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Des experts se sont penchés sur la question.
Carlo Tarini - un résident de Saint-Lambert avait prévu de partir en vacances à New York, mais ses plans ont changé depuis la saga des tarifs.
«Nous avons décidé qu'il serait beaucoup plus intéressant d'aller quelque part où nous sommes désirés et appréciés en tant que Canadiens», a confié l'habitant de la Rive-Sud.
Ce texte est une traduction d'un article de CTV News.
Son fils et lui iront probablement aux Bahamas et il a lancé un appel sur les réseaux sociaux pour boycotter les produits et services américains et promouvoir les produits et services canadiens, comme c'est souvent le cas au nord de la frontière.
En plus de se priver des oranges de Floride, M. Tarini demande aux résidents de choisir des croustilles de la marque québécoise Yum Yum plutôt que des Pringles ou des Doritos dans le cadre du boycottage des chips du Super Bowl.
«Évidemment, nous ne voulons pas devenir le 51e État dont rêve Donald Trump et nous allons travailler économiquement, voter avec nos dollars et nos cents et, espérons-le, apporter des changements qui rendront ce pays plus fort», a-t-il lancé.
Le Québécois a publié une liste d'articles sur les réseaux sociaux et cherche à lancer une discussion sur les produits à éviter et à soutenir.
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Jacques Nantel, professeur de commerce au HEC Montréal, a expliqué que les exportations américaines vers le Canada représentent 2 % de l'économie américaine, tandis que les exportations canadiennes vers le sud représentent 20 % de l'économie canadienne.
«Si l'objectif d'un tel boycottage était de nuire à l'économie américaine, il ne faut pas compter là-dessus», a-t-il soutenu. «Cela ne signifie pas pour autant qu'il est inutile, car si l'objectif est essentiellement de récupérer une partie de notre propre économie, il peut faire la différence.»
Selon M. Nantel, le fait de se tourner vers les entreprises locales les activités qui se déroulent au sud de la frontière permettrait d'accroître les activités canadiennes de plusieurs milliards de dollars.
«Donc, si l'objectif est essentiellement de retrouver une compréhension de ce qu'est notre pays, et le fait que nous pouvons être très rentables, tout simplement en achetant nos propres produits, cela serait suffisant pour un boycottage.»
En outre, M. Nantel a avancé qu'un boycottage aurait un effet symbolique important, mais qu'il ne serait pas viable à long terme.
«Pour être honnête avec vous, c'est totalement insoutenable pour les deux économies», a-t-il lancé. «Il suffit de regarder l'industrie automobile. L'ensemble du secteur est tellement enchevêtré que si demain vous imposez des droits de douane de 25 % de part et d'autre, tout s'arrête. C'est à peu près la même chose pour l'énergie... Essentiellement, c'est totalement insoutenable, surtout dans un pays où le président qui vient d'être élu, il y a quelques mois, a promis de réduire les taux d'inflation. Je ne pense pas que ce soit viable.»
Barry Eidlin, professeur à l'Université McGill, étudie les mouvements syndicaux et sociaux et affirme que l'appel au boycottage est une réaction assez courante lorsque les gens sont moralement indignés.
Il cite les appels au boycottage d'Amazon et de Meta comme exemples de grands appels qui n'ont eu qu'un effet limité.
«Pour la plupart, ces appels finissent par être assez limités dans leur capacité à faire quelque chose», a-t-il déclaré. «Tout d'abord, ils manquent d'organisation, si bien qu'une fois l'indignation initiale dissipée, il est très difficile de les maintenir.»
Selon M. Eidlin, pour qu'un boycottage soit efficace, il faut qu'il soit organisé et qu'il ait un effet sur la réputation plutôt que sur les résultats.
«Même les boycottages réussis le sont rarement de la manière que les gens pensent qu'ils le sont. En réalité, c'est davantage le coût du boycottage en termes de réputation qui exerce une pression sur la cible du boycottage et qui l'incite à changer de cap que le résultat littéral en termes de dollars.»
Selon lui, la grande majorité des boycottages sont similaires à ceux évoqués par Tarini.
«Dans ces cas-là, il s'agit davantage d'une expression symbolique de vos propres valeurs et de leur différence avec l'entité que vous prétendez boycotter», a ajouté M. Eidlin.
Selon lui, les boycottages qui impliquent des organisations les soutenant par des demandes claires ciblant quelque chose de vulnérable peuvent être efficaces.
Par exemple, le boycottage des bus de Montgomery en 1955 ou le boycottage de l'apartheid en Afrique du Sud ont été soutenus par des groupes organisés ou des gouvernements qui se sont attaqués à des cibles vulnérables.
«Il peut s'agir d'une tactique efficace, mais elle est très spécifique au contexte et dépend vraiment du niveau d'organisation, car l'indignation initiale ne dure qu'un temps. Pour obtenir un changement significatif et durable, il faut quelque chose pour soutenir cette énergie.»
L'économie mise à part, M. Nantel s'inquiète des autres effets de l'éventuelle guerre tarifaire.
«C'est en effet complètement fou», a déploré M. Nantel. «Mais le fait est qu'il y a des gens qui seront lésés. Je suis désolé, parce que, vous savez, on peut considérer l'ensemble comme un jeu d'échecs, mais le fait est que des gens seront blessés.»