Parmi les nombreux défis qui attendent le prochain chef du Parti libéral du Québec, le plus fondamental consiste à dé-Montréaliser le parti. Pour ce faire, le chef devra améliorer ce qu’il reste de la marque de commerce libérale et cesser d’être un repoussoir pour l’électorat francophone.
Un récent sondage Léger suggère qu’avec la bonne personne à sa tête, le Parti libéral du Québec pourrait brouiller les cartes en politique québécoise. Il faut toutefois prendre un pas de recul et examiner le (long) chemin de croix qui attend le prochain chef libéral.
Que reste-t-il de la marque de commerce libérale?
Le Parti libéral du Québec est actuellement étiqueté comme étant un parti confiné à la région de Montréal. Il suffit de regarder une carte des résultats électoraux les plus récents pour saisir le fondement de cette étiquette. Celle-ci est évidemment utilisée en caricature, mais trouve tout de même un solide ancrage dans la réalité.
Or, historiquement, le Parti libéral du Québec a développé une marque de commerce extrêmement payante, électoralement parlant, à savoir être «le parti de l’économie». Cette marque a notamment contribué au succès de premiers ministres libéraux comme Robert Bourassa, Jean Charest et Philippe Couillard.
Pourquoi tant d’accent mis sur l’économie? Les écrits en études électorales sont formels: l’économie est un facteur très important pour expliquer le choix électoral des citoyens. De plus, le Parti libéral doit miser sur l’économie parce qu’il ne peut rivaliser avec ses adversaires nationalistes sur les enjeux plus identitaires comme la défense de la langue française.
Que reste-t-il de cette marque de commerce en 2022? Le PLQ a-t-il encore la carte de l’économie dans son jeu? La réponse est claire: non.
Le graphique ci-bas illustre la part de l’électorat estimant que le PLQ est le meilleur parti pour gérer l’économie. En 2022, seulement 16% des gens voyaient le Parti libéral comme étant le parti de l’économie, alors que cette proportion s’élevait à près de 60 % en 2008. C’est un effondrement désastreux en termes d’image.
Note. Les données proviennent des Études électorales québécoises (2007-2022).
L’électorat francophone
Le PLQ obtient très peu d’appui chez les francophones. Il doit impérativement tenter de reconnecter avec ce groupe pour une raison très simple: il représente plus de 80% de l’électorat.
Mettons-nous dans la peau de ces électeurs francophones. D’emblée, les indépendantistes, qui constituent grosso modo le tiers de l’électorat à l’heure actuelle, ne voteront pas pour le Parti libéral du Québec. Chez les fédéralistes, il y a beaucoup de nationalistes qui sont déçus de l’aplaventrisme libéral en matière d’identité. Que ce soit concernant la protection de la langue française, en matière de laïcité ou encore sur l’immigration, les positions des libéraux agissent globalement comme un repoussoir pour l’électorat francophone. Il ne reste donc au PLQ qu’un bassin de fédéralistes qui sont parmi les moins nationalistes au Québec. Or, il s’agit de relativement peu de gens chez les francophones.
Il n’y a pas mille et une solutions pour que les libéraux réussissent à rejoindre une plus grande proportion de francophones: le nouveau chef du PLQ devra changer les positions stratégiques du parti sur les enjeux identitaires.
Pablo Rodriguez, l’homme de la situation?
Le seul avant avantage de Pablo Rodriguez est d’être le seul candidat déclaré à remplir les deux conditions suivantes: être connu et avoir une cote de popularité (légèrement) positive. Toutefois, le problème majeur auquel fera face Rodriguez est qu’il traînera nécessairement le bilan des gouvernements libéraux au pouvoir à Ottawa depuis près de 10 ans. Ce sera un énorme boulet.
Si Pablo Rodriguez poursuit dans la lancée idéologique qu’il a défendue au fédéral depuis 2015 (et même avant cela, de 2004 à 2011), il est possible de croire qu’il ne fera que très peu de gains, particulièrement auprès des francophones, après la lune de miel éphémère qui s’observe généralement lorsqu’un nouveau chef est élu. La raison est simple: l’approche des libéraux fédéraux, en immigration, en économie ou même sur les enjeux des champs de compétences provinciales, est aujourd’hui perdante aux yeux des Québécois. Nous le savons déjà et nous risquons d’avoir la confirmation formelle lors de la prochaine élection fédérale.
Si Pablo Rodriguez tourne le dos à son bilan au fédéral, il sera extrêmement facile pour l’opposition de le cadrer comme étant un homme de bien peu de convictions, peu crédible et, surtout, en qui les Québécois ne devraient pas avoir confiance.
Il est donc difficile de voir comment Rodriguez pourrait répondre aux défis fondamentaux qui attendent le Parti libéral du Québec d’ici 2026. Il ne semble pas être particulièrement à même de rétablir la marque de commerce libérale en économie et une reconnexion avec l’électorat francophone est complexe à imaginer.

