Le splish splash des enfants. Les éclaboussures d’un plongeon. Des cris joyeux. Un espace ombragé. Profiter de l’été, c’est un privilège. Parce qu’avec un plan d’eau, que ce soit une piscine, un lac, ou l’océan, c’est possible. Mais sans, c’est l’enfer. Et les choses ne vont pas s’améliorer.
Les jours de chaleur accablante, voire suffocante, s’enchaînent à Montréal et partout au Québec. Depuis la fin du mois de juin, on a eu droit non pas à une ni à deux canicules, mais bien à trois (on est en plein dedans en ce moment).
Rappelons qu’une canicule se définit par trois jours consécutifs de température de plus de 30°C. Au Québec, on a eu déjà eu droit à plusieurs jours de températures ressenties de 40 °C et plus, avec une pointe historique le 24 juin. Le mercure a atteint 35,6° pour un ressenti de 44, du jamais vu en soixante ans!
L’étalage de chiffres, de statistiques et de données pourrait être sans fin: on bat chaque semaine, chaque mois, chaque année, des records de températures élevées. 2024 a été l’année la plus chaude à travers la planète, battant 2023 qui avait établi la même marque, devançant 2022, et ainsi de suite.
À VOIR AUSSI | Tornades, orages et canicules: que se passe-t-il au Québec?
Ça ne vous angoisse pas?
Peut-être que ça ne vous préoccupe pas parce que vous lisez ce texte, étalé sur une chaise longue à proximité d’un plan d’eau.
C’est fou à quel point les changements climatiques ne nous inquiètent pas tous de la même façon (pour le moment) : ceux qui ont accès à une piscine, un lac, une rivière ou la mer ne vivent pas du tout le même été que ceux qui suffoquent.
Bonheur et malheur de la «clim»
Vous avez l’air climatisé à la maison ? Vous faites aussi partie des privilégiés, des riches. Vous avez la chance de pouvoir fuir la chaleur étouffante qui écrase et pétrifie dehors. Au Québec, 69 % des ménages ont accès à un climatiseur, une pompe à chaleur ou un appareil de refroidissement (Statistiques Canada, 2025).
Je vais être honnête, j’ai la clim’ chez moi. C’était carrément une exigence à la signature de mon bail, je l’avoue. Certes, je ne profite pas de la belle saison comme ceux qui ont la chance de patauger et de barboter, mais je ne sue pas ma vie chez moi. Je peux demeurer zen, productive et relativement de bonne humeur.
Oui, je sais, c’est paradoxal. Et ce paradoxe me crée un malaise et fait grimper mon écoanxiété : je suis consciente que je fuis les conséquences du changement climatique, causé par moi et l’ensemble de l’humanité, en l’accélérant en même temps. Je sauve ma peau, mais j’aggrave le problème.
Même si elle est répandue, la solution d’avoir de la clim’ à la maison n’est pas une solution de refroidissement durable. Ça fait quarante ans que les scientifiques le disent.
Comment se rafraîchir?
Et la piscine? La piscine, j’en rêve. Je mets mon ego de côté et je la quête chez des amis et des membres de la famille par temps très chaud. J’espionne celle de mon quartier, toujours bondée (bonjour les files d’attente). Je magasine celles des hôtels parfois accessibles sous certaines conditions (sortez le cash).
Sinon, il reste les plages du Québec. Celle de Cap Saint-Jacques, dans l’ouest de l’île, est un secret bien gardé. Mais rien n’est gratuit : il faut être en mesure de s’y rendre. Il faut payer le stationnement. Il faut planifier, prévoir, avoir le budget, avoir le temps, l’énergie, les ressources.
À VOIR AUSSI | Un nombre inquiétant de noyades au Québec en 2025: l'imprudence de certains nageurs montrée du doigt
C’est un peu la même chose pour les piscines municipales : ce n’est pas donné à tout le monde, au Québec, d’avoir accès à ces infrastructures. Et on va se le dire, elles sont en nombre insuffisant. Il est temps pour les villes, incluant Montréal, de réfléchir au bien-être de la population en temps de crise climatique.
La piscine devient un indispensable du paysage urbain lorsqu’on pense à la multiplication des événements de chaleur extrême. Elle n’est plus que communautaire ou sportive ; elle est essentielle.
Fondre ou plonger
Bon à savoir : construire une nouvelle piscine publique coûte cher. À titre d’exemple, celle de Brossard, présentement en construction, coûtera approximativement 10 millions de dollars et celle d’Anjou, 14 millions.
J’ai une annonce à faire : les changements climatiques ne s’en vont nulle part. Et les conséquences n’iront qu’en s’accélérant. Les conseillers municipaux, les maires, les députés et toute la classe politique auraient avantage à se pencher sur le dossier plus tôt que tard.
Certains vivent un été de matelas gonflable, de lunettes de soleil, de maillots mouillés et de rires et d’autres, un été de transpiration, de mauvaises nuits, de brouillard mental et de ventilateurs inadéquats. Ce n’est pas la piscine le problème, mais le fait qu’elle ne soit pas à la portée de tous.
Personne ne choisit de fondre et de brûler plutôt que de plonger et de nager.
Le privilège de la piscine divise et creuse le fossé entre les classes sociales. Combien de temps pourrons-nous encore, collectivement, ignorer ce fossé ?
Pour recevoir toutes les chroniques de Maude Goyer, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.

