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Interdiction de signes religieux: la libération des femmes n’est pas votre arme de guerre

«Cette idée que des femmes voilées s’occupent de nos enfants ne peut pas moins m’importuner.»

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(Montage Noovo Info et La Presse canadienne)

C’est devenu monnaie courante au Québec d’endormir le peuple avec des projets de loi tape à l’œil comme celui qui nous attend à l’automne sur l’interdiction des signes religieux.

Après, on ne parlera plus de SAAQclic, on ne parlera pas des nouveaux salaires des élus, de l’éducation, on ne parlera pas des milles impairs ayant fait dévaler le gouvernement actuel dans les plus récents sondages.

La mesure sur les signes religieux vise spécifiquement Montréal, secteur depuis longtemps délaissé par le gouvernement. S’il a abandonné l’idée de nous séduire, au moins peut-il encore nous utiliser pour des gains politiques auprès de ceux que ces mesures ne regardent pas directement, et ainsi nourrir une certaine idée de Montréal.

Je ne sais pas pour vous, mais cette idée que des femmes voilées s’occupent de nos enfants ne peut pas moins m’importuner. Et puis de toute manière, si c’était le cas, si vraiment nous étions préoccupés par la transmission d’une idéologie dans les institutions d’enseignement, pourquoi croire que proscrire un symbole visible pourrait altérer cette transmission? N’aurait-on pas peur d’une infiltration de la religion, son apprentissage, par la parole, si vraiment l’inquiétude était fondée et réelle?

Pour moi, le gouvernement a généré une crainte et façonné une solution qui ne répond même pas aux dérives à laquelle elle est sensée répondre. L’hypocrisie de cette mesure démontre que ce qu’on souhaite au fond, ce n’est rien d’autre qu’importuner une partie de la population, en faire, une fois de plus des boucs émissaires bien commodes dans le climat actuel.

Ce projet de loi n’a rien à voir avec nos éducatrices et tout à voir avec une guerre entre deux partis politiques se bagarrant un électorat, comme on tire de chaque côté une couverture, à qui plaît ce genre d’intervention.

On n’est pas dupe. Dans le monde dans lequel on vit, la neutralité religieuse n’a rien d’impartiale puisqu’elle ne vise en réalité qu’une seule religion. Pensez-vous qu’on aurait droit à tout ça pour des croix dans le cou?

Sous cette mesure, on devine une sorte de défense des femmes pour les libérer de quelque chose. Et je vous avoue que c’est ce qui m’ennuie le plus. Je n’ai jamais entendu les mots «féminicide», «violence» conjugale ou «patriarcat» de la bouche de notre premier ministre. Il n’a jamais semblé importuné par les inégalités entre les hommes et les femmes ou même préoccupé par notre sécurité. Mais voilà qu’on est sensé croire que ce projet de loi empêchant les femmes de travailler, c’est pour notre bien.

S’il y a bien une idéologie que devrait craindre nos élus, celle qui a déjà fait son chemin pour infiltrer la tête des plus jeunes et qui porte réellement atteinte à notre égalité, c’est la misogynie et la culture de masculinité toxique à la base de la violence.

Seulement, vous ne verrez pas le gouvernement utiliser une dérogation pour passer un projet de loi là-dessus. Pour monsieur Legault, la société égalitaire n’est pas une fin en soi, mais une ligne de presse visant à instrumentaliser notre sécurité afin d’envoyer un crochet de droite aux personnes immigrantes et devancer leur adversaire politique.

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