Un organisme communautaire de Saint-Hyacinthe dédié à aider les gens de la communauté LGBTQ+ en Montérégie s’est vu usurper son image par des malfaiteurs qui font miroiter une vie meilleure à des personnes issues de la communauté persécutées en Afrique.
C’est en juin dernier que le directeur général du JAG, Dominique Théberge, a été alerté de la situation.
«Ça commence avec une personne d’Afrique qui nous a contactés pour nous demander des renseignements […], il voulait savoir si c’était légitime», a-t-il expliqué à Noovo Info. «Nous avons découvert que ce ne l'était pas»

En fouillant, Dominique Théberge et son équipe ont découvert que le Refuge LGBTQ+ plus utilisait frauduleusement l’adresse du JAG sur son site Web et sa page Facebook, soit le 1195, rue Saint-Antoine, bureau 305, à Saint-Hyacinthe.
«C’est nous, c’est exactement notre local. C’est notre adresse qui est utilisée pour faire de la fraude.»
Noovo Info a fait des vérifications auprès de la Ville de Saint-Hyacinthe qui a confirmé par courriel que «le 1195 Saint-Antoine, soit le Carrefour des Groupes populaires, héberge de très nombreux organismes, mais aucunement le Refuge LGBTQ+».
Sur le site web du Refuge LGBTQ+, l’organisation affiche aussi le logo de «partenaires». On peut y voir celui du JAG, mais aussi ceux du gouvernement du Canada, d’Air Canada et des Nations Unies.

Une photo trafiquée
En visitant la page Facebooke du Refuge LGBTQ+, Dominique Théberge a eu la surprise de découvrir une photo où il apparait en compagnie notamment du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant.
Sur la photo, on peut voir aussi une bannière qui affiche notamment le logo du Refuge LGBTQ+ et celui de la Corporation de développement communautaire (CDC) Marguerite-D’Youville.
«La photo provient d’une rencontre dans nos locaux de Longueuil avec le ministre Carmant le 27 octobre 202.», déplore M. Théberge. «Refuge LGBTQ+ a trafiqué notre photo et utilise notre adresse sur le site Internet.»
Le ministre n'a jamais rencontré le Refuge LGBTQ+, a pour sa part fait savoir l'équipe du cabinet du ministre Lionel Carmant à Noovo Info.
Contactée par Noovo Info, la CDC de Marguerite-D’Youville affirme aussi qu’il s’agit d’une photo modifiée.
«Pour la photo où apparait notre logo, nous pouvons confirmer qu’elle a été modifiée au niveau de la bannière», a indiqué Marie-Christine Dion, agente de liaison. «Le logo original est celui du JAG, organisme LGBTQ+ membre chez nous et tout à fait légitime. [...] Nous ne connaissons pas du tout cet organisme, Refuge LGBTQ+, et il n’est pas membre de notre Corporation.»
Difficile d’avoir de l’aide
Dominique Théberge a contacté la Sûreté du Québec (SQ) dans les derniers mois pour porter plainte. Il a toutefois été redirigé vers la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Non sans complication, Dominique Théberge a fini par remplir un formulaire sur le site web de la GRC pour tenter de dénoncer la situation et faire cesser la fraude. À ce jour, il n’a pas reçu de nouvelles de sa plainte.
«Rendu-là, je ne sais plus quoi faire», a confié à Noovo Info M. Théberge qui juge la situation très complexe.
«Il n’y a pas de vols de fait à nous, ou à n’importe quels Canadiens, c’est en Afrique, mais c’est mon image qui est utilisée», a-t-il expliqué.
Noovo Info a tenté d’obtenir des renseignements auprès de la GRC à savoir si les autorités concernées avaient reçu des plaintes concernant le Refuge LGBTQ+. «La GRC ne confirme ni n’infirme ses enquêtes en cours», a-t-on répondu.
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Une fraude bien ficelée
Le Refuge LGBTQ+ se présente sur son site web – comme sa page Facebook et sa page Instagram – comme un organisme non gouvernemental (ONG) qui «se consacre à l'exfiltration et à la réinstallation sécurisée des personnes LGBTQ+ fuyant les persécutions, principalement en Afrique francophone».
Au premier coup d’œil, le site Web du Refuge LBGTQ, sa page Facebook et sa page Instagram ont l’air tout à fait légaux et même crédibles.
C’est en s’attardant à quelques détails qu’on découvre ce qui semble être une supercherie. Pour plusieurs, de l’autre côté de l’océan, il est trop tard.
«J’ai reçu beaucoup de messages de gens du Sénégal, du Cameroun, etc», énumère Dominique Théberge. «Tous les messages sont plus tristes les uns que les autres parce qu’ils ont tout perdu, ils leur restent très peu d’argent et ils envoient cet argent à cet organisme-là.»
Selon le DG de JAG, «il faut qu’on fasse de quoi, il y a des victimes, personne n’agit, le Canada s’en lave les mains».

En épluchant des messages transmis au JAG par des personnes qui semblent être des victimes du Refuge LGBTQ+, il semble que les fraudeurs réclament au moins deux montants d’argent à leurs victimes soit un pour «les frais de traitement de dossier» et l’autre «pour l’achat d’un billet d’avion».
Le Refuge LGBTQ+ va jusqu’à délivrer des reçus.
Ensuite, silence radio.
«C’est de profiter de la misère du monde», lâche Dominique Théberge. «Depuis que USAID a quitté l’Afrique [l'administration Trump a mis fin au budget de USAID], la situation en Afrique a [dégénéré] de façon accélérée. Dans les pays où ça allait un peu mieux, depuis deux ans ça ne va vraiment pas bien.»

D’autres usurpations d’identité
Dominique Théberge n’est pas le seul intervenant du milieu LGBTQ+ a avoir vu son nom et son image utilisés sans autorisation par les gens derrière le Refuge LGBTQ+.
Victoria F. Legault, directrice générale chez Aide aux Trans du Québec, a récemment dénoncé l’organisation via les réseaux sociaux.
«Cette prétendue ONG utilise ma photo et celles d’autres personnes du milieu communautaire LGBTQ+ au Québec, en laissant croire que nous lui serions associés, ce qui est faux», a-t-elle écrit notamment sur LinkedIn.
Mme F. Legault précise dans son message qu’elle a été contactée personnellement par une personne queer «persécutée dans son pays, qui cherchait désespérément à obtenir l’asile ailleurs».
«Elle m’a raconté avoir eu recours à cette organisation, qui lui aurait promis de l’aider à se relocaliser. Malheureusement, il s’agissait d’une arnaque: elle a été fraudée de plus de 500 €», a-t-elle mis les gens en garde.

Mme Legault ajoute avoir été «profondément secouée par ce témoignage».
«Et je déplore que certains exploitent ainsi la détresse de personnes déjà extrêmement vulnérables. Depuis, d’autres messages reçus m’ont confirmé que ce cas est loin d’être isolé», a-t-elle écrit.
Victoria Legault indique dans son message que «des démarches sont en cours pour tenter de mettre fin à cette situation».
Noovo Info a tenté de joindre les gens derrière le Refuge LGBTQ+ : le numéro de téléphone ne fonctionne pas et personne n’a répondu à notre demande d’information par courriel.

