Non seulement les suspects dans l’affaire de complot présumé de terrorisme à Québec étaient suffisamment équipés pour perpétrer un carnage, ils avaient beaucoup de ressources pour y arriver, apprend-on dans la preuve déposée devant le tribunal.
L’ordonnance de non-publication a été levée lundi pour des dizaines éléments supplémentaires en préparation pour le procès de Simon Angers-Audet, Marc-Aurèle Chabot et Raphaël Lagacé, soupçonnés de complot visant à prendre possession de terres par la force dans la région de Québec.
Ce qu’on y découvre: les trois hommes dans la vingtaine et un quatrième accusé de port d’armes, Matthew Forbes, sont parvenus à construire leur arsenal en ayant accès à du matériel que seuls des militaires peuvent obtenir. Chabot et Forbes sont des membres des Forces armées canadiennes.
Leurs transactions financières ont été scrutées à la loupe par les policiers et le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), l’unité du renseignement financier et le département qui supervise la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes au pays.
Entre 2020 et 2023, ils ont effectué des transactions financières pour environ 483 000 $.
Les suspects ont effectué des dizaines de transferts d’argent entre eux – des transactions parfois à coups de dizaines de milliers de dollars contenant des références à des armes à feu ou accessoires.
Entre autres, selon le CANAFE, «le niveau et le volume des transactions sont disproportionnés par rapport à la situation financière apparente et au métier déclaré par Lagacé (c’est-à-dire peintre)». «Selon les autorités, il s’agit également d’un indice que Lagacé agirait aux bénéfices de tierces parties en recevant des fonds et en les transférant ensuite.»
Arrêtés en juillet, Angers-Audet, 24 ans, Lagacé, 25 ans, et Chabot, 24 ans font face à des accusations de facilitation d'une activité terroriste ainsi qu'à d'autres accusations liées à l'entreposage illégal d'armes à feu et à la possession d'explosifs et d'engins interdits. Dans des perquisitions, la police a trouvé des armes à feu par dizaines, en plus de milliers de munitions et autres vestes militaires et chargeurs.
Angers-Audet, Lagacé et Chabot ont demandé un procès devant juge et jury ainsi qu’une enquête préliminaire. Ils demeurent détenus jusqu’à leur procès. Forbes, 33 ans, a pu retrouver sa liberté jusqu’au procès.
Encore plus que les armes, ce sont les gestes posés par les accusés qui retiennent l’attention. Selon la preuve déposée, ils ont planifié des attentats violents, tenté de fabriquer et d’obtenir des explosifs dans un entraînement préparatoire. Les moyens déployés par la police pour les arrêter ont été vastes: surveillance électronique, filature, analyse informatique…
Les policiers ont eu recours à des agents d’infiltration, à des agents sources et à de l’information provenant du SCRS – le Service canadien de renseignement de sécurité. Ce sont des membres de l’EISN – l’équipe intégrée sur la sécurité nationale, qui ont mené cette enquête liée à des craintes terroristes. À la lumière des informations contenues dans les mandats de perquisition, on réalise à quel point l’enquête des policiers est étoffée.
L’enquête montre que les accusés s’entrainent aussi en faisant des déplacements tactiques, du combat rapproché. Selon l’information contenue dans les mandats, les accusés se sont entrainés dans la ZEC Batiscan–Neilson, au nord-ouest de Québec. Des agents d’infiltration, qui se sont introduits dans le camp d’entrainement, affirment «qu’ils ont reçu de la formation pour se préparer à une invasion. Ils se sont entrainés à trancher des gorges et tirer une balle dans la tête».

