Après le féminisme, la lutte animale est la cause sociale la plus populaire auprès des femmes.
Le végétarisme est aussi largement plus populaire chez elles, alors qu’à l’inverse, la mise à mort animale – dans l’industrie de la viande ou à la chasse –appartient à une majorité écrasante d’hommes. Les refuges sont souvent tenus par des femmes, et la probabilité de violence animale est près de quarante fois inférieure par une femme. La lutte animale est aussi, avec le féminisme, une cause qu’on prend peu au sérieux. Elles portent toutes deux quelque chose de frivole, relevant de la bourgeoisie. C’est que l’on considère qu’il y aura toujours plus important à défendre que les femmes et les animaux.
On dit que le chien est le meilleur ami de l’homme, mais en réalité, c’est le meilleur ami de la femme. C’est auprès de nous qu’il est en sécurité. C’est nous qui reconnaissons sa pleine humanité. Comme fille, être une chienne ou une bonne chienne est l’une des premières insultes que l’on reçoit. Je me souviens exactement où j’étais la première fois qu’un garçon me l’a assénée.
«Être une chienne veut dire plein de choses. Cette insulte nous ramène d’abord à une domesticité, mais elle porte aussi les traces d’une violence animale, faisant des chiens et des femmes, tout juste de la chaire vulnérable.»
C’est ce qui m’emmène au nouvel album de Sabrina Carpenter. Sur la couverture, la chanteuse est à genoux devant un homme lui empoignant les cheveux. Man’s Best Friend. Quelle horreur. En choisissant ainsi de nourrir le fantasme faisant des femmes, tout juste de la viande, ce n’est pas exagéré de dire que la chanteuse nous ramène 100 ans en arrière.
Si cette image vient solidifier le rêve misogyne de la femme docile, réduite à une chose soumise et sexuelle, elle représente aussi parfaitement une conception erronée du féminisme adoptée par les femmes blanches, choisissant elles-mêmes la déshumanisation et l’hypersexualisation comme arme subversive. C’est que les femmes blanches ont le privilège de choisir quand et comment elles seront sexualisées et chosifiées, pendant que les femmes racisées l’ont été tous les jours et contre leur gré.
«Dans le monde capitaliste, le patriarcat est structuré de manière à ce que le sexisme restreigne le comportement des femmes dans certains domaines, tout en leur permettant une certaine liberté dans d’autres sphères», écrivait bell hooks. Cette idée, l’illusion d’une réappropriation du pouvoir dans le sexe et la séduction, ce n’est que le terrain de jeu qu’on nous a assigné.
Ce n’est pas anodin, cette figuration de la femme en chienne puisque le capitalisme s’est basé sur l’exploitation – non exclusive – des femmes et des animaux. On peut tirer le parallèle jusqu’aux critères de beauté soumettant l’un et l’autre à des transformations inutiles. Certaines races de chiens par exemple ont été créées uniquement pour être belles, les condamnant à une suffocation permanente et une vie écourtée.
L’argumentaire le plus populaire, faisant de la couverture d’album de Carpenter une satire, ne tient pas la route puisque devant cette représentation de la femme en chienne, les hommes n’ont même pas sourcillé. Par définition, la satire critique ouvertement une chose en s’en moquant. Pour ça, il aurait fallu que les hommes se sentent mal à l’aise devant l’image. Il aurait fallu que Carpenter tienne l’homme en laisse. Or – et relisez cette phrase jusqu’à en absorber tout son sens – la pochette d’album de Carpenter est trop près de la réalité pour être désigné comme une satire.

