Chroniques

Cachez ces itinérants (que je ne saurais voir)

Donald Trump et sa prétendue lutte à la criminalité et aux itinérants.

Mis à jour

Publié

Déploiement de l'armée à Washington DC. (Montage Noovo Info et image tirée de The Associated Press)

Il a été question, lors de notre dernière chronique, de l’envoi tous azimuts de la garde nationale en territoire démocrate. La raison officielle (l’officieuse étant manifestement une prise de contrôle institutionnelle) invoquée par Donald pour une telle démonstration de force? Une prétendue lutte à la criminalité et aux itinérants. Pas à l’itinérance, non. Ç’aurait été trop noble, trop chic, légitime. Pas assez trumpiste, dit autrement.

Ceux-ci, donc, sont intimés par le président de «déguerpir immédiatement» de la capitale américaine, le tout à la suite de décrets présidentiels ayant pour effet, au final, de criminaliser le statut même de sans domicile fixe.

Dans les faits? C’est tout simple: on ferme les campements, et on botte le cul à ses occupants. Dans bien des cas, compte tenu de la rapidité de la manœuvre, l’individu est séparé du peu d’effets personnels en sa possession, dont se débarrassent promptement ensuite les corps policiers.

Le souci ultime? Que figure-t-il au sein de ces possessions? Des documents gouvernementaux d’identification? Pas super pratique, en cette ère où la chasse menée par les macaques du ICE bat son plein.

Pas idéal, non plus, en ce sens où la précieuse paperasse assure une meilleure compréhension des soins de santé mentaux, fréquents et impératifs pour plusieurs.

Autre enjeu, lui aussi majeur: s’il existe divers refuges, ici et là, ces derniers sont à court de places suffisantes, sans surprise, et surtout, discriminent de manière peu subtile. C’est ainsi qu’on refuse des partenaires de sexe opposé, des membres de même famille ou encore les animaux de compagnie, souvent les seuls phares et soutiens psychologiques de l’individu. On ajoutera, ici, que nombre de refuges obligent la génuflexion quant aux diktats chrétiens, sous peine d’expulsion.

Selon Mary Frances Kenion, haute dirigeante de la National Alliance to End Homelessness:

«Pour certains, la solution à l’itinérance est de retirer l’humain de la vue du public. Or, déplacer les individus est parfaitement inutile. On détruit ainsi des relations de confiance, difficiles à construire, entre les préposés des services publics et les bénéficiaires, et il est alors impossible de conserver la trace de ceux-ci. Ceci ne sert absolument personne, en fait.»

Karen Vicari, directrice des politiques publiques chez Mental Health America of California, ajoute: «On oublie que ce sont des êtres humains, vivant dans une communauté leur étant propre, avec leurs amis.»

Donald étant Donald, personne n’est trop surpris de ce qui précède. Restent cela dit des craintes, au demeurant légitimes, sur la suite du sympa processus. Parce que si on s’apprête à classer l’itinérant à titre de menace nationale — comme en font foi les actuelles et interventions promises de la Garde nationale à New York, Baltimore et Chicago — quelle conséquence si, tel qu’anticipé par les intervenantes ci-haut, la politique de nettoyage trumpiste s’avère un cuisant échec? Mon cinq cennes : direction camp de détention.

Ouais, je sais, c’est raide. Mais qui serait, demande sincère, étonné? Parce que l’ensemble des politiques publiques de la Maison-Blanche se fonde, sauf exception, sur un dénominateur commun: celui de la méchanceté pure. S’attaquer, à temps plein, aux plus vulnérables. Preuve supplémentaire? Le récent rapport du sénateur démocrate Jon Ossoff sur les machinations, tortures et agressions, notamment sur enfants et femmes enceintes, commises à même lesdits camps. La bonne nouvelle? Que celui d’Alligator Alcatraz risque, aux suites d’une décision judiciaire, une fermeture complète. One down. Pour l’instant. Attendons les résultats de l’appel.

Du reste, on m’excusera une analogie probablement trop rapide, mais quasi impossible à éluder, vu les similitudes des huit derniers mois. Qui d’autre, peu avant la tenue de Jeux olympiques, se sera amusé à faire dégager les itinérants jusqu’en centre de détention? Indice: on parle de 1936, à Berlin.

Pour recevoir toutes les chroniques de Me Frédéric Bérard, abonnez-vous à notre infolettre, Les débatteurs du samedi.