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États financiers: de petits syndicats «vont avoir de la misère à survivre»

Le projet de loi sur la gouvernance syndicale imposera des obligations de production d'états financiers.

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bdf4ae340007190c0b0ed892c3abf0946c93920b4b7711b1a616dbf91430d0d5.jpg Nicolas Lapierre, directeur québécois du syndicat des Métallos, affilié à la FTQ, qui s'adressait à l'assemblée annuelle de ses membres, vendredi à Laval. Photo prise le 21 novembre 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christinne Muschi (Christinne Muschi / La Presse Canadienne)

Le projet de loi sur la gouvernance syndicale imposera des obligations de production d'états financiers telles, que cela pourrait mettre en danger la capacité des petits syndicats à accomplir leur mission, estime Nicolas Lapierre, directeur québécois du syndicat des Métallos.

Le projet de loi du ministre du Travail, Jean Boulet, prévoit que les syndicats qui ont entre 50 et 199 membres devront faire compléter une «mission d'examen» de leurs états financiers et un syndicat qui a au moins 200 membres, une mission d'audit.

Selon le syndicat des Métallos, une mission d'examen peut coûter entre 5000 $ et 8000 $ et une mission d'audit, 10 000 $. 

Lors de l'assemblée annuelle du syndicat des Métallos, qui a pris fin vendredi à Laval, une des sections locales des Métallos a rapporté avoir dû débourser 16 000 $ pour des états financiers vérifiés.

Pour les plus petits syndicats, de telles sommes peuvent représenter 10 à 25 % du budget de fonctionnement, a rapporté en entrevue M. Lapierre.

«C'est certain qu'il y a des milieux de travail, à 25 %, qui vont avoir de la misère à survivre», a-t-il prévenu.

Une telle somme va donc nuire à la capacité des petits syndicats de défendre leurs membres, déposer des griefs et faire de la formation, explique-t-il.

«Puis ça, c'est les chiffres actuellement. Parce qu'on sait très bien qu'à partir du moment où les 5000, 6000, 7000 unités syndicales au Québec, tous syndicats confondus, vont cogner aux portes des firmes comptables, les prix vont exploser de façon incroyable. Ça fait que ça (le coût) va être beaucoup plus que ça», a prévenu M. Lapierre.

«C'est complètement démesuré par rapport à la capacité des syndicats de payer. Puis ça va, pour certains syndicats de 50, 60, une centaine de membres... c'est sûr que pour eux, c'est vraiment les menotter. On va les limiter dans leur champ d'action. C'est un effritement de la démocratie», a poursuivi M. Lapierre.

Il assure n'avoir rien contre le principe de présenter des états financiers vérifiés. Certains le font déjà. Et les Métallos, qui sont rattachés à un syndicat international, ont déjà un vérificateur interne.

«On va se faire menotter pour quelque chose qu'on fait déjà», s'est-il exclamé.

La FTQ, à laquelle le syndicat des Métallos est affilié, avait déjà proposé de baser les demandes d'états financiers vérifiés sur les revenus des syndicats, plutôt que sur le nombre de membres, comme c'est le cas avec les organisations sans but lucratif. M. Lapierre affirme qu'il ne serait «pas fermé à ça».

L'Ordre des CPA (comptables professionnels agréés) du Québec a affirmé qu'«il appartient aux CPA et aux cabinets de déterminer leurs honoraires et de les expliquer clairement à leur clientèle». La Presse Canadienne en a contacté deux, qui n'ont pas voulu donner d'idée de leurs honoraires, affirmant que ceux-ci varient d'une firme à l'autre.

Lia Lévesque

Lia Lévesque

Journaliste