Le Parti libéral du Québec obtiendrait son meilleur score depuis plusieurs années, et malgré tout, il n’est pas compétitif chez les francophones.
Pablo Rodriguez vient d’être élu chef du Parti libéral du Québec et ses défis seront nombreux. Mais son principal enjeu sera de reconnecter le parti avec l’électorat francophone, qui est la clé pour être compétitif.
Quand bien même les libéraux gagneraient tous les sièges de la région de Montréal avec plus de 75% des votes, ils ne pourraient pas former le prochain gouvernement (même minoritaire) sans l’appui substantiel des francophones.
Le chemin de croix de Rodriguez et des libéraux paraît toutefois très difficile.
Un positionnement à l’opposé des francophones
Pourquoi les francophones voteraient-ils pour les libéraux plus que pour un autre parti? Autrement dit, sur quel aspect le PLQ serait-il stratégiquement positionné? J’ai visualisé des données d’opinion publique provenant d’un échantillon représentatif de 1 122 à 1 637 électeurs et électrices sur quelques enjeux que l’on sait cruciaux, tel qu’illustré dans certains de mes travaux.
Le graphique ci-bas illustre le positionnement des différents électorats et j’ai ajouté où se situe le positionnement moyen des francophones.

Sur l’immigration, la langue, et la laïcité, on voit bien que les libéraux sont très loin de l’électeur francophone typique.
En matière d’immigration, les francophones sont beaucoup plus nombreux que les libéraux à considérer qu’il faut réduire l’immigration au Québec.
Sur la langue française, la vaste majorité des francophones (81%) croit que le français est en danger au Québec. C’est le contraire chez l’électorat libéral, qui n’est que 29% à la croire. Le fossé est énorme. Comment le nouveau chef pourrait-il reconnaître l’insécurité linguistique des francophones et développer un discours prometteur pour les francophones alors que sa base électorale ne croit même pas que la langue française est en danger?
Pas d'avantage net sur l’économie
Vous me direz peut-être que ce sont des enjeux «identitaires» et qu’il est attendu que le Parti québécois soit systématiquement plus proche de l’électorat francophone que le PLQ sur ces enjeux.
Parlons donc d’économie.
Premièrement, tel qu’illustré dans le graphique, le PLQ n’est pas plus proche des francophones que ne le sont les autres partis sur l’économie. L’électorat est plutôt centriste quand vient le temps de faire l’arbitrage entre l’importance du privé et du public pour stimuler l’économie et créer des emplois. Le PQ, la CAQ et le PLQ sont tous proches de l’électeur francophone à cet égard.
Deuxièmement, les partis doivent non seulement être bien positionnés, mais également être crédibles sur les enjeux clés. Or, comme illustré dans une chronique précédente, la crédibilité des libéraux en matière d’économie est en chute libre à travers le temps.
En route vers un repositionnement?
Rien n’est impossible en politique, mais il serait extrêmement surprenant que les libéraux parviennent à se retrouver en phase avec l’électorat francophone avant la prochaine élection, car cela nécessiterait d’adopter des positions nationalistes sur plusieurs enjeux (langue, immigration, laïcité, etc.).
D’abord, leur base électorale et les membres du parti ne sont simplement pas nationalistes au sens où les francophones l’entendent. Ensuite, beaucoup de leurs élus ne le sont pas non plus. Et finalement, ce serait impossible pour Pablo Rodriguez d’adopter les positions de la majorité francophone sans renier son action politique des deux dernières décennies à Ottawa.
Au-delà de Rodriguez lui-même, plusieurs libéraux tentent de vendre l’idée que Karl Blackburn est le chaînon manquant pour reconnecter le PLQ avec les régions francophones. Or, il s’agit de la même personne qui propose d’augmenter l’immigration permanente et de s’éloigner encore davantage de l’électorat francophone.
L’épouvantail du référendum
Que reste-t-il donc à Pablo Rodriguez et au PLQ? Le bon vieil épouvantail du référendum sur l’indépendance du Québec!
Cette stratégie a fonctionné par le passé. Et Pablo Rodriguez en fait très souvent mention.
Est-ce que ce sera suffisant, en 2026, pour que les francophones se rallient au PLQ? Peut-être. Mais le temps passe et beaucoup de gens – en fait, tous ceux qui ont moins de 48 ans – n’ont pas de traumatisme ou d’aversion particulière liés aux référendums.
Gageons que les libéraux vont agiter l’épouvantail référendaire autant que possible dans les prochains mois, mais cette stratégie risque d’être moins efficace que par les années passées.
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