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«La paix est le seul combat qui mérite d’être mené.»
On nous refait, de toute évidence, le coup de 2003. Celui où, prétextant la présence d’armes de «destruction massive», les États-Unis devaient attaquer l’Irak sans ménagement, renversant en un quasi-clin d’œil le régime de Saddam Hussein.
Si, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, quelques semaines auparavant, le Secrétait d’État américain Colin Powell jurait de la présence des preuves en question, il admettra, a posteriori, que tout ceci n’était que vil mensonge afin d’amadouer la communauté internationale, et ainsi, de légitimer l’attaque.
Des airs de déjà-vu, donc.
Sauf pour la partie ONU, pour laquelle Donald ne s’achale manifestement pas. Idem pour le droit international. Autre différence, versus les attaques de 2003? Georges W. Bush avait (au moins) demandé — et obtenu — la permission expresse du Congrès, conformément aux diktats du droit constitutionnel américain.
À voir aussi: Guerre et régime islamique: des Iraniens installés au Québec se vident le coeur
Rappelons du reste que la chanson «L’Iran aura bientôt l’arme nucléaire tourne», sur les ondes d’Air Propagande, depuis un sacré temps, déjà. Genre que Benjamin Netanyahu crie au loup, à cet effet, depuis… 30 ans. Comme état d’urgence, on aura fait mieux.
On se souviendra aussi des quelques tweets d’un Donald Trump, pré-président pimpant:
— Our President [Obama] will start a war with Iran, because he has absolutely no ability to negotiate. He’s weak, and he’s ineffective. (2011)
— Now that Obama’s poll numbers are in a tailspin—watch for him to launch a strike in Libya or Iran. He is desperate. (2012)
— I predict that President Obama will at some point attack Iran in order to save face! (2013)
— Remember what I previously said—Obama will someday attack Iran in order to show how tough he is. (2013)
La palme de l’ironie, quoi.
Dit autrement, s’il est loisible de se méfier du régime iranien, on peut tout autant être sceptique, pour dire l’euphémisme, des actuels motifs trumpistes.
Au-delà de la frime, demeure l’anxiété citoyenne.
Celle qui s’angoisse de la suite.
Qui considère l’hypothèse de la 3e guerre mondiale comme réelle, sinon bien fondée.
Qui se sent, d’ores et déjà, tel un pion manipulé à même une carte de Risk format nature.
Dépossédée de pouvoirs directs ou tacites.
Victime, à l’avance, d’un bête jeu de gros bras susceptible d’assassiner sinon la planète, au moins un ordre de paix relatif.
Vivant à Paris pendant l’Occupation nazie, David Gascoyne, poète surréaliste anglais, y alla d’un mémorable coup de gueule: «Ce qu’il y a de si haïssable dans la guerre, c’est qu’elle rend l’individu totalement insignifiant.»
Georges Orwell fera du pouce sur le désarroi de Gascoyne, l’année suivante, en publiant Coming Up for Air, où un publicitaire imagine les maisons de son quartier soufflées par les bombes, s’inquiétant que son bonheur et ses certitudes disparaissent prochainement, qu’une tyrannie sans fin s’installe, sans, ô désespoir, qu’il ne puisse influer le cours des choses, nommément la catastrophe elle-même.
N’est-ce pas, à maints égards, le sentiment actuel?
Que les menaces ou probabilités de 3e guerre mondiale nous relèguent au rang d’insignifiants?
Que ce l’on chérit, entre paix, valeurs et biens matériels, ne s’effacent à coup d’armes nucléaires, ipso facto?
Que dixit Eiseinhower, le «complexe militaro-industriel est le plus grand ennemi de la démocrati »?
Que le consentement populaire ne soit pas parfaitement absent des prochaines manœuvres belliqueuses?
Que même si le peuple flaire le côté fallacieux des motifs invoqués, sa dissidence se veut sans issue?
Ouais. Pas mal.
À voir également: L’intervention américaine en Iran pourrait-elle provoquer un changement de régime?
Un brin d’espoir, cela dit? D’accord: d’autres, avant nous, auront su déjouer un destin semblable.
Fait prisonnier en 1940 alors qu’il était soldat-météorologiste, Jean-Paul Sartre sera détenu plusieurs mois en Allemagne nazie. Malgré l’angoisse qu’on imagine, il écrit:
«Cette guerre est mienne, non que je l’ai voulue, mais parce qu’il dépend de moi de me comporter en collaborationniste, en résistant, en attentiste. Le pouvoir de la liberté ne réside pas seulement dans le pouvoir d’action, mais également dans la conception nous nous faisons du monde extérieur.»
On veut être libre? Conserver nos valeurs? Une paix relative?
À nous de nous en assurer, donc.
En se positionnant.
En refusant l’indéfendable.
En gueulant contre Trump et ses folies fascisantes.
En dénonçant les génocides et autres Riviera Gaza.
En s’objectant de la complicité d’un Mark Carney tendant à justifier les «frappes préventives» sur l’Iran.
En exerçant, conséquemment, notre droit de vote.
En envahissant les rues, comme en 2003, forçant alors Jean Chrétien à refuser de participer à la fumisterie de l’Irak.
En inondant, merci 2025, les réseaux sociaux.
En organisant, essentiellement, une résistance 2.0.
Deux jours après le bombardement d’Hiroshima, Camus résume cette même résistance non en une seule lutte physique, mais en une assise plus fondamentale:
«La paix est le seul combat qui mérite d’être mené.»
Nous y sommes.