Les habitants d'une ville du nord de l'État de New York se sont rassemblés mardi soir pour verser des larmes et allumer des bougies en hommage à une petite Montréalaise de neuf ans dont le corps a été retrouvé dans leur quartier cette fin de semaine.
De nombreux habitants de Ticonderoga se sont rassemblés dans un parc local pour rendre un hommage émouvant à Melina.
Alors que Somewhere Over the Rainbow jouait doucement dans un haut-parleur, les gens allumaient leurs bougies, essuyaient leurs larmes et inclinaient la tête pendant la lecture d'une prière.
La jeune fille a été retrouvée morte dans un étang peu profond dimanche, suite à un homicide présumé. Les résultats préliminaires de l'autopsie, publiés mardi, ont conclu qu'elle était morte d'asphyxie par noyade.
Bridgette Cruz, une habitante de Ticonderoga, a raconté avoir le cœur brisé pour la mère et les proches de la fillette.
«Elle était censée être prise en charge, et en tant que mère, je ne peux pas imaginer la douleur qu'elle ressent et la souffrance», a-t-elle expliqué avant la veillée. «C'est une véritable tragédie, non seulement pour cette ville, mais pour deux nations.»
«Cette petite fille n'était pas d'ici, mais nous l'aimerons comme si elle était de Ticonderoga.»
Elle affirme que la petite fille fera toujours partie de la communauté, même si elle n'y a pas vécu.
Matthew Courtright, président-directeur général de la Chambre de commerce de la région de Ticonderoga, a souligné que toute la communauté avait été touchée par ce décès.
«Face à la tragédie, face aux difficultés, nous nous rassemblons toujours, a-t-il dit. Les gens se mobilisent et nous nous soutenons mutuellement.»
Lors de la veillée, un bouquet de fleurs et une petite peluche étaient posés sur une table. À côté se trouvaient deux œuvres d'art portant un message écrit de la main d'un enfant : «Repose en paix Melina. Tu étais aimée par beaucoup de personnes.»

Alors que le soleil se couchait sur le parc, illuminant les espaces ouverts et une cascade bouillonnante, de nombreux participants à la veillée ont exprimé leur incompréhension face à la possibilité qu'un père ait pu tuer son enfant.
«Entendre parler du père, c'est bouleversant, a expliqué Annette Hurlburt. J'ai un neveu de neuf ans et je ne peux pas imaginer que cela puisse lui arriver.»
Elle a expliqué que de nombreux habitants de la ville avaient reçu une alerte AMBER lors de la disparition de Melina et espéraient son retour sain et sauf.
Mme Hurlburt a ajouté que son message visait à encourager toute personne en difficulté à demander de l'aide avant qu'il ne soit trop tard.
«Si vous êtes dans une situation et que vous avez besoin de demander de l’aide pour éviter que des tragédies comme celle-ci ne se produisent, je vous recommande de demander de l’aide», a-t-elle dit.
Le père de la fillette plaide non coupable
Dans le cadre de son enquête, la police a publié les résultats de l’autopsie de Melina Frattolin, réalisée par le Dr Michael Sikirica à l’hôpital Glens Falls de Glens Falls, dans l’État de New York. Ce dernier a conclu que le décès était dû à un homicide.
Le père de la fillette, Luciano Frattolin âgé de 45 ans et vivant à Montréal, fait face à des accusations de meurtre au deuxième degré et de dissimulation de cadavre dans l’État de New York.
Il a plaidé non coupable lors de sa première comparution devant le tribunal lundi.
La police a indiqué que le corps de sa fille avait été retrouvé dimanche à Ticonderoga, dans l'État de New York, à environ 50 kilomètres au nord-est de Lake George, près de la frontière entre l'État de New York et le Vermont.
Le mobile du meurtre de la jeune fille fait l'objet d'une enquête, précise la police. Elle a ajouté que l'accusé n'avait aucun antécédent criminel ni de violence conjugale.
Frattolin et la mère de Melina étaient séparées depuis 2019. La fillette vivait à temps plein avec sa mère, qui n'avait pas exprimé d'inquiétude quant au fait de laisser sa fille passer du temps avec son père, selon la police.
Mardi, la police a sollicité l'aide du public dans cette affaire, publiant des photos d'une Toyota Prius grise de 2024 utilisée par Frattolin et sa fille lors de leur séjour aux États-Unis. La police recherchait spécifiquement des vidéos ou des témoignages de personnes qui les auraient vus le soir du 19 juillet.
Melina a parlé à sa mère au téléphone vers 18h30 samedi et ne semblait pas être sous la contrainte, selon la police. Environ trois heures et demie plus tard, Frattolin a appelé le 911 et a signalé la disparition et le possible enlèvement de sa fille de neuf ans.
La police a déterminé que la version du père était fausse et une recherche menée par plusieurs agences dimanche après-midi a permis de retrouver son corps.
L'accusé poursuivi pour 150 000$
Frattolin exploite des entreprises qui ont été embourbées dans plusieurs procédures judiciaires à Montréal depuis le début de 2025.
Dans un cas, des documents examinés par La Presse Canadienne montrent que la Banque Scotia poursuivait Frattolin pour recouvrer plus de 150 000 $ de factures de cartes de crédit impayées.
Frattolin a également intenté une poursuite contre un homme embauché pour gérer une propriété qu'il exploitait comme location à court terme dans un quartier branché de Montréal.
Selon ses avocats, Frattolin a intenté cette action après avoir appris, en août dernier, que son propriétaire avait résilié le bail en raison de 10 mois de loyer impayé, totalisant plus de 26 000 $. Il accusait le gestionnaire immobilier de ne pas avoir fait son travail et de ne pas avoir payé le loyer.
Les documents judiciaires indiquent que le père de Melina vivait au Canada à temps partiel et utilisait son entreprise de location à court terme pour payer la pension alimentaire mensuelle de sa fille et ses dépenses.
Mais il n'a pas perçu les revenus escomptés et s'est retrouvé «avec des sommes considérables à payer pour régler les arriérés de loyer, les intérêts, les pénalités et les frais liés à la propriété», peut-on lire dans la plainte.
Son avocat a également allégué que le gestionnaire immobilier l'avait accusé d'avoir vidé le compte bancaire de l'entreprise et de s'être enfui en Italie. Or, l'avocat a nié ces allégations dans une lettre.
«Il n'est pas retourné en Italie pour se soustraire à quoi que ce soit», peut-on lire dans la lettre de l'avocat.
Frattolin a également allégué dans la plainte, qui n'a pas été examinée par les tribunaux, que le gestionnaire immobilier avait menacé de collaborer avec la mère de son enfant pour l'empêcher d'entrer au Québec en raison des impôts impayés de l'entreprise.
Dans deux autres affaires, Frattolin a déposé des requêtes contre divers géants des télécommunications, demandant une ordonnance les obligeant à divulguer l'identité d'une personne qui aurait accédé à son compte de messagerie pendant plusieurs mois.
Sur sa page Instagram, il se décrivait comme un père aimant, un voyageur et un amateur de café. Il est propriétaire d'une entreprise d'importation et de distribution de café, et une biographie en ligne, depuis supprimée, le décrivait comme le fils d'une mère éthiopienne et d'un père italien, avec un parcours professionnel diversifié.
La biographie indiquait qu'il vivait à Montréal afin de passer plus de temps avec «sa belle fille Melina», qui est la «lumière de sa vie».
La biographie fait également allusion à des difficultés personnelles: son origine ethnique mixte a entraîné des «incidents de racisme et un sentiment d'isolement», et son père est décédé alors que Frattolin avait 17 ans. On y évoque également une période où il a «perdu sa passion pour l'art de vivre» et un «événement malheureux» survenu en février 2019 qui a «gravement affecté son bien-être».
La police affirme que 2019 est l'année de sa séparation avec la mère de Melina.
Frattolin doit comparaître à nouveau devant le tribunal vendredi à Ticonderoga.
Avec des informations de Sidhartha Banerjee de La Presse Canadienne.

