Société

«Loulou» et «Mado»: Karl Malenfant nie avoir donné des contrats à ses amis

Mis à jour

Publié

Karl Malenfant, grand architecte de SAAQclic, témoigne à la commission Gallant L'ex-vice-président aux technologies de l'information de la SAAQ Karl Malenfant a témoigné mercredi après-midi à la commission Gallant.

L'ancien vice-président aux technologies de l'information de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) Karl Malenfant nie avoir donné de généreux contrats à ses amis. 

«Pas du tout. C'est complètement faux comme hypothèse», a-t-il déclaré lors d'un interrogatoire serré à la commission Gallant chargée d'enquêter sur le fiasco SAAQclic, mercredi.

Son témoignage était fort attendu, car M. Malenfant est l'un des seuls à avoir mené le projet SAAQclic de sa conception jusqu'à son lancement catastrophique en février 2023.

Le virage numérique raté de la SAAQ devrait coûter au moins 1,1 milliard $ d'ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, a signalé la vérificatrice générale du Québec dans son rapport publié en février 2025.

Mercredi, le procureur Alexandre Thériault-Marois a suggéré que M. Malenfant avait réuni autour de lui «un petit noyau dur» d'amis ayant «pris le contrôle» du projet informatique de la SAAQ.

Il a déposé en preuve des courriels au ton très familier, où M. Malenfant surnomme les consultantes Madeleine Chagnon et Louise Savoie «Mado» et «Loulou», et où il est même question d'un «pyjama party» à Québec.

On sait que les deux femmes obtiendront par la suite des millions de dollars en contrats de la SAAQ.

Selon M. Malenfant, un «pyjama party» dans le monde des technologies réfère au lancement d'un projet. Il a soutenu que mesdames Chagnon et Savoie n'ont jamais été des amies personnelles.

Pourtant, le 4 octobre 2013, Madeleine Chagnon lui envoie un courriel intitulé «Bonjour, mon ami». 

Elle écrit: «J'ai vraiment très hâte de te voir pour qu'on puisse jaser ensemble tant sur le plan personnel que sur toute ta nouvelle expérience à la société. Tu me manques, tu sais.»

M. Malenfant s'est défendu mercredi d'avoir rédigé des appels d'offres tellement restrictifs que seules mesdames Chagnon et Savoie, avec qui il avait travaillé dans le passé, pouvaient les remporter. 

«Tu as le droit de restreindre le marché. (...) Ce n'est pas illégal. (...) Je voulais de la très haute expertise», s'est-il justifié, disant avoir été conseillé par des avocats de la SAAQ.

«Vous ne pouvez pas m'empêcher d'avoir un réseau de contacts», a-t-il ajouté.

Sauf que d'autres ressources existaient et «vous ne vous êtes pas donné la chance de les connaître», lui a rétorqué Me Thériault-Marois.

Karl Malenfant a accusé le procureur de faire des «amalgames» et de lui «prêter des intentions», ce qui a semblé agacer le commissaire Denis Gallant, qui ramenait à l'ordre l'ex-VP en lui disant de limiter ses commentaires.

Dans un autre courriel, M. Malenfant écrit à Mme Chagnon: «Salut complice! (...) Toi en gouvernance, Louise en architecture (...) et potentiellement nos quatre amis, ça commence à faire un petit noyau dur intéressant.»

Le témoignage de M. Malenfant se poursuivra jeudi et durera vraisemblablement plusieurs jours. Pas moins de 591 pièces documentaires ont été déposées mercredi qui lui seront soumises.

Confiance en Malenfant

Plus tôt dans la journée, l'ex-PDG de la SAAQ Nathalie Tremblay a conclu deux jours et demi de témoignage en disant avoir eu confiance en Karl Malenfant jusqu'à son départ.

A-t-elle encore aujourd'hui confiance en son ancien employé? «Je n'ai pas le recul nécessaire pour répondre à cette question», a-t-elle expliqué à la commission.

Mme Tremblay a raconté être «tombée en bas de (s)a chaise» au lancement catastrophique de SAAQclic en février 2023, environ un an après son départ à la retraite.

«J’étais toute seule dans la cuisine avec mon conjoint et mon chien. J'ai dit: "Veux-tu bien me dire ce qui vient de se passer là?"»

«Je me faisais interpeller dans la rue par mes voisins qui me disaient: "Mon Dieu que tu dois être contente d'être partie". Et ça me faisait pleurer, parce que j'aurais tellement aimé ça aller les aider», a-t-elle relaté.

L'ancienne haute fonctionnaire s'est dite «inquiète» pour la suite des choses. «Quel leader va oser entreprendre de grands projets, alors qu'on en a tant besoin?»

Elle a fait plusieurs recommandations à la commission, notamment qu'on éclaircisse certains concepts clés, comme «le coût total d'acquisition» et «les bénéfices attendus» des projets.

«Qu'on s'entende que ça veuille dire la même chose pour tout le monde», a-t-elle lancé, en appelant toutefois le commissaire Gallant à ne surtout pas recommander dans son rapport un ajout de «contrôles».

«Quand il y a des difficultés qui se présentent, on a tendance à en rajouter, en rajouter, en rajouter», a-t-elle déploré.

Le gouvernement devrait cependant développer son expertise en matière de technologies de l'information afin de «diminuer sa vulnérabilité» face aux grandes firmes technologiques, selon elle.