La Cour a levé l’ordonnance de non-publication des éléments de preuve reliés aux accusations portées contre trois hommes accusés de terrorisme dans le cadre d’un présumé complot visant à saisir des terres par la force dans la région de Québec. Le dossier est excessivement lourd et les médias ont désormais accès à ce que les autorités ont saisi dans le cadre leur enquête de plusieurs mois.
Simon Angers-Audet, 24 ans, Raphaël Lagacé, 25 ans, et Marc-Aurèle Chabot, 24 ans font face à des accusations de facilitation d'une activité terroriste ainsi qu'à d'autres accusations liées à l'entreposage illégal d'armes à feu et à la possession d'explosifs et d'engins interdits.
Encore plus que les armes, ce sont les gestes posés par les accusés qui retiennent l’attention. Selon la preuve déposée, ils ont planifié des attentats violents, tenté de fabriquer et d’obtenir des explosifs dans un entraînement préparatoire. Les moyens déployés par la police pour les arrêter ont été vastes: surveillance électronique, filature, analyse informatique…
Les policiers ont eu recours à des agents d’infiltration, à des agents sources et à de l’information provenant du SCRS – le Service canadien de renseignement de sécurité. Ce sont des membres de l’EISN – l’équipe intégrée sur la sécurité nationale, qui ont mené cette enquête liée à des craintes terroristes. À la lumière des informations contenues dans les mandats de perquisition, on réalise à quel point l’enquête des policiers est étoffée.
Des entraînements de nature militaire
L’enquête montre que les accusés s’entrainent aussi en faisant des déplacements tactiques, du combat rapproché. Selon l’information contenue dans les mandats, les accusés se sont entrainés dans la ZEC Batiscan–Neilson, au nord-ouest de Québec. Des agents d’infiltration, qui se sont introduits dans le camp d’entrainement, affirment «qu’ils ont reçu de la formation pour se préparer à une invasion. Ils se sont entrainés à trancher des gorges et tirer une balle dans la tête».

On en apprend également plus sur les accusés. On découvre notamment que Lagacé est présumé membre du groupe Hide & Stalk, un «groupe de militants extrémistes pro-arme». Les publications de ce groupe sur les réseaux sociaux sont «majoritairement axées sur l’entraînement militaire, les tactiques militaires, le survivalisme et le tir à longue portée».

Lagacé est également instructeur de tir chez MLK Abilities, qui offre des «entraînements militaires et des pratiques de tir à longue distance», selon la preuve. Le discours de ce groupe reposerait, entre autres, sur l’incitation aux citoyens à se procurer des armes à feu «dans le but de se défendre, surtout contre un comportement corrompu et nuisible», pour reprendre les termes recensés par la GRC.
Lagacé est aussi impliqué au sein des Forces armées à titre d’instructeur civil pour les cadets de l’air.
Chabot, lui, a été caporal dans l’infanterie de réserve des Forces armées canadiennes à Québec de 2019 à 2023, avant de devenir caporal-chef comme membre régulier de l’armée.

Angers-Audet est un autre membre présumé de Hide & Stalk. On le voit également aux armes.

Angers-Audet, Lagacé et Chabot vont rester emprisonnés jusqu’à leur procès. Le juge René de la Sablonnière de la Cour du Québec a rejeté leur demande de libération sous caution au palais de justice de Québec au début août.
Un quatrième homme, Matthew Forbes, est lui aussi, un caporal régulier des Forces armées canadiennes à Valcartier. Il est en service depuis 2016. En épluchant leurs photos sur les réseaux sociaux, la GRC a découvert que lui et Chabot portent une bague noire similaire. On la voit d’ailleurs au doigt de Forbes sur une photo avec sa conjointe.
Âgé de 33 ans, Forbes fait face à des accusations de port d’armes et a été libéré sous caution avec une longue liste de conditions, dont le port d’un bracelet GPS.

Des armes semi-automatiques contre la «bullsh**» du gouvernement
L’enquête de la GRC a commencé le 2 mars 2023. En avril 2023, la police découvre que Chabot, Forbes et Lagacé ont reçu par colis des armes à feu semi-automatiques.

En juin 2023, la GRC a également recueilli des extraits «percutants» d’un balado, dont les propos «avec une idéologie […] d’extrême droite» sont attribués à Chabot.
«C’est notre responsabilité de prendre soin de nos familles et de notre groupe, avec toutes les menaces auxquelles nous faisons face», a-t-il dit en anglais. «Nous devons nous regrouper et je ne vais pas y aller à moitié: allons-y et nous les tirerons quand ils arriveront», ajoute-t-il au sujet de gens de la politique.
Chabot parle alors d’«abattre toute la bullsh** du gouvernement et leurs pouvoirs trop puissants et tout, et tout», puis monte un scénario dans lequel la suspension modifiée de sa camionnette Tacoma lui permettrait d’être «good to go» si jamais «nous en venions à acquérir des fournitures des banlieues de façon illégale».
Toujours détenus
Les trois accusés ont été arrêtés par la GRC le 7 juillet dernier. À ce moment-là, le corps policier fédéral avait diffusé un communiqué de presse dans lequel il annonçait l'arrestation de quatre individus pour des gestes d'extrémisme violent à caractère idéologique.
On pouvait aussi y lire que les individus, dont certains sont membres actifs des Forces armées canadiennes, souhaitaient prendre possession par la force d'un territoire dans la région de Québec et prévoyaient créer une milice antigouvernementale. Des perquisitions menées par la GRC avaient permis de saisir plus de 80 armes à feu et des milliers de munitions, avait-on mentionné par communiqué.
Les accusés vont revenir devant le tribunal le 12 septembre pour la suite des procédures.
Avec de l'information de Laurence Royer pour Noovo Info et de La Presse canadienne.

