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Voici les défis et obstacles auxquels Laurence Roy est confrontée.
«Dans ma tête, je me dis que c’est la moindre des choses.»
Touchée par les histoires récentes d’abandon d’enfant à Longueuil, une mère de famille de Candiac a décidé de prendre les choses en main afin que des «boîtes à bébé» fassent leur apparition au Québec.
Laurence Roy, mère de trois enfants, croit qu’il faut agir en tant que société afin de protéger les bébés.
«En tant qu’humain en général, quand on veut faire du bien autour de soi, les enfants, ce sont parmi les premiers qui nous interpellent», a-t-elle partagé en entrevue avec Noovo Info, soulignant que c’est justement le «côté humain» de ses abandons d’enfants qui la motive à vouloir en faire plus.
Laurence Roy souhaite qu’un maximum de villes au Québec accepte de soutenir un projet de «boîte à bébé» sur leur territoire. Elle amorcera sa croisade avec les villes de Longueuil et Brossard. Elle espère obtenir un premier «oui» qui fera ensuite boule de neige.
«Mon but c’est d’aider les bébés et d’éviter que des situations du genre ne se reproduisent de manière tragique. Si on peut trouver une façon sécuritaire et anonyme pour ne plus qu’il y ait d’excuses.»
Pour ce faire, elle a entamé des démarches avec l’équipe de Gems for Gems, un organisme albertain qui a soutenu des projets de «boîte à bébé» grâce à l’initiative Hope's Cradle, ou «berceau de l’espoir» en français.
«Nous appelons [nos boîtes à bébé] "berceaux de l’espoir" parce que nous voulons montrer aux mères qu'elles placent leurs bébés dans un endroit sûr et merveilleux qui aidera à la fois elles et le bébé», a expliqué à Noovo Info Jordan Guildford., fondatrice de Gems for Gems.
C’est l’histoire d’un bébé abandonné la veille de Noël en 2017 à Calgary qui a mené Gems for Gems sur la route du Service incendie de Strathmore qui cherchait aussi de son côté une solution à l’abandon des bébés sur son territoire.
Ensemble, ils ont mis sur pied Hope’s Cradle et un premier «berceau de l’espoir» a été installé à la caserne de pompier de Strathmore en 2021, une première au Canada.
Aujourd’hui, un «berceau de l’espoir» est aussi accessible au Children's Cottage Society de Calgary ainsi que dans un local du service incendie de Landmark au Manitoba et à la caserne de Clarington en Ontario.
Le local qui accueille un «berceau de l’espoir» est doté évidemment d’un berceau, mais aussi d’une enveloppe destinée à la mère et contenant une liste de différentes ressources d’aide pour le bien-être physique et mental.
Une fois l’enfant déposé dans le «berceau de l’espoir» et la porte fermée, elle ne pourra plus être rouverte.
Après un décompte de deux minutes, une alarme silencieuse alertera une personne-ressource, formée aux premiers secours, qui ira récupérer le bébé. Ce dernier sera transporté à l’hôpital puis confié aux autorités compétentes.
Au Canada, l’abandon sécurisé d’un enfant suit le même processus que celui d’un enfant donné en adoption, la mère, le père ou le tuteur dispose donc de 30 jours pour récupérer le bébé après son abandon dans un «berceau de l’espoir», à condition que le bébé soit en parfaite santé.
Le coût d’une «boîte à bébé» est d’environ 25 000$. Une somme qui peut facilement figurer au budget d’une ville ou qui peut facilement être récoltée via des collectes de fonds, estime Laurence Roy.
La seule exigence pour qu’un «Berceau de l’espoir» fonctionne, c’est qu’il soit installé dans un endroit habité 24 heures sur 24 h et 7 jours sur 7. Une caserne de pompiers est un bon exemple des endroits préconisés par Gems for Gems.
Selon Jordan Guildford, les installations des «berceaux de l’espoir» répondent à toutes les exigences légales pour un «abandon» sécuritaire selon la loi canadienne.
«Si le bébé n'est pas blessé, il n'y a pas de crime. Ainsi, la mère peut quitter ce chapitre de sa vie et, espérons-le, en commencer un nouveau en sachant que même si elle ne pouvait pas protéger son bébé seule, elle a choisi une option qui le fera», a commenté Mme Guildford.
Au Canada, l'abandon d'un enfant de moins de 10 ans est donc une infraction criminelle si l'action met sa vie ou sa santé en danger.
Abandon d’un enfant
« 218 Quiconque illicitement abandonne ou expose un enfant de moins de dix ans, de manière que la vie de cet enfant soit effectivement mise en danger ou exposée à l’être, ou que sa santé soit effectivement compromise de façon permanente ou exposée à l’être est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.»
Source : Le système de justice du Canada | Code criminel
Au Québec, l’abandon d’enfant est également abordé dans la Loi sur la protection de la jeunesse, ce qui permet à la DPJ d’intervenir dans des cas précis.
Les «boîtes à bébé» – qui sont présentes aussi aux États-Unis et en Europe notamment – ne fait pas l’unanimité partout.
Interrogé par Noovo Info sur la possibilité d’avoir des «boîtes à bébé» au Québec, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a fait savoir que «ces situations impliquant des nouveau-nés sont tragiques et que toutes les actions doivent être mises en place pour les éviter», mais qu’il jugeait que les «boîtes à bébé ne permettent pas aux femmes de recevoir l’aide dont elles ont besoin après l’accouchement».
«Les boîtes à bébé peuvent également priver un enfant de son droit de connaître son histoire, ses racines et son identité.»
Le MSSS encourage plutôt les personnes enceintes à se présenter à l’hôpital pour un accouchement ou un suivi de grossesse, «sans hésitation».
«Des services sont disponibles partout au Québec pour accompagner les parents, à toutes les étapes de la grossesse […] Des services existent également pour aider les parents à prendre du recul, avoir du répit, du soutien et des conseils. Il ne faut jamais hésiter à demander de l’aide, même dans des situations où on se sent isolé et découragé», a fait savoir le ministère de la Santé et des Services sociaux.
À VOIR ÉGALEMENT : Bébé abandonné à Longueuil: un manque de ressources pour les femmes enceintes?
À ceux et celles qui croient que les «boîtes à bébé» encouragent l’abandon, Jordan Guildford réplique qu’elles encouragent la prise en charge sécuritaire des poupons.
«Ce qu'on espère, c'est que les bébés qui ne sont pas retrouvés soient placés dans les berceaux. Donc oui, les statistiques vont augmenter, mais seulement parce qu'il y a beaucoup de bébés qui meurent d'abandons dangereux sans jamais être retrouvés», a-t-elle affirmé à Noovo Info.
Mme Guildford espère que des communautés du Québec «feront ce qu’il faut» pour qu’un «berceau de l’espoir» voir le jour dans leur région.
«En fin de compte, c'est un quand, pas un si, le prochain bébé est retrouvé. Nous savons mieux, faisons mieux», a-t-elle conclu.
Si vous êtes enceintes et avez besoin d’aide :
- Rendez-vous à l’hôpital le plus près;
- Contactez la DPJ;
- Contactez le CLSC de votre quartier;
- Demandez de l’aide à votre famille ou des amis(es);
- Allez vers des organismes communautaires d'aide à la famille;
- Grossesse secours;
- Si vous êtes en situation d'urgence, faites le 9-1-1.
Selon le bilan des Directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ), l’abandon de nouveau-né «dans la nature» est très rare alors que les situations d’abandon représentent 0,8% des suivis en 2024-2025, une donnée qui inclut l’abandon au sens large, c’est-à-dire tous les groupes d’âge.
De façon plus précise, il y a eu 368 enfants abandonnés en 2024-2025 au Québec, dont 117 jeunes de 16 et 17 ans, 115 jeunes âgés de 6 à 12 ans, 92 ados âgés de 13 à 15 ans et 44 bambins de 5 ans et moins.
Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, les formes d’abandon les plus fréquentes sont généralement le délaissement à l’hôpital après l’accouchement ou le fait de confier un enfant à des proches ou à une garderie dans l’intention de ne pas en reprendre la garde.
En 2024-2025, la DPJ note l’adoption de 250 enfants québécois.
Le Québec a récemment été ébranlé le 6 octobre dernier alors que des résidents de la rue Bourgeoys à Longueuil ont eu la surprise de retrouver un bébé naissant au pas de leur porte. Une personne – toujours recherchée par la police – aurait sonné à la porte, puis laissé l’enfant avant de prendre la fuite. Le bébé a été pris en charge par les autorités concernées et se portait alors bien. Le lendemain des événements, le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) publiait une vidéo d’une personne d’intérêt.
Dans les semaines suivantes, un second abandon d’enfant fait les manchettes : le 27 octobre, un bébé naissant est retrouvé dans un abri d’autobus du Vieux-Longueuil. Les services d’urgence sont intervenus rapidement, toutefois le bébé a été déclaré mort. Une femme de 33 ans a été arrêtée par le SPAL.
Au moment d’écrire ses lignes, la femme n’avait toujours pas comparu en raison de son état de santé. Elle pourrait potentiellement faire face à une accusation d’infanticide.