Arash Ghaderi ne peut oublier le moment où sa femme l'a réveillé en larmes pour lui annoncer qu'une guerre venait d'éclater.
Ghaderi, un doctorant de 35 ans à l'université d'Alberta, et sa femme se sont rendus le mois dernier en Iran pour rendre visite à leur famille. Le couple était encore sur place lorsque le conflit entre Israël et l'Iran a éclaté le 13 juin.
«Le tout premier jour de la guerre, nous avons entendu des bombardements et des avions voler à basse altitude. C'était terrifiant», a-t-il déclaré lors d'une entrevue.
«Les membres de la famille de ma femme, ses nièces et neveux, étaient là et ils pleuraient... Le bruit était horrible», a-t-il dit à propos de leur expérience à Zanjan, une ville située à environ 300 kilomètres au nord-ouest de Téhéran.
«J'ai fait de mon mieux pour me contrôler et calmer ma femme, mais dans mon cœur, j'étais sous le choc et je me sentais très mal. J'avais envie de vomir.»
M. Ghaderi fait partie des nombreux Iraniens vivant au Canada qui ont été touchés par la guerre qui a éclaté lorsque Israël a attaqué des installations nucléaires iraniennes et des hauts responsables militaires, et que l'Iran a riposté par ses propres frappes. Un cessez-le-feu a été annoncé mardi, après que les États-Unis ont lancé des frappes contre des installations nucléaires clés en Iran.
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Au début de la semaine, Téhéran a affirmé que 606 personnes avaient été tuées en Iran dans le conflit, et que 5332 personnes avaient été blessées. Au moins 28 personnes ont été tuées en Israël et plus de 1 000 ont été blessées, selon les autorités de ce pays.
Ottawa a exhorté les Canadiens se trouvant en Iran à quitter le pays s'ils peuvent le faire en toute sécurité, soulignant que sa capacité à fournir des services consulaires dans ce pays est «extrêmement limitée».
M. Ghaderi a indiqué que lui et sa femme avaient décidé de quitter l'Iran par une frontière terrestre après l'annulation de tous les vols au début du conflit. Ils ont voyagé sept heures dans une camionnette avant de passer en Turquie. Tous les vols intérieurs en Turquie étaient complets depuis plusieurs jours, ils ont donc dû prendre plusieurs bus entre différentes villes turques pendant environ 28 heures pour atteindre Istanbul.
«Je ne sentais plus mes jambes», a-t-il indiqué à propos de ce long voyage.
M. Ghaderi et sa femme ont finalement pris un vol pour Edmonton depuis Istanbul via Paris et Toronto, où ils ont atterri le 23 juin.
«D'un côté, j'étais heureux pendant le voyage, car au moins ma femme et moi étions en sécurité, a-t-il expliqué. Mais d'un autre côté, je me sentais très mal, car mon petit frère est toujours en Iran, tout comme mes parents.»
Sara Shani, présidente de l'Association des étudiants iraniens de l'Université de l'Alberta, a exprimé qu'elle savait qu'environ 15 étudiants de l'université étaient bloqués en Iran alors qu'ils rendaient visite à leur famille.
«Ils sont bloqués chez eux et... depuis le cessez-le-feu, les vols ont techniquement repris, mais ils sont encore très limités.»
Mme Shani a ajouté que certains des quelque 500 étudiants iraniens de l'université sont déjà confrontés à des difficultés financières, car leurs familles restées au pays ne peuvent pas les soutenir, soit parce qu'elles ont perdu leurs revenus et leurs biens pendant le conflit, soit parce qu'elles ne peuvent pas transférer d'argent au Canada.
«Lorsque l'internet a été en quelque sorte coupé en Iran... il est devenu extrêmement difficile pour les familles d'envoyer de l'argent, et en plus de cela, de nombreuses entreprises ont été fermées pendant la guerre», a-t-elle soutenu.
«Certaines ont même été détruites par les frappes aériennes israéliennes... l'économie iranienne est désormais plus faible qu'auparavant.»
Shani a dit avoir eu des difficultés à contacter sa propre famille en Iran pendant la guerre.
«Beaucoup d'entre nous ne savaient pas si nos familles étaient en sécurité», a-t-elle expliqué.
L'Iran est une source importante d'étudiants internationaux au Canada. Selon les données du gouvernement, plus de 8 000 permis d'études ont été accordés à des étudiants de ce pays en 2023.
«La plupart des étudiants iraniens au Canada ont quitté leur pays récemment pour venir étudier ici, donc nos liens avec l'Iran sont encore très forts», explique Shani, qui est arrivée au Canada en 2023 pour poursuivre des études de maîtrise en informatique.
«Nos familles sont restées là-bas et je pense que, sur le plan émotionnel, nous sommes toujours en Iran.»
La communauté a également des sentiments mitigés concernant les frappes contre les dirigeants du Corps des gardiens de la révolution islamique, qui «continue d'être une source d'oppression pour les Iraniens tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran», a lancé Ali Nejati, président de l'Association des étudiants iraniens du Humber College à Toronto.
«Beaucoup d'entre nous ressentent un soulagement face à l'affaiblissement d'un bras armé aussi violent du régime. Nous espérions que justice soit rendue dans un tribunal, que l'étendue de leurs crimes soit révélée et qu'ils soient tenus responsables par les voies juridiques internationales», a-t-il écrit dans un communiqué.
«Nous reconnaissons également que la guerre n'est jamais une solution souhaitable. Beaucoup de nos membres s'inquiètent des conséquences d'une nouvelle escalade.»

