Chroniques

Les hommes sont seuls parce qu’ils assassinent leur conjointe

L’épidémie de féminicides qui sévit depuis des mois mérite une vraie conversation de société.

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(CTV News)

Il y a quelques mois, l’épidémie de solitude masculine a mené à une grande conversation sur la santé mentale des hommes. On nous demandait, à nous les femmes, de compatir avec leur sort.

J’avais écrit dans une chronique que cette épidémie ne méritait pas mon empathie tant que ces hommes n’adresseront pas le nerf de la guerre: le patriarcat et la culture de domination masculine. Je les accusais de s’intéresser strictement à la part du problème qui les impactait négativement, sans vouloir parler de masculinité toxique, de misogynie, de féminisme et de violence conjugale.

J’écrivais ceci: «Il y a un enjeu de santé mentale des hommes, mais ça on le savait déjà. Elle est à la source de la violence conjugale et des féminicides. Et je n’ai pas vu les hommes se lancer pour faire des documentaires et enclencher une discussion collective là-dessus».

Au Québec, au moins sept femmes auraient perdu la vie aux mains de leur conjoint ou de leur ex-conjoint, depuis le 1er janvier 2025.

  • Mylène Masson-Bessette, 33 ans
  • Patricia Lynda Thériault, 47 ans
  • Simone Mahan, 45 ans
  • Lyne Fournel, 62 ans
  • Nellie Tullaugak-Wilson, 79 ans
  • Luuku Luuku, 30 ans
  • Ginette Gosselin, 71 ans

Parallèlement à cela, les hébergements de violence conjugale débordent. Sur ces meurtres, les informations tombent au compte-goutte et de manière aléatoire. On ne fait toujours que relayer les faits, comme s’il s’agissait-là d’un cas isolé, n’ayant rien à voir avec les autres. Jamais on ne s’arrête vraiment pour analyser plus largement ces assassinats sous l’angle du patriarcat et déconstruire ce phénomène social de haine viscérale envers les femmes.

Si ces meurtres et cette violence ne font pas l’objet d’une conversation sociétale, c’est que collectivement, on fait chaque jour le choix de ne pas traiter les hommes comme un groupe homogène, au risque de les offenser. Faire des hommes un groupe homogène posant un danger, comme ils le font si aisément pour les autres, est un affront qu’on ne semble pas prêt à oser. Même au prix de notre vie.

Quand les hommes sont en cause – et bien plus encore les hommes blancs—, on ne parle pas de terrorisme. On ne parle pas de radicalisation. On nomme à peine le problème. Si n’importe quel autre groupe de la population était responsable de sept meurtres depuis le début de l’année, nous aurions droit à un point de presse des premiers ministres et de ministres, avec des enveloppes budgétaires d’urgence pour agir.

Mais rien. En dehors des regroupements et collectifs pour la sécurité des femmes, j’ai eu du mal à trouver suffisant d’informations pour écrire cette chronique. Et sans surprise, aucun comédien n’a lancé un documentaire pour parler de féminicides et de violence conjugale. Réveillons-les pour parler de suicides des hommes, et pas autre chose.

Je l’avais écrit dans ma chronique sur l’épidémie de solitude masculine et je le réitère aujourd’hui devant le silence et l’aveuglement de notre peuple, qui fait le choix d’ignorer la menace quand cette menace appartient au groupe dominant.

Les hommes seuls ne méritent pas mon empathie.

Les hommes seuls ne le sont que parce qu’ils voient le couple comme une machine à dominer.

Les hommes sont seuls parce que leur vison du mâle traditionnel est périmée.

Les hommes sont seuls parce qu’ils n’ont pas grandi au même rythme que leur époque.

Les hommes sont seuls parce qu’ils prennent part à toutes les luttes sociales et culturelles, sauf celles de la libération des femmes.

Les hommes sont seuls parce qu’ils ne cessent d’assassiner leur conjointe.