Le premier ministre Mark Carney a quitté Washington mercredi matin sans aucun accord en vue pour la levée des droits de douane américains sur les produits canadiens. Il a toutefois laissé derrière lui son ministre clé responsable du dossier commercial pour continuer à défendre la cause canadienne.
Le président américain, Donald Trump, a fait l'éloge de M. Carney lors d'une réunion dans le Bureau ovale mardi et a déclaré que le premier ministre repartirait «très heureux».
Il n'a toutefois montré aucun signe de relâchement sur la question des droits de douane, et aucun accord n'a été annoncé.
Un communiqué du cabinet du premier ministre publié mercredi indique que «le premier ministre et le président ont salué les progrès accomplis jusqu'ici dans l'établissement d'une nouvelle relation économique et de sécurité entre leurs nations», et que «les dirigeants ont également discuté des possibilités de coopération en matière de défense et ont souligné leurs efforts communs pour renforcer la sécurité dans l'Arctique».
Il ajoute que «les dirigeants ont cerné des possibilités de réaliser des progrès concrets en matière de commerce dans les secteurs de l'acier, de l'aluminium et de l'énergie, et ont demandé à leurs équipes d'achever ce travail dans les semaines à venir».
Avant de quitter Washington, M. Carney a pris un petit-déjeuner de travail avec Joshua Bolten, président-directeur général de la Business Roundtable, tandis que la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a rencontré le secrétaire d'État américain, Marco Rubio.
Christopher Sands, directeur du Centre d'études canadiennes de l'Université Johns Hopkins, a dit espérer que l'administration Trump signalerait clairement qu'elle prend au sérieux les efforts d'Ottawa.
Pour apaiser le président américain, M. Carney a abandonné plusieurs des droits de douane imposés en représailles par Ottawa, suspendu la taxe canadienne sur les services numériques, présenté une loi sur la sécurité frontalière et pris des mesures pour accroître les dépenses de défense.
«Un accord a été reconnu comme étant en discussion, Trump ayant affirmé vouloir un accord. Donc, une bonne réunion, a indiqué M. Sands dans un texto. Je ne suis pas certain que le geste américain ait été là – Trump dirait probablement que la rencontre était le geste – mais il y a de la place pour cela.
«On a un momentum»
Le ministre du Commerce Canada–États-Unis, Dominic LeBlanc, reste à Washington. Lors d'une conférence de presse qui a suivi la réunion de mardi, il a déclaré aux journalistes que des progrès «substantiels» avaient été réalisés cette semaine dans les négociations avec la Maison-Blanche.
M. LeBlanc a indiqué que les deux parties avaient «discuté de l'importance d'arriver à une entente bientôt, vite, sur l'acier, l'aluminium et des questions énergétiques».
«Je suis heureux et content, car je pense qu'on a un momentum qu'on n’avait pas quand on s'est réveillé ce matin», a-t-il dit, avant d'ajouter que le travail n'est pas «terminé», la priorité étant donnée aux secteurs de l'acier et de l'aluminium, afin de structurer un accord qui servirait les intérêts économiques et sécuritaires des deux pays.
Cette rencontre a démontré le respect de Donald Trump pour Mark Carney, a affirmé Eric Miller, président de Rideau Potomac Strategy Group, un cabinet de conseil transfrontalier spécialisé dans le commerce, les chaînes d'approvisionnement et les affaires gouvernementales.
«C'est important dans l'univers Trump, a analysé M. Miller. Il ne veut pas traiter avec quelqu'un qu'il ne respecte pas.»
Donald Trump a augmenté les droits de douane sur le Canada à 35 % en août, mais ces droits ne s'appliquent pas aux marchandises conformes à l'Accord Canada-États-Unis-Mexique sur le commerce, plus connu sous le nom d'ACEUM.
Les industries canadiennes sont également durement touchées par les droits de douane imposés par le président américain sur l'acier, l'aluminium, l'automobile et le cuivre. Des taxes supplémentaires devraient frapper le bois d'œuvre plus tard ce mois-ci.
Les commentaires de M. Trump dans le Bureau ovale ont témoigné d'une ouverture à l'égard de ces droits de douane sectoriels, a estimé M. Miller. Cela montre que le président a reconnu les efforts de M. Carney, a-t-il ajouté.
«Cela me dit que, fondamentalement, la stratégie (…) a été considérablement efficace, a-t-il dit. Parce que cela signifie que nous sommes dans une position où il y a une perspective d'accord (…) et non dans un espace où les deux parties se parlent sans vraiment s'entendre.»
Le président américain a déclaré mardi que le Canada et les États-Unis «travaillent sur des formules et je pense que nous y parviendrons».
Eric Miller a soutenu qu'il était peu probable que l'administration Trump abandonne complètement les droits de douane et que les commentaires du locataire de la Maison-Blanche laissent penser qu'il envisage un quota de droits de douane.
Selon M. Miller, si Mark Carney et son équipe parvenaient à obtenir une forme d'allégement des droits de douane, cela contribuerait à le protéger des accusations de maladresse dans le dossier commercial. Le premier ministre a passé la campagne électorale du printemps à se présenter comme le meilleur dirigeant pour gérer la guerre commerciale de Donald Trump.
Cela renforcerait également la confiance dans les perspectives de conclusion d'un accord plus large avec les États-Unis avant la révision de l'ACEUM l'année prochaine, a ajouté M. Miller.
«Je pense que Mark Carney compte, pour être tout à fait franc, sur le fait que les gens ne se soucieront pas de la manière dont l'accord a été conclu, tant qu'il y aura un bon accord au final», a-t-il confié.
