Justice

Lavage de cerveau à Montréal: Ottawa et le CUSM demandent que la poursuite soit rejetée

«Nos familles ont été traitées comme des cobayes.»

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Glenn Landry tient une photo de sa mère, Catherine Harter, à Montréal, le jeudi 12 septembre 2024. Glenn Landry tient une photo de sa mère, Catherine Harter, à Montréal, le jeudi 12 septembre 2024. (Ryan Remiorz | La Presse canadienne)

Alison Steel était une enfant lorsque sa mère a été envoyée, dans les années 1950, chez le Dr Donald Ewen Cameron et ses collègues de l'Institut Allan Memorial de Montréal pour y être soignée ce que sa fille estime être une probable dépression déclenchée en partie par la perte d'un autre enfant.

Après des séries d'électrochocs, de comas provoqués et de médicaments expérimentaux, sa mère, Jean, est sortie de l'hôpital psychiatrique transformée - enfantine, incapable d'accomplir des tâches quotidiennes et, comme le dit sa fille, «dans son propre monde».

Aujourd'hui, les espoirs de Mme Steel d'obtenir une indemnisation, et celui des familles d'autres patients qui auraient subi un lavage de cerveau il y a plusieurs décennies à l'Allan Memorial, reposent entre les mains d'un juge qui doit se prononcer sur la demande du gouvernement fédéral et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) de rejeter leur action en justice.

La semaine dernière, un juge de la Cour supérieure du Québec a entendu les arguments des avocats du gouvernement et de l'hôpital qui ont soutenu que les familles avaient attendu trop longtemps pour déposer des plaintes concernant le traitement que leurs frères et sœurs et leurs parents ont reçu dans le cadre du programme MK-ULTRA, financé par le gouvernement canadien et la CIA entre les années 1940 et 1960 à l'Allan Memorial.

Mme Steel, qui était présente dans la salle d'audience du tribunal de Montréal vendredi pour entendre les arguments, est rejointe par une cinquantaine de familles qui ont intenté une action en justice alléguant que leurs proches ont été soumis à des expériences psychiatriques comprenant des médicaments puissants, des messages audio répétés, des comas induits et des traitements de choc.

«Nos familles ont été traitées comme des cobayes.»
- Alison Steel, l'une des plaignantes dans le dossier visant l'affaire MK-ULTRA

David Baum, un avocat représentant les établissements de santé a déclaré au tribunal que, bien que les hôpitaux éprouvent de la compassion pour les familles, leurs efforts juridiques pour obtenir une indemnisation sont «malavisés, mal orientés et voués à l'échec».

Ses clients sont le Centre universitaire de santé McGill et son hôpital affilié, le Royal Victoria.

Il a dit au juge Christian Brossard que la procédure était prescrite - ce qui signifie qu'elle a été déposée après le délai imparti pour intenter une action - et qu'elle visait à réexaminer des questions qui ont déjà été «largement abordées» dans le cadre d'affaires judiciaires antérieures remontant à plusieurs dizaines d'années.

«Nous pensons que, dans l'intérêt de la justice et des parties elles-mêmes, ce tribunal ne devrait pas faire avancer un recours qui n'a en fin de compte aucune chance d'aboutir», a affirmé M. Baum au tribunal.

M. Baum et un avocat du procureur général du Canada ont affirmé que Mme Steel et les autres membres des familles disposaient de toutes les informations nécessaires pour intenter une action en justice il y a des années, voire des décennies.

Ils ont fait remarquer que certains anciens patients avaient reçu 100 000 dollars d'indemnités à partir des années 1990, sans que le gouvernement reconnaisse sa culpabilité, et qu'ils avaient signé des décharges renonçant à toute autre demande d'indemnisation.

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Alan Stein, l'avocat représentant les familles, s'est insurgé contre les affirmations selon lesquelles l'affaire de ses clients représente un «abus de procédure», comme l'a soutenu l'autre partie.

«Si quelqu'un abuse de la procédure, c'est bien le gouvernement du Canada et l'hôpital Royal Victoria dans cette affaire», a-t-il déclaré au juge.

Au tribunal, il a également suggéré que la motion de rejet actuelle est une tactique de retardement de la part des avocats de l'hôpital et du gouvernement, notant que la question des délais n'a pas été soulevée dans les procédures judiciaires précédentes.

Alors que les traitements du Dr Cameron ont donné lieu à des dizaines d'années de rapports et d'actions en justice, Mme Steel et les autres membres des familles soutiennent qu'ils n'ont pu obtenir les dossiers médicaux de leurs familles qu'au cours des dernières années et qu'ils n'ont réalisé que récemment qu'il existait une possibilité de les poursuivre en justice, en tant que membres de la famille.

M. Stein a souligné que si des compensations ont été offertes à certains anciens patients, personne n'a suffisamment reconnu l'impact des traitements présumés sur leurs enfants ou leurs frères et sœurs, qui ont vécu pendant des décennies avec les répercussions de ces traitements.

«Ils disent que nous abusons de leurs procédures... non, ils abusent de nous en nous faisant attendre aussi longtemps», a affirmé Mme Steel.

Selon elle, l'ampleur de ce qui est arrivé à sa mère n'est apparue que ces dernières années, lorsqu'elle a réussi à obtenir le dossier médical de sa mère et, avec l'aide de M. Stein, à obtenir une indemnisation pour la succession de sa mère.

C'est en partie ce règlement qui a encouragé les autres personnes impliquées dans le procès à rechercher les dossiers médicaux et à explorer les options juridiques.

Glenn Landry, l'un des plaignants, explique qu'il a été élevé par des familles d'accueil après que sa mère est devenue incapable de s'occuper de lui à la suite des traitements qu'elle a reçus.

Bien qu'il ait entretenu une relation avec elle, il la décrit comme une «coquille vide» qui n'a jamais partagé ses impressions sur sa vie.

M. Landry a confié que lui et d'autres personnes ont été confrontés à des résistances au fil des ans lorsqu'ils ont essayé d'obtenir les dossiers médicaux des membres de leur famille.

Il a déclaré avoir décidé de se joindre à l'action en justice dès qu'il a finalement obtenu les dossiers de sa mère en 2018.

Il considère l'argument des délais comme une «excuse» de la part d'institutions qui veulent éviter de réparer un préjudice historique en retardant les choses le plus longtemps possible.

Il note que le gouvernement et les avocats de l'hôpital ont également suggéré de suspendre l'affaire jusqu'à ce qu'une action collective distincte proposée par un autre groupe de victimes présumées puisse avoir lieu.

Si cela se produit et que l'affaire est encore retardée, «d'autres d'entre nous (seront) morts», a-t-il dit.

Le juge Christian Brossard a affirmé vendredi qu'il rendrait sa décision à une date ultérieure.