Économie

Des fruits à 75% de rabais: les marchés publics à la rescousse de votre portefeuille

Ces commerces font compétition avec les grandes bannières grâce à des chaînes d’approvisionnement plus courtes.

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Ces commerces font compétition avec les grandes bannières grâce à des chaînes d’approvisionnement plus courtes. (Noovo Info)

Une chopine de bleuets à 0,99$, une botte de salade frisée à 1,29$. Grâce à leur modèle d’approvisionnement en circuits courts, les marchés publics permettent de réaliser des économies intéressantes sur la facture d’épicerie. Mais il faut parfois être prêt à faire des concessions sur la provenance des aliments, car circuit court ne rime pas toujours avec production locale. 

Au marché Jean-Brillant situé à Côte-des-Neiges, une chopine de 550ml de bleuets américains se vend au coût de 0,99$. Tandis que dans les épiceries de grande surface, il faut débourser autour de 4$ pour la même quantité. Selon la trésorière du marché, Nathalie Tremblay, le boycottage des produits américains lié aux menaces tarifaires de Trump forcent des producteurs américains à «vendre à perte». En effet, plusieurs consommateurs canadiens s’efforcent d’acheter exclusivement des produits locaux en soutien à l’économie canadienne secouée par la guerre commerciale avec nos voisins. La demande pour les bleuets américains serait donc plus faible, ce qui a permis au marché d’acheter le lot de bleuets de la ferme américaine à un prix étonnant. «On le sait qu’on préfère nos bleuets locaux, mais quand on a des deal comme ça, on ne peut pas passer à côté», précise Nathalie Tremblay.

Des aubaines pareilles, il n’est pas rare d’en voir dans les marchés publics, souligne Sylvain Charlebois, professeur titulaire en agroalimentaire à l’Université Dalhousie. Grâce à leurs chaînes d’approvisionnement plus directes, ces marchés réussissent parfois à offrir des prix très avantageux, par rapport aux grandes bannières d’alimentation, explique l’expert. Mais attention, ce ne sont pas tous les marchés – ni tous les produits – qui vous permettront d’économiser.

Moins d’intermédiaires, plus de flexibilité

Sylvain Charlebois souligne que les prix des marchés publics urbains varient énormément. Certains offrent des produits raffinés, tandis que d’autres ont une mission plus communautaire.  Les marchés publics ont un modèle indépendant qui fonctionne à «circuit court». C’est-à-dire qu’il y a peu d’intermédiaires entre la récolte des aliments et le moment où ils se retrouvent dans les mains des clients. «Il y a moins de maillons dans la chaîne d’approvisionnement», indique Monsieur Charlebois. Cette structure plus directe comparativement aux grandes bannières commerciales leur permet de sauter sur des offres particulières. 

Les grandes épiceries doivent respecter certaines spécificités en matière d’emballage ou de quantité. «Chaque bannière a ses propres restrictions. Toutes ces contraintes font en sorte que ça coûte plus cher de faire affaire avec ces bannières-là», explique Sylvain Charlebois. En raison de ces standards, elles rejettent parfois des produits qui peuvent être rachetés par les marchés indépendants ou les marchés publics. «Ce qu’on remarque, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui ne savent pas que ces endroits-là peuvent offrir de très bon rabais de temps en temps», affirme-t-il. 

Une aubaine controversée

Sylvain Charlebois souligne que l’aubaine du panier de bleuets à 0,99$ s’apparente à du dumping, une stratégie commerciale controversée. Le dumping survient lorsqu'une entreprise exporte un produit à un prix inférieur à son prix de vente sur le marché intérieur ou à son coût de production. L’objectif de cette stratégie peut être de liquider un surplus de stock. Elle est aussi perçue comme déloyale, puisqu’elle peut déstabiliser le marché local. « Les autres marchands voient ce prix là et doivent se donner une chance d’attirer le client. Il ne faut pas qu’il y ait trop d’écart entre les prix », déclare-t-il.

Bien que Nathalie Tremblay soit ravie d’offrir un produit de qualité à un prix réduit, elle reste consciente que l’achat de produits américains est source de débat. «L’important c’est que le client a toujours le choix. Et la provenance des produits est toujours indiquée», ajoute-t-elle. Dans l’arrondissement de Côtes-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, 15,6% de la population vit sous le seuil de la mesure du panier de consommation (MPC), un pourcentage plus élevé que la moyenne municipale, selon des données de la Ville de Montréal (2021). Nathalie Tremblay est soucieuse d’offrir des produits accessibles à la communauté locale. «On achète des grosses quantités pour avoir le meilleur prix possible», explique-t-elle.

Alice Young

Alice Young

Journaliste