Chroniques

Les cinq défis de François Legault

Le premier ministre réussira-t-il à reprendre le contrôle de l’agenda politique et du message?

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(La Presse canadienne)

C’est mercredi que nous saurons enfin de quoi sera fait ce nouveau conseil des ministres à Québec. Après des mois de spéculations, avec une annonce hâtive de ce rebrassage de cartes, le premier ministre réussira-t-il à reprendre le contrôle de l’agenda politique et du message?

Une chose est sûre, remanier son conseil des ministres ne se fait pas sans casser des œufs. Et plusieurs défis se dressent devant lui dans la conduite de cet exercice.

Monter une équipe solide

Dire que la CAQ est en difficulté est un euphémisme. Le dernier sondage Pallas Data/L’actualité/Qc125 mis en ligne hier place le parti de François Legault à 11 % dans les intentions de vote, bon quatrième derrière le PCQ.

Pour cette dernière année du mandat, le premier ministre veut non seulement donner une impression de nouveau souffle et d’une énergie renouvelée, mais il doit aussi mettre des gens compétents autour de la table s’il veut avoir la chance de présenter des résultats concrets aux Québécois.

Plusieurs ne voient en ce remaniement qu’une vaste opération de communication, mais les ministres n’auront pas le vent dans le dos pour accomplir des choses dans les prochains mois.

Se serrer la ceinture

L’actuel conseil des ministres souffrait d’obésité. On avait, après la réélection, scindé plusieurs ministères pour distribuer les dossiers à davantage de députés. Avec un gigantesque caucus de 90 députés, un conseil des ministres de 30 personnes ne semblait pas si étrange.

La CAQ a depuis perdu 3 sièges et un député, Youri Chassin, devenu indépendant. À ce dernier s’ajoute Pierre Dufour, exclu du caucus caquiste à la suite d’une sortie médiatique malvenue. De plus, il est de bon ton de réduire la taille du conseil des ministres vers la fin d’un mandat, surtout quand on veut porter un message d’efficacité étatique, dans un contexte de compressions budgétaires.

Plus facile à dire qu’à faire ! Verra-t-on l’Enseignement supérieur retourner avec ministère de l’Éducation ? L’Emploi et le Travail fusionnés ? Les Ressources naturelles de retour avec L’Énergie ? L’Habitation avec les Affaires municipales ? Les Infrastructures avec le Trésor ? Les idées de fusions sont légion, mais les ministres qui perdent au jeu de la chaise musicale seront inévitablement plus nombreux.

Préserver la parité et la représentativité

On ajoute à cet effort de réduction l’impératif de la représentativité. C’est déjà un casse-tête en temps normal…, imaginez en plus quand on réduit le nombre de sièges disponibles.

Nous savons déjà que l’Abitibi-Témiscamingue n’aura pas de ministre. C’est le premier ministre lui-même qui assumerait cette fonction.

La CAQ a des députés dans toutes les régions. Par conséquent, toutes les régions s’attendent à avoir un député de chez eux autour de la table. Or, ce n’est pas toujours facile à conjuguer avec les objectifs de compétences et les affinités personnelles.

On s’attend également à ce que la zone paritaire soit respectée. Cela dit, la CAQ a fait un effort considérable pour présenter un grand nombre de femmes lors de la dernière campagne électorale, se donnant ainsi une plus grande marge de manœuvre.

Gérer les déceptions

Nommer un conseil des ministres crée inévitablement des déceptions. Lors du remaniement de 2020, Danielle McCann aurait passé très proche de quitter, mécontente de perdre son dossier de la santé, et non intéressée par le dossier qu’on lui offrait au départ. Après moult négociations, Mme McCann a finalement accepté un autre dossier et ainsi terminé son mandat, mais nous sommes passés très proches d’un départ fracassant.

En plus des ministres qui peuvent être relégués aux banquettes des députés, il y a aussi les députés qui aspirent à monter en grade. Les chances qu’ils démissionnent, en laissant sur la table leur prime de transition, sont assez faibles. Mais ils peuvent devenir des éléments négatifs du caucus pour la dernière année.

Se donner un nouvel élan

L’objectif d’un remaniement ministériel est double : se donner une nouvelle énergie, et saisir l’occasion de reprendre le contrôle de l’agenda politique. Un remaniement est une occasion de communication durant laquelle le gouvernement occupe tout l’espace médiatique. Une véritable éclipse.

Le remaniement étant accompagné d’une prorogation (cela signifie que l’on remet les compteurs à zéro), il y aura aussi un discours d’ouverture du premier ministre pour communiquer les priorités pour cette dernière année de mandat. C’est un moment solennel pour passer ses messages.

Or, le premier ministre ayant annoncé son remaniement il y a belle lurette, l’effet est un peu dilué. Cela ne veut pas dire que l’éclipse n’aura pas lieu, mais beaucoup de choses ont déjà été dites et plusieurs sont déjà lassés par le sujet.

Malgré tout, le gouvernement aura une occasion de donner un grand coup. Il doit absolument réussir cette opération s’il veut se donner une chance de traverser cette dernière année dans les meilleures conditions possibles.

Est-ce que ce sera suffisant pour faire cesser les doutes sur l’avenir de François Legault à la tête de son parti ? L’avenir nous le dira. 

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