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Un gestionnaire de projet chez IBM a témoigné lundi matin devant la commission Gallant.
Le virage numérique de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) est loin d'avoir été profitable sur le plan monétaire pour la firme IBM et sa filiale québécoise LGS, selon un représentant de l'entreprise.
Un gestionnaire de projet chez IBM, François Dupont-Champion, a témoigné lundi matin devant la commission Gallant, chargée d'enquêter sur les ratés de la transformation technologique de la SAAQ, qui comprend la plateforme SAAQclic.
Il a été interrogé sur les marges bénéficiaires dégagées par IBM et LGS, qui a été l'intégrateur pour le projet informatique de la SAAQ nommé CASA (Carrefour des solutions d’affaires).
La multinationale et sa filiale québécoise ont-elle tiré «en bout de piste» un profit avec CASA, lui a demandé la procureure de la commission, Marie-Claude Sarrazin.
Oui au regard de la marge brute, mais non sur le plan de la marge nette, a répondu M. Dupont-Champion.
«Si je comprends bien, ça ne vous a pas coûté plus cher en ressources que ce que vous avez payé parce que vous avez dégagé une marge brute. Vous avez couvert tous vos frais directs. Mais vous n'avez pas dégagé suffisamment de profits pour couvrir les autres frais de fonctionnement de l'entreprise LGS», a résumé Me Sarrazin.
«Effectivement, si on faisait tous les projets comme ça, on ferait faillite», a corroboré M. Dupont-Champion, qui a notamment travaillé dans le cadre du développement de SAAQclic.
Aucun chiffre sur les marges bénéficiaires d'IBM et de LGS associées à CASA n'a été dévoilé au cours de son témoignage.
LGS, avec l'éditeur allemand SAP, a décroché en 2017 le contrat-cadre de 458 millions $. Ce montant a depuis augmenté en raison notamment de difficultés rencontrées en cours de route. Le budget total pour le projet CASA — comprenant notamment les ressources internes de la SAAQ et le contrat-cadre — pourrait s'élever à au moins 1,1 milliard $, soit environ le double du montant initial, selon les calculs de la vérificatrice générale du Québec.
Par ailleurs, M. Dupont-Champion a tenu à «remettre en perspective» l'affirmation rapportée devant la commission d'enquête selon laquelle «la force de frappe» étrangère d'IBM pour CASA provenait principalement de l'Inde. Selon lui, cela pouvait laisser entendre que l'ensemble des équipes du consortium oeuvrait de ce pays.
«On avait plus de 45 corps de métiers différents sur le projet. Pour deux ou trois de ces corps de métiers, on a fait appel à de l'expertise de l'étranger, notamment en Inde et au Vietnam», a voulu préciser M. Dupont-Champion.
Ces employés de l'étranger, représentant «moins de 40% des ressources», ont principalement travaillé sur du développement d'interfaces et du développement web pour le portail SAAQclic. Le reste du travail a été majoritairement effectué au Québec ou au Canada, a-t-il soutenu.
À trois jours du lancement de SAAQclic, un rapport confirmait qu'il restait de nombreuses anomalies à régler. C'est ce qui a été montré lors du témoignage d'une collègue de M. Dupont-Champion chez IBM, Brigitte Bracken, lundi après-midi.
Mme Bracken a d'abord travaillé comme architecte informatique sur le projet avant de quitter en 2022. Elle est revenue sur CASA en janvier de 2023 pour remplacer un collègue. Elle est alors mandatée pour mettre en place des ateliers dans le but de régler les problèmes avant le déploiement de la plateforme.
Mme Bracken menait alors des tests de performance et de charge afin de vérifier les temps de réponse des fonctionnalités de chacun des services. Le 17 février 2023, elle a remis au bureau de projet de CASA un rapport dans lequel il est question d'un nombre restant de 80 anomalies.
«Si on avait pris la priorité de mettre ces correctifs en place plutôt que d'autres éléments qui arrivaient, on aurait eu une solution un peu plus robuste», a affirmé Mme Bracken.
Elle ignore si ce rapport a été déposé auprès du vice-président aux technologies de l'information de la SAAQ de l'époque, Karl Malenfant.
Au moment où ces essais de performance sont réalisés, la date de la mise en service de SAAQclic est arrêtée au 20 février 2023. Selon Mme Bracken, il est inhabituel d'aller vers une mise en production alors qu'il reste ce type de tests à compléter.
«La réalité, c'était qu'on n'était pas prêt. Il ne faut jamais sous-estimer les essais, a-t-elle soutenu. Typiquement, on met de quatre à six semaines de fin de tests avant la mise en production. Quand on essaie d’escamoter, ça coûte dix fois plus cher après pour corriger le problème.»
Les audiences publiques de la commission Gallant doivent se poursuivre mardi avec d'autres représentants de LGS.