Jetez-vous les aliments lorsqu’ils atteignent la date «meilleur avant»? Certains épiciers récidivistes n’ont pas hésité à réemballer de la viande «passée date» à l’insu des consommateurs. La journaliste de Noovo Info Véronique Dubé a obtenu des rapports qui démontrent que ces commerçants ont carrément apposé de nouvelles étiquettes trompeuses.
L’Intermarché Palumbo sur la rue Chabanel à Montréal est un des épiciers qui a récidivé plusieurs fois en matière d'insalubrité dans les dernières années. On sait déjà que le commerce a reçu une amende de 3500 $ l’an dernier pour malpropreté des lieux. Couteaux couverts de saleté, viande séchée et décolorée au fond d’un hachoir avec de la viande fraîche…
Dans le cadre d'une enquête sur l'insalubrité chez certains épiciers, marchés et dépanneurs, Noovo Info a découvert des fruits et légumes pourris chez cette succursale Palumbo juste à côté de l’équipement d’emballage au fond de l’établissement de l’ouest d’Ahunstic lors d’une visite à l’été 2025. À l’Intermarché Palumbo sur la rue Des Ormeaux à Montréal, des inspecteurs du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) ont, entre autres, retiré des poulets des tablettes de ce commerce de Mercier-Est.
Mais plus encore: en 2021, on avait procédé au réemballage de viande périmée. Les inspecteurs ont retrouvé les étiquettes d’origine dans les poubelles, sur lesquelles on indiquait que le poulet devait être consommé avant le 20 mars. La date de péremption des nouvelles étiquettes: le 22 mars.
«C’est illégal pour les fabricants, les producteurs et les détaillants de modifier les dates de "meilleur avant", surtout si ça a pour effet de rendre l’information de l’étiquette fausse ou trompeuse pour le consommateur et […] si c’est un aliment non salubre», a commenté la porte-parole du MAPAQ, Marie-Ève Rousseau, en entrevue avec Noovo Info.
«On est dans un contexte de fraude.»
Voici la localisation de commerces qui ont commis des infractions reliées à de l'insalubrité depuis 2021 à Montréal. (Cliquez ici si vous avez du mal à visualiser la carte)
Dans les Euromarchés Saint-Michel et Fleury, il y a eu plusieurs infractions dans les dernières années. Le propriétaire des établissements, en affaires depuis 45 ans, a dit à Noovo Info qu’il trouve la loi beaucoup trop stricte en la matière*.
L’Euromarché Saint-Michel, a été la cible, comme à l’Intermarché Palumbo, d’interventions du MAPAQ. Le ministère y a trouvé des étiquettes jetées et l’a condamné en 2021 pour réemballage de viande périmée.
De passage à l’Euromarché Fleury, le 13 août 2025, Noovo Info a trouvé des saucisses italiennes périmées depuis deux jours et un rognon de veau frais emballé et laissé en vente depuis un mois. Il aurait dû être consommé avant le 21 juillet. Ailleurs dans les réfrigérateurs, des paquets de bœuf haché en rabais n’affichaient aucune date de péremption.
Le propriétaire des Euromarchés montréalais pense que les dates de péremption devraient être éliminées. Il dénonce aussi l’important gaspillage de nourriture partout sur la planète.
Du gaspillage alimentaire?
Le directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire, Sylvain Charlebois, convient que le gaspillage alimentaire est un problème important au Canada… mais il y a des limites, quand même.
«Dans le contexte réglementaire actuel, c’est inexcusable de voir ça», a lâché le professeur à l’Université Dalhousie dans une entrevue avec Noovo Info. «Ils doivent être pénalisés. Une surveillance est de mise.»
Reste que, selon le professeur Charlebois, un débat doit prendre place et des solutions technologiques doivent être mises de l’avant pour le consommateur.
«Un ménage va jeter pour environ 246 dollars de produits alimentaires parfaitement consommables» annuellement, a-t-il découvert au bout d’une étude d’un an auprès de 1000 répondants pour quantifier dollars en le gaspillage des familles canadiennes.
«On est les plus grands gaspilleurs au monde.»
«On a des dates de meilleur avant sur du miel, du sel, du sucre…» poursuit-il «Ces produits ne deviennent jamais périmés.»
L’expert croit en des solutions technologiques qui permettrait aux consommateurs d’évaluer s’il y a présence de pathogènes dans leurs produits à la maison.
*Les autres commerçants nommés dans ce reportage n’ont pas répondu aux demandes d’entrevue de Noovo Info.

