Justice

Une femme poursuivie pour avoir traité d'autres femmes de «prétendues Autochtones»

Les plaignantes réclament plus de 500 000 $ de dommages et intérêts à Crystal Semaganis.

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Le bâtiment des tribunaux du Yukon à Whitehorse, photographié le mercredi 27 octobre 2021. (Mark Kelly | La Presse canadienne)

Une femme issue des Premières Nations est poursuivie en justice pour avoir traité quatre femmes de «prétendues Autochtones». Les plaignantes réclament plus de 500 000 $ de dommages et intérêts et demandent que les commentaires largement médiatisés à leur sujet soient retirés.

Michelle Christine Cameron, également connue sous le nom de Crystal Semaganis, qui dirige la Ghost Warrior Society, affirme mener des recherches pour protéger les espaces communautaires réservés aux peuples autochtones et affirme que ceux qui prétendent être autochtones causent un réel préjudice aux communautés et aux nations.

Dans la plainte déposée en juillet devant la Cour suprême du Yukon, Amanda Buffalo, Krista Reid, Amaris Manderschied et leur mère Louise Darroch affirment que Mme Semaganis a mené des recherches sur leurs origines et conclu qu'elles étaient d'origine ukrainienne et non autochtone, puis s'est lancée dans une campagne «acharnée» contre elles sur les réseaux sociaux.

Selon les documents judiciaires, Mme Semaganis est accusée de les avoir traitées de «fraudeuses, menteuses et racistes qui exploitent leur prétendue ascendance autochtone à des fins personnelles».

Les quatre femmes, dont trois occupent des postes au sein ou au service de communautés autochtones, réclament collectivement plus de 500 000 dollars de dommages et intérêts, ainsi que la rétractation publique des déclarations faites par Mme Semaganis.

Par l'intermédiaire de leur avocat, les femmes ont refusé de commenter au-delà de ce qui figurait dans la déclaration.

La plainte contre Mme Semaganis indique qu'à partir de la fin octobre 2024, celle-ci s'est livrée à une «campagne diffamatoire acharnée contre les plaignantes», qui ont subi «des préjudices importants à leur réputation personnelle et professionnelle, des dommages psychologiques graves, une perte de revenus, une perte d'opportunités académiques et une perte d'opportunités commerciales».

La plainte indique que Darroch a été adoptée par un couple non autochtone et qu'elle a appris plus tard dans sa vie qu'elle avait des origines autochtones.

Alors qu'elle enquêtait sur la famille — ce que Semaganis dit ne faire qu'après avoir reçu une dizaine de plaintes du public —, le document judiciaire indique que Semaganis a contacté Darroch pour obtenir des informations sur ses origines, et celle-ci lui a expliqué l'adoption.

Mme Semaganis lui a alors présenté des recherches concluant qu'elle était d'origine ukrainienne et a commencé à diffuser cette information sur ses réseaux sociaux, ce que les quatre femmes qualifient de diffamatoire et souhaitent voir supprimé.

La Presse canadienne n'a vu ni vérifié aucune de ses recherches. Aucune des allégations contenues dans la plainte n'a été examinée par un tribunal.

Mme Semaganis a indiqué qu'elle n'avait pas encore été officiellement assignée, mais qu'elle avait reçu des lettres de l'avocat des femmes auxquelles elle n'avait pas répondu.

Mme Semaganis, qui n'a pas souhaité commenter les détails du procès, a confié que ce n'était pas la première fois qu'elle faisait l'objet d'une action en justice. En tant que survivante de la rafle des années 60, Mme Semaganis a déclaré que ces poursuites judiciaires ne la dissuadaient pas de faire ce qu'elle fait.

«Si nous sommes constamment bombardés par des personnes aux intentions malveillantes et à l'authenticité douteuse qui va de pair avec le "prétendianisme", cela met nos communautés en danger», a-t-elle affirmé. « Franchement, ils s'en tirent à bon compte depuis des décennies et se sont installés confortablement dans les espaces, les ressources et les plateformes qu'ils ont volés.»

La rafle des années 60 fait référence à une période comprise entre 1951 et 1991 au cours de laquelle des enfants autochtones ont été systématiquement retirés de leurs foyers et placés sous la garde de non-autochtones, ce qui a entraîné une perte de culture et de liens communautaires.

Prétendre faussement avoir une identité autochtone «rends notre retour plus difficile, car il y a désormais beaucoup de doutes au sein des communautés», a-t-elle dit, faisant référence à plusieurs affaires très médiatisées dans lesquelles l'identité autochtone de Buffy Sainte-Marie et Mary Ellen Turpel-Lafond a été remise en question. Ces affaires ont provoqué des remous au sein des communautés autochtones, qui se méfient de plus en plus des revendications.

Mme Semaganis a expliqué que les personnes dites «prétendantes» utilisent la rafle des années 60 pour masquer leur manque d'authenticité et s'en servent comme défense lorsqu'on leur demande de quelle nation elles sont originaires et qui les revendique.

Bien que Mme Semaganis soit confiante dans ses capacités à rechercher la généalogie des personnes, elle a qualifié son domaine de «territoire inexploré» où elle et le collectif avec lequel elle travaille apprennent au fur et à mesure.

«Nous sommes conscients que nous ne sommes pas parfaits, mais nous créons un précédent. Et nous faisons un travail dont notre peuple a absolument besoin.»
-Michelle Christine Cameron, également connue sous le nom de Crystal Semaganis

Elle a également ajouté que si de nouvelles informations contredisant ses recherches lui étaient présentées, elle reconnaîtrait son erreur et informerait la communauté des nouveaux développements.

Le gouvernement fédéral utilise une norme de deux générations pour délivrer les cartes de statut d'Indien. La Ghost Warrior Society applique une norme plus large pour revendiquer l'identité autochtone, qui inclut un ancêtre autochtone identifiable parmi les quatre dernières générations.

L'année dernière, la Fédération des Métis du Manitoba et les chefs de l'Ontario ont adopté une déclaration condamnant toute personne ou tout groupe qui « revendique faussement » l'identité autochtone à des fins personnelles. La déclaration affirme que cela contribue à marginaliser les voix des Premières Nations, des Inuits et des Métis de la rivière Rouge.

D'autres dirigeants autochtones se sont exprimés sur la question, tandis que le gouvernement fédéral est resté largement silencieux. Néanmoins, des membres de la communauté comme Mme Semaganis ont poursuivi leurs efforts avec détermination, malgré la réaction négative du public.

«Chaque fois qu'un prétendant est expulsé des espaces qu'il a volés, les survivants de la rafle des années 60, les survivants des pensionnats indiens ou d'autres personnes qui ont été déplacées et mises de côté au profit des prétendants peuvent peut-être endosser les rôles qui leur revenaient à l'origine», a soutenu Mme Semaganis.

Alessia Passafiume

Alessia Passafiume

Journaliste