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Commission Gallant: Karl Malenfant nie avoir été de connivence avec la firme SAP

M. Malenfant est l'un des seuls à avoir mené le projet SAAQclic de sa conception jusqu'à son lancement catastrophique.

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La firme SAP n'a jamais eu d'avantage indu, a soutenu jeudi l'ex-vice-président aux technologies de l'information de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) Karl Malenfant. 

Au deuxième jour de son témoignage à la commission Gallant sur le fiasco SAAQclic, M. Malenfant a nié avoir aidé l'entreprise allemande, avec qui il avait déjà travaillé par le passé, à remporter un contrat de 458 millions $.

Il a reproché au procureur de la commission, Alexandre Thériault-Marois, de faire des «insinuations inadéquates» et de «faux liens», malgré la preuve documentaire qui a été présentée.  

Me Thériault-Marois a exhibé plusieurs courriels montrant que Karl Malenfant tenait à ce que ses équipes se familiarisent avec les produits SAP, et ce, plusieurs années avant la publication de l'appel d'offres. 

L'entreprise a d'ailleurs organisé une série de formations gratuites pour les employés de la SAAQ dès 2014. 

Interrogé à ce sujet, l'ex-VP a dû admettre que SAP ne faisait pas là du «bénévolat», mais avait «des intérêts», alors qu'il était connu que la SAAQ s'apprêtait à moderniser ses systèmes informatiques.

Environ 70 % des employés qui ont suivi les formations SAP (29 sur 42) ont par la suite siégé aux comités qui devaient évaluer les soumissions des entreprises, a relevé la commission, jeudi.

SAP n'a pas pu être avantagée, puisqu'en tout, «100 personnes» ont travaillé à la rédaction de l'appel d'offres, a rétorqué M. Malenfant.

Discussions informelles

On apprend en outre que Karl Malenfant et la consultante Louise Savoie ont discuté privément des moyens à prendre afin de s'assurer que SAP soit «à la table» pour obtenir le contrat du virage numérique de la SAAQ.

Dans un courriel envoyé à l'adresse personnelle de M. Malenfant, intitulé «Par les voies non officielles», Mme Savoie signale que SAP est «sceptique» que la SAAQ pourra «faire changer le processus d'acquisition».

L'entreprise semble vouloir que la société d'État s'éloigne du processus habituel de type «plus bas soumissionnaire» pour accorder plus d'importance au critère de la qualité.

M. Malenfant répond alors à Mme Savoie que SAP doit «faire confiance à l'avenir». Il ajoute un clin d'œil à son message. 

«Ce dossier sera attaché de façon stratégique au bureau de la présidente ainsi qu'à ma vis-à-vis du Conseil du trésor responsable des acquisitions stratégiques et de la Loi sur les acquisitions», écrit-il.

«Louise, dans tes prochaines discussions, (...) tu pourrais aller à la pêche pour comprendre quelles seraient les conditions qui assureraient que SAP soit à la table», suggère-t-il également.

Dans cette communication, Mme Savoie affirme faire sa «job de courroie de transmission informelle».

M. Malenfant s'est défendu jeudi en disant qu'il voulait attirer le plus de fournisseurs possible, et que tout ce qu'il annonçait, c'était que la SAAQ était prête à «aller au marché différemment». 

Il a précisé qu'il utilisait son courriel personnel parce que l'échange avait eu lieu un samedi, et qu'il n'amenait pas le matériel informatique de la SAAQ à sa maison de campagne de Sainte-Adèle.

Explosion des coûts

Au final, deux alliances seront en compétition pour remporter le contrat de la SAAQ, et SAP fera partie des deux, a souligné Me Thériault-Marois.

Niant tout favoritisme, Karl Malenfant a expliqué avoir collaboré avec SAP tôt dans le processus parce que la SAAQ en détenait déjà une licence. L'objectif était aussi d'initier ses équipes aux «progiciels».

Le procureur Thériault-Marois a avancé une autre hypothèse. 

«Dès le départ, vous souhaitez amener vos équipes à étudier les produits de SAP. Ce qui est tout à fait l'inverse de ce que vous avez dit, (...) que ce sont vos équipes qui vous l'ont demandé», a-t-il lancé au témoin. 

«Ce que vous dites est faux», a répliqué M. Malenfant. 

Alors qu'en 2015, la SAAQ estimait son virage à 458 millions $ sur 21 ans (en incluant la récurrence), ce sera plutôt 823 millions $ sur 15 ans à la suite de l'appel d'offres en 2017, a souligné Me Thériault-Marois.

C'est cette estimation à 458 millions $ qui avait été présentée au conseil d'administration de la SAAQ, en expliquant qu'un progiciel de gestion intégré (PGI) serait plus économique à long terme qu'une solution «maison».

Selon la vérificatrice générale du Québec, le virage numérique raté de la SAAQ devrait coûter au bas mot 1,1 milliard $ d'ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu.

«Fling flang»

Jeudi, Me Thériault-Marois a également suggéré que M. Malenfant a fait en 2021 du «fling flang» pour permettre notamment à Mme Savoie de poursuivre son travail.

Il a alors été convenu que Mme Savoie facturerait à LGS, qui obtiendrait en retour un «bonbon»: un rabais de 50 % sur les trois nouvelles revues de vérification de la firme EY devant être réalisées, selon le procureur.

Du «fling flang», a-t-il lancé, ce qui a fait vivement réagir M. Malenfant, qui a souligné que LGS n'avait pas l'obligation contractuelle de payer pour ces trois revues supplémentaires.

Il ne s'agissait ni de «fling flang» ni de «malversation», a-t-il martelé. «Moi, je veux que ça marche. "Just make it happen".» 

Son témoignage se poursuivra vendredi.

Les parties ont par ailleurs annoncé jeudi avoir embauché un avocat indépendant pour faire le tri dans une série de courriels portant sur la médiation avec l'Alliance qui relèveraient du privilège. 

Il s'agirait d'une première au Québec, selon le procureur en chef de la commission, Simon Tremblay.

Caroline Plante

Caroline Plante

Journaliste