Sale temps pour l’environnement. À l’heure où les manchettes internationales se multiplient en regard des nouvelles décourageantes sur la lutte aux changements climatiques, on sent bien que les efforts environnementaux ne sont pas très hip. À Ottawa comme à Québec, on constate qu’un virage est en train de s’opérer.
Le Canada et le Québec ne sont pas les seuls. Plusieurs pays révisent à la baisse leurs engagements, d’autres repoussent leurs objectifs, prétextant l’instabilité économique, les divers événements géopolitiques, ou encore le ras-le-bol des électeurs qui ont du mal à boucler leur budget.
Au palier fédéral, Mark Carney a aboli la taxe carbone et a fait adopter son projet de loi C-5 à toute vitesse, au grand dam des groupes environnementaux et de plusieurs de nations autochtones.
Québec souhaite s’harmoniser
À la suite du remaniement ministériel, le premier ministre Legault a évoqué ses priorités pour la dernière année avant l’élection. Parmi elles, l’économie, la sécurité et l’efficacité de l’état. M. Legault a indiqué que les processus d’autorisations environnementales étaient trop longs. Ces délais seraient une entrave à des projets d’importance. On rapporte d’ailleurs que M. Legault rêve d’un projet de loi qu’il surnomme «Q-5», le pendant québécois du C-5 fédéral.
On souhaite tous des processus plus efficaces et une bureaucratie allégée. Laissons la chance au coureur, mais il faudra voir si cette efficacité retrouvée se fera au détriment de la protection de l’environnement.
Autre déclaration récente du PM : «Le Québec ne peut pas être le seul État en Amérique du Nord à faire des efforts», laissant ainsi entendre qu’il allait rééquilibrer les lois ou processus afin de s’harmoniser avec ses voisins. Il s’est également prononcé sur la participation à la bourse du carbone, expliquant qu’il ne serait pas judicieux d’en sortir, mais il a laissé entendre qu’il allait trouver une manière de rééquilibrer le prix de l’essence avec le reste du Canada.
Mais de façon très mathématique, moins il coûte cher de polluer, plus il y aura de pollution. On a beau revirer ça dans tous les sens, il est difficile d’imaginer une révision de la tarification du carbone sans une révision des objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
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Abandonner nos efforts a aussi un coût
Je pourrais m’étendre ici sur les conséquences des changements climatiques… sur les coûts de l’adaptation aux changements climatiques. Mais je pense que tout le monde est au courant, surtout que nous commençons déjà à vivre les manifestations très concrètes de ces changements.
Mais nous avons tendance à toujours opposer environnement et économie, alors que ce n’est pas toujours judicieux ou vrai. Il n’y aura pas que des avantages financiers et économiques d’abandonner certaines mesures.
Le gouvernement publie chaque année l’analyse d’impact sur les émissions de GES et l’économie, issu du Plan pour une économie verte (PEV). Dans ce dernier, on peut constater que l’abandon de mesures aurait certains impacts négatifs sur l’économie et les finances publiques. Dans l’exercice de révision que le gouvernement semble s’apprêter à faire, il faut prendre cela en considération.
Agir en leader
François Legault a dit quelque chose d’important. «Le Québec est le meilleur en Amérique du Nord». C’est vrai. On est bons, et il faut le dire.
Et c’est justement pour cette raison que le Québec, sans être le dindon de la farce, peut et doit agir en leader.
Regardons simplement notre patrimoine hydroélectrique. Grâce à une planification visionnaire amorcée il y a plusieurs décennies, notre production d’électricité est déjà à plus de 99 % renouvelable.
La demande mondiale pour les solutions propres explose : véhicules électriques, technologies de stockage, procédés industriels sobres en carbone. Le Québec dispose à la fois de l’hydroélectricité et de certains minéraux critiques et stratégiques.
Cette réalité énergétique place le Québec dans une position unique au monde pour décarboner ses autres secteurs : transports, industrie lourde, chauffage des bâtiments. Les états qui s’engagent maintenant récolteront bientôt les fruits d’une nouvelle économie.
Tous les gouvernements misent sur les technologies pour régler la crise climatique, mais rares sont ceux qui imposent des limites à leurs citoyens. Or, le coût de ces technologies est élevé. Et on doit s’assurer de bien choisir nos créneaux et y exceller.
Au-delà des calculs économiques et politiques à court terme… Le Québec a toujours montré, dans son histoire, une propension à affirmer son identité et à suivre un chemin qui lui est propre. Cette manière différente et distincte de faire les choses devrait aussi s’appliquer en matière de lutte aux changements climatiques et s’incarner, de manière pragmatique et rationnelle, dans un rôle de leader, et non de suiveux de parade.
Nous en saurons certainement davantage bientôt sur les intentions gouvernementales, lors du discours d’ouverture et lorsque le nouveau ministre de l’Environnement, Bernard Drainville, expliquera sa vision pour les mois à venir.
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