La démission de Steven Guilbeault comme ministre de l'Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles – ainsi que lieutenant du Québec est un coup dur pour Mark Carney. Mais le réalise-t-il? Mystère.
Guilbeault a choisi une «demi-démission». Il a quitté le Conseil des ministres sans quitter le caucus. Il a critiqué les politiques environnementales du gouvernement Carney sans l’attaquer trop frontalement. La plupart des observateurs ont vu cette sortie comme étant un geste fort, mais élégant.
L’un des messages les plus forts de Steven Guilbeault est qu’il n’est pas sérieux d’essayer de satisfaire Danielle Smith, désireuse d’un nouveau pipeline, pendant que l’on continue de faire semblant que nos objectifs climatiques sont maintenus. Les deux sont mutuellement exclusifs, que voulez-vous.
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Marc Miller aux Langues officielles!
Misère.
La nomination de Marc Miller, un fidèle de l’époque Trudeau qui avait été écarté du Conseil des ministres par la nouvelle administration, semble démontrer que Mark Carney ne comprend pas le Québec.
Le fait qu’il soit anglophone peut toujours passer – M. Miller a beau être anglophone, il parle parfaitement français – Mais tout comme plusieurs de ses collègues, il semble considérer que le français n’a pas besoin d’être défendu.
Alors ministre de l’Immigration, après avoir maintes fois refusé de reconnaître le déclin du français, il a fini par admettre que le français était en déclin « comme langue maternelle ». Ce minimum syndical symbolise à quel point Ottawa ne comprend par les risques et les sensibilités du Québec sur les questions de langue et d’immigration. Selon cette logique, une langue qu’on ne considère pas menacée n’a donc pas besoin de mesures fortes pour la défendre. Ça promet.
Joël Lightbound comme lieutenant
À l’inverse, la nomination de Joël Lightbound comme nouveau lieutenant du Québec est un meilleur coup de la part du premier ministre. Moins associé à l’administration Trudeau, Lightbound se montre dévoué et accessible depuis son entrée au Conseil des ministres. Bien qu’il ait été critique envers le gouvernement Legault, il sera sans doute en mesure d’entretenir une relation relativement cordiale avec Québec. Après tout, François Legault est tout doux avec Mark Carney depuis son arrivée le printemps dernier.
Et qui sait, étant lui-même basé à Québec, il pourra peut-être influencer le gouvernement caquiste de tenir les rencontres officielles à Québec, et non à Montréal, comme le prévoit la loi sur la Capitale nationale.
Carney face à son incompréhension
Mark Carney n’a pas d’attachement particulier avec le Québec, malgré les efforts un peu artificiels qu’on nous met de l’avant. Cette distance l’oblige à s’entourer de gens qui comprennent nos enjeux et nos sensibilités.
Les Québécois ont voté pour lui en toute connaissance de cause sur cet aspect, mais sur la question environnementale, la translation qu’il a fait faire au Parti libéral est gigantesque. Les électeurs ne votent pas exclusivement sur cette question, mais le fait qu’on nous ait vendu un « banquier vert » et que nous ayons désormais du mal à différencier ses politiques de celles du Parti conservateur jette un doute dans la tête des Canadiens et des Québécois.
L’Alberta a donné deux députés à Carney, le Québec lui en a donné 44.
Dans un contexte où le Parti Québécois trône toujours à la tête des sondages, et qu’il promet un référendum, Mark Carney devrait faire très attention pour éviter que le doute devienne une conviction : celle qu’Ottawa n’a rien à offrir au Québec.
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