, il est impossible de savoir si les Canadiens aiment encore le jus d'orange», a-t-il dit à CTV News. «Mais je peux affirmer que les Canadiens ont clairement eu tendance à voter avec leur portefeuille par le passé.»

M. Wickham a fait référence au boycott national de Loblaw en 2024, déclenché par la flambée des prix des produits alimentaires.

Les données sur les prix indiquent que le coût du jus d'orange n'a pas augmenté de manière spectaculaire. Selon Statistique Canada, le prix de détail moyen de deux litres de jus d'orange en juin 2025 n'est que d'environ 30 cents plus élevé qu'en juin 2024.

M. Wickham a expliqué que les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, en particulier pour les produits importés des États-Unis ou transformés dans ce pays, finissent par se répercuter sur les consommateurs. Qu'elles soient compensées par les prix, supportées par les détaillants pour protéger leurs marges ou répercutées directement sur les acheteurs, les coûts de la chaîne d'approvisionnement influencent inévitablement les prix de détail, a-t-il souligné.

Pour M. Wickham, la raison qui pousse les Canadiens à boycotter le jus d'orange américain reflète un mécontentement plus général.

«Je pense vraiment que cela est dû à la campagne "Achetez canadien" et à la tendance à éviter les produits américains», a-t-il déclaré, suggérant que les consommateurs se souviennent encore des tensions géopolitiques, des menaces à la souveraineté et des différends commerciaux depuis l'entrée en fonction du président américain Donald Trump en janvier.

Les droits de douane et l'inflation pèsent sur le budget alimentaire

La pénurie de jus d'orange au Canada survient à un moment où les prix des produits alimentaires augmentent déjà plus rapidement que l'inflation globale.

Selon le rapport sur l'inflation alimentaire de Loblaw pour le mois de juillet, le Canada a connu une hausse de 2,8 % des prix des denrées alimentaires en juin 2025 par rapport à l'année précédente, soit une hausse moins forte que celle de 3,3 % enregistrée en mai, mais toujours supérieure à l'inflation globale.

La baisse des prix des légumes frais, qui ont chuté de 3,1 %, a apporté un certain soulagement aux consommateurs pendant les mois d'été.

Toutefois, les droits de douane restent un facteur important de la hausse des coûts alimentaires. Loblaw note qu'environ un tiers de toutes les augmentations de coûts liées à l'inflation soumises par les fournisseurs sont directement liées aux droits de douane.

Le rapport suggère que l'impact est double : les contre-droits de douane canadiens sur les importations alimentaires américaines font directement augmenter les prix des produits alimentaires, tandis que les droits de douane américains sur les emballages et les ingrédients tels que les épices et les protéines, utilisés par les fabricants vendant au Canada, font encore grimper les coûts.

Pour l'instant, le verre de jus d'orange de Floride, autrefois courant sur les tables canadiennes au petit-déjeuner, pourrait bien se faire plus rare, non pas parce qu'il est indisponible, mais parce qu'il est devenu un choix de plus en plus coûteux.