L'ancienne PDG Nathalie Tremblay se défend d'avoir mal géré le vaste projet informatique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) et trompé les élus.
En 2020, la SAAQ choisit de régler un litige avec son fournisseur LGS-SAP («l'Alliance») derrière des portes closes plutôt que de publier un avenant qui aurait révélé les dépassements de coûts.
La société d'État venait d'être informée qu'il allait manquer au moins 800 000 heures de travail pour livrer la phase 2 de son projet informatique.
Au terme de pourparlers strictement confidentiels, la SAAQ convient de réinjecter 135 millions $; l'Alliance absorbera 70 millions $.
C'est le vice-président aux technologies de l'information, Karl Malenfant, qui signe l'entente au nom de la SAAQ.
Sans jamais blâmer directement M. Malenfant, Mme Tremblay a déclaré mardi qu'elle aurait aimé avoir accès à «plus d'options, plus de scénarios».
Après coup, l'ex-PDG de la SAAQ a juré que l'Alliance ne toucherait pas «une cenne de plus» tant et aussi longtemps qu'elle n'aurait pas prouvé qu'elle pouvait livrer un produit de qualité.
«J'avais le pied sur la "hose" (boyau d'arrosage)», a-t-elle soutenu devant le commissaire Denis Gallant.
Elle a dû reconnaître que les coûts du projet avaient tout de même explosé, et que l'information n'avait pas été clairement communiquée aux élus siégeant à la Commission de l'administration publique (CAP).
Le virage numérique raté de la SAAQ devrait coûter au bas mot 1,1 milliard $ d'ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon la vérificatrice générale du Québec.
Le politique n'a pas demandé les coûts réels du projet
Mardi, le procureur en chef de la commission, Simon Tremblay, a voulu savoir pourquoi la SAAQ avait seulement transmis à la CAP le coût du contrat (458 millions $) plutôt que le coût réel du projet (682 millions $).
C'est que le président de la CAP de l'époque, le libéral Carlos Leitao, mentionnait dans sa lettre vouloir le coût du contrat, a répondu Nathalie Tremblay. La SAAQ n'est donc pas allée plus loin.
«Je conviens que ça aurait pu être plus clair», a concédé l'ancienne haute dirigeante, en ajoutant avoir été ouverte à partager plus d'informations avec les élus.
«On a mis l'information sur le suivi financier du contrat et on a dit à la CAP: "(Contactez-nous) si vous avez besoin d'informations additionnelles". On n'a pas eu de retour», a-t-elle expliqué.
En outre, lorsqu'elle informe le cabinet de l'ex-ministre des Transports, François Bonnardel, qu'une entente est survenue avec l'Alliance, aucune question ne lui est posée sur les montants.
Or, la première question aurait dû être: «Ça s'est réglé à combien?» s'est étonné le commissaire Gallant.
Il n'a pas été clairement expliqué non plus au ministre Bonnardel que l'entente avec l'Alliance réduisait la portée du projet. Les indicateurs étaient au vert, mais ils auraient dû être «jaune pâle», a reconnu Mme Tremblay.
Départ précipité
Après 11 ans passés à la tête de la SAAQ, Nathalie Tremblay a annoncé son départ à la retraite en 2021. Elle est toutefois restée en poste jusqu'à l'arrivée de son successeur Denis Marsolais en janvier 2022.
Pourquoi avoir quitté tout juste avant le déploiement de la phase 2 et un an avant la fin de votre mandat, lui a demandé Me Tremblay.
Émotive, Nathalie Tremblay a évoqué la «très difficile» pandémie de COVID-19, en plus de l'arrivée d'un nouveau président du c.a., Konrad Sioui, qui avait besoin de «beaucoup d'attention».
«Je n'avais pas l'énergie» pour continuer, a-t-elle dit. Son témoignage se poursuit mercredi.

