Après plusieurs reports, le gouvernement israélien a accepté d'ouvrir une enquête sur les défaillances gouvernementales qui ont conduit à l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023, déclenchant la guerre à Gaza.
Mais des doutes quant à l'indépendance de l'enquête ont suscité lundi des accusations selon lesquelles le premier ministre Benyamin Nétanyahou tenterait d'échapper à sa part de responsabilité
Israël a pour habitude de nommer une commission d'enquête indépendante, dirigée par un juge à la retraite, à la suite de défaillances gouvernementales majeures.
M. Netanyahou a longtemps refusé qu'une telle enquête soit menée sur les défaillances du 7 octobre, se contentant de déclarer qu'il répondrait à toutes les questions une fois la guerre terminée. Dimanche, il a finalement déclaré que le cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre permettait au gouvernement de lancer l'enquête.
Son cabinet a approuvé la formation d'un «comité gouvernemental» édulcoré. M. Nétanyahou supervisera la composition de l'équipe chargée de l'enquête, ce qui le placera en fait à la tête de celle-ci. Plus de détails sur l'enquête seront annoncés dans 45 jours.
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Critiques publiques
Le chef de l'opposition israélienne, Yair Lapid, trouve cette décision insultante pour les victimes du 7 octobre et pour les centaines de soldats qui ont perdu la vie pendant la guerre.
«Le gouvernement fait tout ce qu'il peut pour fuir la vérité et se soustraire à ses responsabilités», a déclaré M. Lapid.
Le gouvernement «met en place une commission qui enquêtera sur lui-même», a fait remarquer le Mouvement pour un gouvernement de qualité, critique de l'administration Nétanyahou. «Ce n'est pas une commission d'enquête, c'est une commission de dissimulation.»
Lors de l'attaque du 7 octobre, le Hamas a tué près de 1200 personnes et pris plus de 250 autres en otage. Près de 500 soldats israéliens ont été tués dans les combats depuis. Les responsables palestiniens de la santé affirment que plus de 69 000 Palestiniens ont été tués dans l'offensive de représailles menée par Israël contre le Hamas.
Selon un sondage réalisé le mois dernier par le groupe de réflexion Israel Democracy Institute, près des trois quarts de la population soutiennent la création d'une commission d'enquête totalement indépendante. Même parmi la base conservatrice de M. Nétanyahou, 68 % se sont prononcés en faveur d'une commission indépendante. Le sondage a été réalisé auprès de 1000 personnes et présente une marge d'erreur de 3,1 points de pourcentage.
Des milliers de personnes ont manifesté samedi soir à Tel-Aviv, beaucoup réclamant une enquête indépendante.
M. Nétanyahou, qui est jugé pour des accusations de corruption sans rapport avec la guerre, affirme que le judiciaire a trop de pouvoir en Israël et soutient qu'une enquête indépendante ne bénéficierait pas «du soutien le plus large possible de la population».
«La seule façon de garantir la confiance du public dans le travail de la commission est de parvenir à un large consensus sur sa composition», a-t-il déclaré.
Conclusions précédentes
L'armée israélienne et d'autres organismes de sécurité ont mené plusieurs enquêtes sur leurs échecs du 7 octobre.
La nouvelle initiative se penchera également sur les décisions et les hypothèses du gouvernement qui ont créé les conditions propices à l'attaque.
De nombreuses personnalités du monde de la sécurité ont déclaré que la tentative du gouvernement de réformer le système judiciaire du pays, qui a déclenché des manifestations de masse et des divisions publiques avant la guerre, a envoyé un message de faiblesse qui a encouragé les ennemis d'Israël à attaquer. M. Nétanyahou rejette cette hypothèse.
Une portion grandissante d'Israéliens estime que les erreurs du 7 octobre dépassent le cadre militaire et reprochent à M. Nétanyahou ce qu'ils considèrent comme une stratégie de dissuasion et de confinement défaillante au cours des années qui ont précédé l'attaque. Cette stratégie consistait notamment à autoriser le Qatar à envoyer des valises remplies d'argent liquide à Gaza et à écarter le rival du Hamas, l'Autorité palestinienne reconnue internationalement.
Une enquête militaire israélienne a déterminé que l'idée que le Hamas, qui a pris le contrôle de Gaza à l'Autorité palestinienne en 2007, était plus intéressé par la gouvernance du territoire que par la lutte contre Israël était fausse.
L'enquête a révélé que le Hamas avait pu mener l'attaque du 7 octobre parce que l'armée israélienne, plus puissante, avait mal évalué les intentions du groupe militant et sous-estimé ses capacités.
Les planificateurs militaires avaient envisagé que, dans le pire des cas, le Hamas pourrait lancer une invasion terrestre à partir de huit points frontaliers, mais le Hamas disposait de plus de 60 voies d'attaque le 7 octobre.
De nombreux officiers supérieurs de l'armée et des services de sécurité de l'époque, notamment le chef d'état-major, le chef des renseignements militaires et le ministre de la Défense, ont démissionné ou ont été contraints de quitter leurs fonctions.
