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«Facile à dire»: Des doutes s'élèvent sur la motivation des télétravailleurs à revenir au bureau

«Je mettrais les gens en garde à ce sujet.»

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Si 40% de la main-d'œuvre canadienne peut travailler de la maison, cela signifie que six travailleurs sur dix n'ont pas cette chance, soulignent des experts. Si 40% de la main-d'œuvre canadienne peut travailler de la maison, cela signifie que six travailleurs sur dix n'ont pas cette chance, soulignent des experts. (Banque d'images | Envato)

Alors que de plus en plus d’entreprises rappellent leurs employés au bureau, un nouveau sondage révèle que la majorité des Canadiens interrogés préfèrent toujours travailler à domicile et que beaucoup sont prêts à s’opposer à un retour au bureau si on le leur demande.

Le sondage de l’Institut Angus Reid, publié le 28 juillet, révèle que près de trois Canadiens sur cinq (59 %) préfèrent travailler entièrement à distance (29 %) ou principalement à domicile (30 %). Cette préférence atteint 76 % chez ceux qui ont déjà travaillé à distance.

Ce texte est une traduction d'un article de CTV News

Seuls 9 % des cols blancs déclarent vouloir travailler à temps plein en personne.

Pourtant, tout le monde ne croit pas que les travailleurs iront jusqu’au bout.

«Il est facile de dire qu’on va démissionner», a affirmé Linda Duxbury, professeure de commerce à l’université Carleton, dans une interview vidéo accordée à CTVNews.ca. «Il est beaucoup plus difficile de passer à l’acte. Le marché n’est pas favorable en ce moment. »

Mme Duxbury a également averti que les employés travaillant entièrement à domicile pourraient être plus vulnérables aux futures suppressions d’emplois.

«Si votre travail ne tire jamais profit du travail en face à face ou du travail collaboratif… votre travail est assez routinier et peut être effectué par l’IA», a-t-elle dit. «Je mettrais les gens en garde à ce sujet.»

Flexibilité

L’enquête a également révélé que parmi les femmes âgées de 35 à 54 ans, celles qui sont le plus susceptibles d’élever des enfants, 37 % déclarent préférer travailler entièrement à domicile. Les femmes de moins de 55 ans sont les moins favorables au travail à temps plein en présentiel.

«(Elles vont se dire) si je fais la même chose qu’à la maison… pourquoi suis-je ici ? Et pourquoi ai-je fait le trajet ?», a expliqué Alex Gallacher, directeur général d’Engage HR, dans une interview vidéo avec CTVNews.ca.

L’enquête a également révélé que seulement 28 % des personnes qui travaillent actuellement à domicile sont prêtes à retourner au bureau sans problème si on leur demande. Un tiers d’entre elles déclarent qu’elles accepteraient, mais qu’elles commenceraient à chercher un autre emploi, tandis que 24 % déclarent qu’elles démissionneraient probablement.

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Roxanne Francis, psychothérapeute et cheffe d’entreprise, affirme que ces chiffres reflètent la réalité à laquelle sont confrontées de nombreuses mères qui travaillent.

«Les femmes continuent d’assumer une part importante des tâches ménagères», a-t-elle déclaré dans une interview vidéo accordée à CTVNews.ca. «Elles continuent d’assumer une part importante de l’éducation des enfants, de sorte que beaucoup de femmes s’inquiètent… elles vont désormais devoir payer pour la garde de leurs enfants après l’école.»

Mais Mme Duxbury a rejeté l’idée selon laquelle il est viable de rester à la maison avec ses enfants pendant les heures de travail.

«Toutes les études […] montrent qu’il est impossible de travailler efficacement et de manière productive à domicile lorsque vos enfants, en particulier les plus jeunes, sont présents», a-t-elle dit. «Les employeurs interprètent cela comme : «vous passez du temps à vous occuper de vos enfants alors que vous devriez travailler».

«Ils veulent être traités comme des êtres humains»

Selon le sondage Angus Reid, 57 % des Canadiens estiment que les télétravailleurs sont aussi productifs, voire plus productifs, que ceux qui travaillent au bureau. Parmi les personnes ayant déjà travaillé à distance, ce chiffre grimpe à 73 %.

Mais Mme Duxbury estime que l’auto-évaluation des employés ne reflète pas nécessairement la réalité.

«Bien sûr qu’ils vont dire ça», dit-elle, ajoutant que la productivité et l’efficacité ne sont pas toujours synonymes et que de nombreux employeurs ont de bonnes raisons de vouloir faire revenir leurs employés au bureau.

«Les employeurs ne font pas cela sur un coup de tête», explique Mme Duxbury.

Mais la productivité n’est pas le seul facteur.

«Les personnes qui souffrent de solitude devraient avoir la possibilité de se rendre au bureau, et celles qui se sentent bien… devraient avoir la possibilité de travailler à domicile.»
-Roxanne Francis, psychothérapeute et cheffe d’entreprise

L’enquête a également révélé que près d’un tiers (30 %) des personnes ayant travaillé à distance déclarent avoir souffert d’isolement ou de solitude. Les jeunes femmes ont signalé les taux d’isolement les plus élevés.

«Cette camaraderie… se perd quand on travaille à domicile», explique Mme Francis. 

M. Gallacher note que certains employeurs ont déjà adopté cette approche.

«Toutes les personnes que je connais qui sont vraiment satisfaites de leur employeur ont un employeur qui tient compte de leur situation personnelle», dit-il. «Ils veulent être traités comme des êtres humains.»

«Ils ne se parlent pas»

L’une des solutions les plus souvent avancées pour remédier à cette situation complexe est le travail hybride, mais Mme Duxbury a déclaré que la plupart des organisations n’ont pas fait l’effort de définir ce que cela signifie réellement.

« Il faut beaucoup de travail pour que cela fonctionne », a-t-elle expliqué. «Pour l’instant, je ne vois aucun effort de la part des deux parties.»

Elle ajoute que les employeurs et les employés doivent cesser de poser des ultimatums et commencer à négocier clairement.

«Ils ne se parlent pas, ils se parlent dans le vide», dit-elle. «Tout le monde pense avoir le monopole de la morale.»

M. Gallacher explique que les employés sont souvent prêts à faire des compromis si les entreprises expliquent clairement pourquoi c’est important.

«Je pense que les gens sont très flexibles, mais ils doivent comprendre les raisons», a-t-il souligné.

«Les êtres humains sont des créatures logiques et sociales, et je pense que s’ils voient un avantage pour l’entreprise ou pour eux-mêmes, ils l’acceptent.»

Trouver un terrain d’entente

Mme Francis estime que le télétravail peut élargir le bassin de recrutement et améliorer le bien-être des employés. 

«Ce que vous pouvez faire en tant qu'entreprise devient beaucoup plus important... cela peut avoir un impact positif sur vos revenus», a-t-elle affirmé.

Mais Mme Duxbury a mis en garde contre les politiques inégales qui peuvent créer des tensions sur le lieu de travail.

«Certaines personnes, qui ont plus de valeur et que l'employeur ne peut se permettre de perdre, sont autorisées à travailler à domicile», a-t-elle dit. «Cela crée de réels conflits au sein de leur groupe de travail.»

M. Gallacher a déclaré que la confiance repose sur des décisions spécifiques à chaque poste, et non sur des directives générales.

Mme Francis a convenu que la communication est essentielle. «Ce qui est important pour les employés, c'est de comprendre et de reconnaître que leur entreprise, leurs dirigeants [...] se soucient réellement d'eux.»

Avec des informations provenant de Charles Buckley, de CTV News

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