Politique

CGI offrait un prix 29% plus bas que LGS pour le virage numérique de la SAAQ

L'estimation de CGI a été présentée mardi devant la commission d'enquête publique.

Mis à jour

Publié

a132a4fa70bfdec07b51cd8a5b705c436c401a5c617dc0830952cf3f85f3ec95.jpg Une enseigne de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) photographiée à Montréal le jeudi 2 octobre 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Christopher Katsarov (Christopher Katsarov | La Presse canadienne)

La firme CGI avait soumis une enveloppe avec un prix environ 135 millions $ moins élevé que le contrat remporté par ses compétiteurs LGS-IBM pour la transformation numérique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). 

Selon un document exhibé mardi matin devant la commission Gallant, CGI, qui voulait former un consortium avec l'éditeur de logiciels Oracle, avait une offre se situant autour de 323,5 millions $. 

Il s'agit d'un montant environ 29 % plus bas que la soumission de 458,4 millions $ remportée en 2017 par le groupe formé de LGS-IBM et l'éditeur allemand SAP. 

Le procureur pour la commission, Alexandre Thériault-Marois, a tenu à mettre en perspective cette comparaison. 

La proposition de CGI a été déposée avant l'étape du «dialogue compétitif» du processus de l'appel d'offres. Cette phase servait d'échanges entre la société d'État et les consortiums finalistes afin de préciser notamment les besoins et les efforts liés au projet informatique nommé CASA et comprenant la plateforme SAAQclic.

À la suite de ce «dialogue», il y a eu des «variations à la hausse ou à la baisse» dans les offres des alliances finalistes LGS-IBM-SAP et Deloitte-SAP, a indiqué Me Thériault-Marois.

Les firmes CGI et Oracle ont été disqualifiées avant cette étape du processus. La SAAQ n'a par ailleurs jamais ouvert l'enveloppe du consortium, puisque celui-ci fut écarté à un moment de l'appel d'offres où les prix des soumissionnaires demeuraient cachés.

L'estimation de CGI a été présentée mardi devant la commission d'enquête publique à la suite d'un engagement pris la semaine dernière par la multinationale de services-conseils en informatique, alors que l'un de ses anciens employés témoignait. 

Francis Mathieu, qui avait pris part à la préparation de la soumission de CGI, a avancé vendredi certains facteurs pouvant expliquer un coût plus faible que ses rivaux. Il a notamment pointé que l'entreprise montréalaise avait un «bon bassin d'experts» francophones dans la région de Québec, exigeant moins de frais de transport ou d'hébergement, par exemple. 

«Avoir des bassins de ressources sur des technologies largement répandues, ça enlève le risque de surenchère pour des profils particuliers», a soutenu M. Mathieu, ajoutant que l'entreprise comptait aussi sur des personnes connaissant bien les systèmes de la SAAQ. 

Il a également estimé que la solution d'Oracle pouvait être moins chère que celle de SAP. 

LGS-IBM ont eu recours à des ressources de l'étranger, principalement de l'Inde, pour développer SAAQclic. Ce qui a notamment entraîné des enjeux linguistiques et des besoins en traduction, a-t-on appris au cours de la commission Gallant. Une ancienne responsable chez IBM a expliqué qu'en raison du nombre limité d’employés francophones dans la province pour mener le projet informatique de la société, le consortium n'avait d'autre choix que de se tourner vers l'international. 

Après la disqualification de CGI, M. Mathieu a rencontré la SAAQ, qui l'informe des faiblesses de la soumission. L'élément qui a semblé faire «la différence» est la mainmise que souhaitait avoir CGI sur le projet. L'entreprise suggérait d'utiliser ses propres «assises de gestion éprouvées», alors que la SAAQ cherchait à être le maître d'oeuvre du développement, a mentionné M. Mathieu.

«La société considérait que notre offre les rendait vulnérables face aux fournisseurs», a-t-il affirmé. 

Un «nouveau spécialiste» facturé à 195$/h

Mardi matin, un consultant chez IBM, Philippe Lafrance-McGuire, a raconté avoir été présenté à tort comme un «nouveau spécialiste» d'une composante de SAP, au moment où il est entré en poste dans le projet CASA en janvier 2018. 

Cette affirmation provenant d'une responsable chez IBM le prend par surprise, alors qu'il ignore complètement cette composante nommée «Fiori». «Je ne savais pas du tout c'était quoi», a déclaré M. Lafrance-McGuire devant la commission. 

Le procureur Thériault-Marois lui a révélé que LGS facturait à la SAAQ un taux horaire de 195 ou 197 $ de l'heure pour ses services en janvier 2018. M. Lafrance-McGuire a répondu ne pas être surpris par cette information. Il a indiqué gagner à cette époque un salaire annuel entre 70 000 et 80 000 $, ce qui peut équivaloir à un taux horaire entre 38 et 44 $ de l'heure. 

Tout en travaillant sur le projet, M. Lafrance-McGuire a appris à utiliser la composante «Fiori» par le biais de collègues de son équipe, en plus de suivre une formation pour obtenir la certification requise auprès de SAP. 

«Après quelque mois, j'étais en mesure de tout faire le processus de A à Z», a-t-il dit. 

Selon lui, au moins une dizaine de personnes s'étaient retrouvées comme lui à devoir à la fois apprendre et travailler sur le projet. Mais à sa connaissance, il était le seul confronté à une incompatibilité entre ses responsabilités au sein de CASA, ses compétences et son expérience. 

Frédéric Lacroix-Couture

Frédéric Lacroix-Couture

Journaliste