Le gang Bishnoi, établi en Inde, accusé l'an dernier par la police canadienne d'avoir orchestré une campagne de violence et d'intimidation contre des militants sikhs au Canada, a été inscrit lundi sur la liste des entités terroristes du gouvernement fédéral.
Le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, a annoncé cette désignation dans un communiqué de presse publié tôt lundi matin, affirmant qu'elle aiderait les services de sécurité, de renseignement et de police canadiens.
«Le gang Bishnoi se livre à des meurtres, des fusillades et des incendies criminels, et sème la terreur dans ces communautés en ayant recours à des activités d'extorsion et d'intimidation», indique le communiqué. «Ce gang crée un climat d'insécurité pour ces communautés sud-asiatiques en s'en prenant à elles, ainsi qu'à leurs membres éminents de la communauté, aux entreprises et aux figures culturelles de la communauté.»
Une experte affirme toutefois que le processus d'inscription sur la liste des entités terroristes est devenu excessivement politisé, soulignant que le gang ne répond pas à la définition légale du terrorisme et que son inscription sur la liste constitue une «pente glissante».
Le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, David Eby, a demandé la désignation d'entité terroriste en juin, suivi en juillet par la première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, et en août par le chef conservateur fédéral, Pierre Poilievre.
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La nouvelle désignation permet aux autorités de saisir des biens et de geler des comptes.
Cette inscription interdit aux Canadiens de financer ou d'aider le groupe dirigé par Lawrence Bishnoi, chef du gang en Inde, qui aurait coordonné des activités criminelles à partir d'un téléphone portable dans une prison.
Les indépendantistes sikhs pris pour cible
Le gang a acquis une notoriété nationale au Canada lors de la fin de semaine de l'Action de grâce de l'année dernière. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a accusé l'Inde d'avoir utilisé le gang Bishnoi pour commettre des meurtres et des actes d'extorsion visant des Canadiens, en particulier les sikhs canadiens qui prônent la création d'un État sikh distinct appelé Khalistan.
Les services de police de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont formulé des allégations similaires depuis au moins 2023.
Ils ont affirmé que des diplomates indiens avaient partagé des informations sur des partisans du Khalistan au Canada avec des responsables de New Delhi, qui les avaient ensuite transmises au gang Bishnoi.
L'Inde a réfuté ces allégations presque immédiatement, et New Delhi insiste sur le fait d'avoir plutôt collaboré avec Ottawa pour tenter de stopper les flux financiers du gang vers le Canada.
Leah West, professeure agrégée de droit de la sécurité nationale à l'Université Carleton, a expliqué que l'inscription d'un groupe sur la liste des entités terroristes modifie les pouvoirs de la police en matière de mandats et peut impliquer l'inclusion du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) dans ces enquêtes.
Mais le changement le plus important réside dans l'élargissement du champ des activités criminelles potentielles à toute personne susceptible de faciliter la commission d'un crime, a-t-elle indiqué.
«Cela élargit le champ de ce qui est considéré comme criminel autour du groupe et élargit le champ des personnes pouvant faire l'objet d'une enquête, a-t-elle ajouté. Cela vise également à dissuader les gens de fournir des services ou de soutenir le groupe terroriste de quelque manière que ce soit.»
Elle s'est dite préoccupée par la politisation excessive de l'inscription de groupes sur la liste des entités terroristes, car cela «déverrouille tout le processus pénal».
«Je ne saurais trop insister sur la pente glissante sur laquelle nous nous trouvons», a-t-elle ajouté lors d'une entrevue lundi.
Il y a actuellement 88 entités inscrites sur la liste des groupes terroristes au Canada.
«Les derniers groupes répertoriés proviennent d'appels de la Chambre des communes, demandant leur désignation comme entité terroriste. Or, dans ce cas précis, je n'ai vu aucune preuve que le gang mérite d'être désigné comme entité terroriste», a expliqué Mme West.
Elle a affirmé que le gouvernement affaiblit les outils utilisés pour lutter contre le «très grave problème du terrorisme».
Le premier ministre Eby a expliqué dans une déclaration vidéo lundi que ce changement donnerait à la police les outils nécessaires pour saisir les biens de ces gangs et de leurs membres.
«Les gens vivent dans la peur de l'extorsion. Il s'agit d'une mesure importante qui pourrait rendre nos rues plus sûres. J'espère que la police pourra utiliser ces outils rapidement pour intervenir dans notre communauté et partout au pays», a-t-il ajouté.
M. Poilievre a déclaré que le gang est responsable d'une grande partie de l'extorsion qui a terrorisé Surrey, en Colombie-Britannique, Brampton, en Ontario, et le nord-est de Calgary.
Il a déclaré qu'il fallait en faire davantage pour les arrêter et il blâme le gouvernement libéral d'avoir laissé entrer ces criminels au pays.
«Abrogeons les lois libérales sur la criminalité, instaurons des peines d'emprisonnement obligatoires pour les extorqueurs, expulsons de notre pays tous les criminels étrangers, traquons-les, expulsons-les et apportons la paix et la sécurité aux formidables entrepreneurs de Surrey, de Brampton et du nord-est de Calgary», a-t-il ajouté.
Cette décision intervient alors que le Canada et l'Inde s'efforcent de rétablir progressivement la confiance dans leurs relations diplomatiques, après près de deux ans de tensions.
En septembre 2023, le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, a déclaré à la Chambre des communes que le Canada disposait de preuves crédibles du rôle de New Delhi dans l'assassinat, en juin 2023, d'un militant sikh près de Vancouver.
En octobre 2024, la relation s'est davantage détériorée lorsque la GRC a annoncé détenir des preuves solides reliant les plus hauts niveaux du gouvernement indien à une campagne de violence et d'intimidation contre des Canadiens par l'intermédiaire du gang Bishnoi.
À la suite de cette révélation, le Canada a expulsé six diplomates indiens, dont le haut-commissaire, et l'Inde a réagi en expulsant le même nombre de Canadiens.
L'Inde a affirmé que le Canada permettait aux extrémistes sikhs de menacer et de commettre des violences dans les deux pays, affirmant qu'Ottawa n'avait pas fait assez pour empêcher une répétition de l'attentat d'Air India de 1984.
Le premier ministre Mark Carney a cherché à rétablir progressivement les relations avec l'Inde, les pourparlers sur les forces de l'ordre jouant un rôle clé dans le rétablissement de la confiance entre les deux pays.
La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a rencontré son homologue indien, Subrahmanyam Jaishankar, aux Nations unies à New York lundi.
M. Jaishankar a expliqué sur la plateforme de médias sociaux X qu'il s'agissait d'une «rencontre positive» après la nomination des principaux envoyés des deux pays.
«La nomination de hauts-commissaires est la bienvenue alors que nous renouons nos liens», a indiqué la publication, ajoutant qu'ils ont «discuté de nouvelles mesures à cet égard» avant la visite prévue de Mme Anand à New Delhi et en Chine le mois prochain.
Moninder Singh, porte-parole national de la Fédération sikhe (Canada), a expliqué lundi dans un communiqué que cette désignation «aura peu d'impact en soi et restera un geste dénué de sens tant que les responsables du gouvernement indien responsables d'avoir orchestré des violences généralisées au Canada n'auront pas à rendre de comptes».
«Le gouvernement doit préciser les mesures prises pour garantir que les responsables indiens soient tenus responsables de leurs crimes et ne participent à aucune nouvelle attaque violente, à aucune autre forme de répression et d'intimidation transnationales, ni à aucune ingérence étrangère dans l'élaboration des politiques ou les processus politiques canadiens», a expliqué M. Singh dans le communiqué.
L'inscription sur la liste des organisations terroristes de lundi concerne l'organisation dirigée par Lawrence Bishnoi, emprisonné en Inde depuis près de dix ans pour implication généralisée dans des violences de gangs.
En 2023, l'Agence nationale d'enquête de l'Inde a déclaré que l'homme de 32 ans dirigeait son «syndicat terroriste» depuis des prisons situées dans différents États indiens et par l'intermédiaire d'un associé au Canada.
Plusieurs médias indiens ont rapporté que Bishnoi aurait transféré des dizaines de milliers de dollars de l'Inde vers le Canada et la Thaïlande entre 2019 et 2021. La Presse Canadienne n'a pas pu vérifier ces informations.
Bishnoi est tristement célèbre pour avoir menacé de mort des célébrités, des personnalités politiques et des chefs d'entreprise indiens appréciés. En 2022, il a été accusé d'être à l'origine de la mort par balle du rappeur punjabi Sidhu Moose Wala, qui a brièvement vécu au Canada.
— Avec des informations de Brieanna Charlebois à Vancouver

