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Autopsie d’une cruauté animale

Le sauvetage in extremis de Linus est, tristement, l’illustration d’une néo-propension à la cruauté animale.

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(Montage Noovo Info et courtoisie)

Linus pèse 17 livres plutôt que les 66 prévues. Quasi-décès. Incapable de se tenir debout, seul. Ni de simplement lever la tête. Trois semaines après son arrivée à la SPCA de Montréal, le beau déambule enfin, la démarche chaloupée, vers son bol de bouffe présenté. Des techniciennes et vétérinaires l’accompagnent dans l’aventure. Celle de manger un brin.

Le sauvetage in extremis de Linus est, tristement, l’illustration d’une néo-propension à la cruauté animale. En 2024 seulement, 179 animaux auront été secourus pour des motifs similaires, trois fois davantage que l’année précédente.

Les raisons invoquées par la directrice générale de l’organisme, Laurence Massé, sont limpides: plus de 200 000 chats et chiens ont été adoptés, dans la métropole, depuis la pandémie. L’inflation et la crise du logement suivant (merci d’ailleurs à l’absence de règles obligeant les locateurs à accepter les animaux, tel en France), le nombre d’abandons explose.

«Les gens ne réalisent pas, trop souvent, la responsabilité financière afférente. La nourriture, oui, mais les frais de vétérinaires, aussi, en plus du reste.»

Le sauvetage in extremis de Linus est, tristement, l’illustration d’une néo-propension à la cruauté animale. Le sauvetage in extremis de Linus est, tristement, l’illustration d’une néo-propension à la cruauté animale. (Courtoisie)

Enchaînant, la voix de la directrice générale, au bout de la ligne, se casse un tantinet 

«Il aurait été impossible de sauver Linus sans les dons du public, sans sa participation, non plus. On voit, avec bonheur, que les animaux prennent de plus en plus de place dans nos vies, que les gens souhaitent les défendre. C’est d’ailleurs pourquoi on vient de lancer une ligne de dénonciation, et la raison pour laquelle nos enquêteurs ont appris le fin fond de l’histoire.»

Laquelle, précisément  Celle des traitements subis par l’innocent. En vertu des infos récoltées auprès de leurs voisins, deux individus font maintenant face à la justice criminelle, accusés d’avoir infligé volontairement et sans nécessité (comme si un contexte pouvait justifier celle-ci) une «douleur, souffrance ou blessure» à leur chien.

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Autre mauvaise nouvelle, pour les abuseurs: que la preuve qu’une personne a omis d’accorder à un animal des soins raisonnables suffit maintenant, à moins d’une preuve contraire, afin de démontrer que les souffrances ou blessures ont été volontairement causées ou tolérées.

En d’autres termes, bonne chance.

Surtout que l’emprisonnement maximal prévu est de cinq ans. Les possibilités que les condamnés, le cas échéant, aillent s’asseoir le popotin aussi longtemps en prison? Tout dépendra d’une décision prochaine de la Cour d’appel, elle qui aura à déterminer si la peine de 23 mois d’emprisonnement infligée à Antoine Simard, un éleveur de chiens de traîneaux, est proportionnelle au crime commis. Lequel? Celui, tenez-vous bien, d’avoir tué par pendaison, asphyxie ou congélation une… centaine de chiens. Par année. Pendant 10 ans.

On espère, pour dire le moindre, que le plus haut tribunal du Québec acceptera de renverser la décision initiale, et d’y aller d’une sentence autant significative que symbolique. Parce que si pareil sanguinaire responsable d’un génocide canin s’évite les cinq ans prévus qui, on se le demande, se les fera coller?

Un arrêt souhaité comme conforme, donc, à l’assertion de Laurence Massé: celui d’un Québec de plus en plus soucieux du bien-être animal. Celui qui ferait sien, aussi, l’adage de Gandhi: on peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux sont traités.

Soyons grands. 

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